"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Arnaud Modat récidive. Arnaud Modat dézingue en faisant rire. Après nous avoir régalé en 2017 avec Arrêt non demandé, un premier recueil de nouvelles, le voici de retour avec La démence sera mon dernier slow. Mais avant d'en arriver à la nouvelle qui donne son titre au recueil, procédons par ordre chronologique.
La première nouvelle s'intitule Les limites de la philosophie chinoise et met aux prises un jeune homme qui se décide enfin à rendre ses ouvrages empruntés à la médiathèque et Sophie, une belle jeune fille qui s'effondre dans ses bras, victime d'une crise d'épilepsie. En voyant partir l'ambulance qui la conduit à l'hôpital, il voit aussi ses rêves s'envoler…
Un chef d'œuvre d'humour juif est l'histoire d'un lycéen acnéique qui aimerait baiser et imagine les stratagèmes – foireux – pour y parvenir.
C'est là qu'arrive La démence sera mon dernier slow qui, contrairement à ce que vous pourriez imaginer raconte le premier jour de classe de Masturbin. Oui, je sais, ce prénom peut faire sourire. Mais le but de son père est atteint: on n’oublie pas son fils. En revanche lui pourra oublier sa rentrée, car elle n'a pas vraiment eu lieu. À peine arrivé en classe, son père s'est embrouillé avant de repartir furieux avec son fils. Et alors qu'il se détend avec une pute décatie, Masturbin est aux bons soins de Mélanie à la médiathèque. Un endroit très prisé dans ce recueil, vous vous en rendez compte.
Vient ensuite un interlude dialogué qui nous propose un échange savoureux entre un organisateur d'enlèvements qui généralement obtient une rançon et un homme dont la découverte d'un orteil de son épouse dans son réfrigérateur laisse… froid. Disons encore un mot à propos de Death on two legs, l'histoire d'un paraplégique parti découvrir la mer et qui se retrouve assez loin du rivage, surpris par la marée. Suivront un match de rugby fatal, un second interlude dialogué, deux portraits de femmes bien différentes mais qui toutes deux vont se retrouver seules, sans mari et sans chien, avant de finir sur le récit bien déjanté d'une chute à vélo aux conséquences funestes.
On l'aura compris, l'imagination débridée d'Arnaud Modat continue à faire merveille, soutenue par un humour qui s'appuie sur des comparaisons farfelues et le télescopages d'images à priori sans rapport. Si on s'amuse beaucoup, on sent toutefois la politesse du désespoir poindre ici. Celle d'un avenir incertain, d'une société en proie au doute. D’ailleurs à la fin du livre, il meurt sous le regard de Christine Angot, convoquée à Strasbourg pour apporter son commentaire éclairé.
Déjà dans ma première chronique j’émettais le vœu que le nouvelliste se lance dans un roman, suivant par exemple les pas de Florent Oiseau. J’aimerais beaucoup l’entendre dire Je vais m’y mettre car je reste persuadé que sur la longueur, son dernier slow pourrait se transformer en valse!
https://urlz.fr/dmRa
Nouvelles ? Roman à six portes ? Comment savoir ?
L’auteur ne manque pas d’humour et croque ses personnages avec talent. J’ai beaucoup ri et souri à la lecture des premières histoires.
L’avant-dernière, plus grave, m’a mis mal à l’aise.
Les titres posent question d’entrée de lecture : La dernière nuit du hibou ; La fourchette à poisson.
On sent l’attachement de l’auteur à la ville de Strasbourg (ville que j’aime beaucoup par ailleurs).
Du léger, du plus grave, ne passez pas à côté de ce livre.
L’image que je retiendrai :
La liste des remerciements en fin de volume est fort drôle aussi.
http://alexmotamots.fr/arret-non-demande-arnaud-modat/
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2017/01/19/34822762.html
En voilà encore une bien belle découverte que cet « Arrêt non demandé » d’Arnaud Modat. Bien qu’il soit qualifié de roman, nous avons affaire à un recueil de six nouvelles. La nouvelle est un genre littéraire trop peu publié en France (contrairement aux Etats-Unis par exemple) et je trouve cela bien dommage car c’est tout un art de créer en si peu de pages un univers avec une chute marquante.
Avec ses six nouvelles, Arnaud Modat nous embarque dans une rédaction d’un garçon de huit ans qui assiste à des scènes violentes de conflits familiaux, dans l’aventure de la grossesse vue du père, dans les conflits de voisinage, dans la lettre du faux père Noël complètement allumé pour Joan, cinq ans, trois mois (et demi !), dans une nuit où César Garcia rencontre la Mort herself et enfin dans un enterrement d’un artiste de complément à L.A.
J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur bien trash et hilarant pour évoquer des sujets sérieux, graves comme la précarité de l’emploi, les conflits de voisinage ou de famille, les différences sociales, les idées suicidaires, la violence, le bouleversement des vies à travers les expériences du couple et de la grossesse. Arnaud Modat a véritablement le sens de la formule qui fait mouche dans cette constellation de textes qui sont autant de fragments de vies désenchantées et cyniques, comme le monde sait l’être. La dérision et l’humour de l’auteur se retrouvent aussi dans l’autobiographie (l’auteur serait physiquement entre Roger Moore et un glissement de terrain) et les remerciements (il remercie pêle-mêle des personnes mais aussi Pôle Emploi, Kelly Service, le Vatican ou encore YouPorn).
Un très plaisant moment de lecture. Personnellement, j’ai une préférence pour la nouvelle La dernière nuit du hibou : le texte est plus sombre et on oscille entre le mythe, le fantastique voire le conte philosophique.
Je recommande.
Dans son autoportrait qui clôt ce recueil, Arnaud Modat nous apprend qu'il est "beaucoup moins que la somme de ses personnages." il ajoute "physiquement, je me situe entre Roger Moore et un glissement de terrain. (...) Si j'étais une fleur, je serais bien embêté pour me servir des digicodes, mais sinon, un coquelicot." (p.139/140) Son portrait chinois qui continue sur deux pages est aussi barré que l'ensemble de ses histoires.
- La mer dans le ventre : les joies de la famille et plus particulièrement des fêtes de famille vues par un enfant qui n'hésite pas à digresser, à apporter sa pierre à l'édifice familial en pleine démolition.
- Raoul : Aurore, la femme du narrateur est enceinte et lui absolument pas prêt à être père. En plus, il ne veut plus faire l'amour à Aurore et vont consulter une sexologue.
- Tapage nocturne et neige précoce : le voisin de dessous met sa musique très forte et empêche Henry et Chloé de dormir, Chloé qui doit se lever tôt. Aussi demande-t-elle à Henry d'intervenir, ce qu'il a du mal à faire.
- J'existe (je ne fais que ça) : lorsqu'un gars diplômé ne trouve comme boulot qu'une mission courte consistant à répondre aux lettres envoyées au Père Noël, ses réponses ne sont pas très académiques.
- La dernière nuit du hibou : Cézar Garcia est au bout du rouleau. Avant de se suicider, il appelle tout son carnet d'adresses, même les gens perdus de vue depuis le CE2.
- La fourchette à poisson : un producteur hollywoodien est spécialisé dans les figurants, mais attention, pas n'importe lesquels, les meilleurs. Ceux qui font tellement bien leur boulot qu'on ne les remarque pas.
Attention, ce recueil de six nouvelles plus un autoportrait est hautement fréquentable, voire même indispensable. J'ai ri comme je ris rarement en lisant. D'abord franchement dans les deux premières nouvelles, avec une mention particulière pour Raoul dans laquelle j'ai frôlé le fou rire. Le style, les tournures de phrases, les mots rendent cette histoire irrésistible : "Avant qu'elle ne tombe gravement enceinte, Aurore et moi faisions l'amour chaque lundi soir. Le reste de la semaine, nous nous aimions sans les mains. Ce n'était pas toujours simple. Il m'arrivait de songer à la culbuter en dehors de la fenêtre de tir. Parfois j'avais envie d'une tendresse buccale au beau milieu d'un week-end, par exemple. J'étais même susceptible de bander un mercredi, journée consacrée traditionnellement à la course à pied et à la restitution des documents à la médiathèque." (p.29) Je pourrais la citer toute, tant j'ai aimé cette histoire on ne peut plus banale, la peur de la paternité qui approche, mais tellement délicieusement racontée.
J'existe parle de la difficulté à trouver du travail et de l'obligation de prendre ce qu'on trouve pour payer les factures et La dernière nuit du hibou de la séparation, de la mort, de la dépression. Icelles font état d'un humour noir, très noir, donc très drôle. A chaque fois, Arnaud Modat parle de thèmes banals : la rencontre, la solitude, l'amour, la séparation, la vie de couple, la mort, la famille, mais il le fait avec un angle de vue personnel qui rend les situations décalées, barrées. Toutes ses nouvelles sont excellentes -même si mon petit faible pour Raoul est bien présent, c'est dire qu'elle est encore mieux qu'excellente.
Certains lecteurs ont peur dès qu'on parle de nouvelles, je leur dis, n'ayez crainte, Arnaud Modat vous emmènera dans son monde, vous rirez franchement, parfois jaune mais vous rirez sur des situations que vous avez pu vivre ou vivez ou vivrez. Avec certains écrivains, on peut rire de tout, sans pour autant rester léger, Arnaud Modat pose de bonnes questions, y répond parfois mais laisse chacun libre d'y apporter ses propres réponses.
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