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À l'origine, cruor désigne le sang répandu et, par métonymie, la chair sanglante. Les Romains lui opposaient le terme de sanguis, qui désigne de son côté du sang circulant dans le corps mais aussi la force vitale. Au sens premier, l'acte de cruauté est donc une forme particulière de violence qui consiste à déchirer les corps ; mais chez les cyniques grecs comme chez Nietzsche ou Artaud, la cruauté est avant tout l'autre nom de la lucidité. La contradiction entre morale et désir, qui fait toute l'ambivalence humaine, mène donc cruor et sanguis dans un jeu dialectique. À partir d'une réflexion philosophique étayée sur de nombreuses situations concrètes (camps de concentration, exécutions capitales, terrorisme, mais aussi arts contemporains ou sadomasochisme) où l'homme est capable de balayer toute inquiétude morale, cet essai tend à montrer qu'il n'y a pas de bien et de mal en soi, mais des situations dans lesquelles l'individu éprouve la liberté de commettre ou non des actes effroyables aux dépens d'autrui.
Michel Erman est professeur des universités. Il enseigne les Lettres modernes à l'Université de Bourgogne, et est également écrivain ; il a publié un roman (Le Clown se meurt, 2003) et de nombreuses tribunes dans la presse (Le Monde, Libération, Le Figaro) sur le discours et les passions politiques.
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