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À Nove Mesto, en République tchèque, Baba accouche d'Elena.
On est le 1er avril, tout le monde croit à une farce : Baba est tellement grosse que personne n'avait vu qu'elle était enceinte de ce sixième enfant, arrivé vingt ans après les autres.
La fillette grandit dans un monde de femmes, entourée par sa mère, ses tantes et ses soeurs. Le seul horizon possible est le mariage. Quand l'une d'entre elles, Magda, part en France, Elena pleure à s'en rendre malade. Elle pousse comme une herbe folle, s'ennuie à l'école et ne vit que pour ces mois d'août où Magda revient avec sa fille, Anna. Une amitié intense et fraternelle unit les deux enfants.
Mais le pays se transforme : la guerre, le communisme, Tchernobyl, la chute de l'URSS... Les possibilités d'Elena se restreignent. Insidieusement, la distance se creuse entre les deux amies d'autant que pèse un secret, une vérité sèche, coupante comme une herbe en été.
Née vingt ans après les cinq autres enfants d’une mère tellement obèse que personne n’avait remarqué son ultime grossesse, Elena grandit à Nove Mesto, petite ville de ce qui deviendra un jour la Tchéquie. Elle vit dans l’impatience de chaque été, quand enfin sa sœur Magda revient de France pour les vacances, accompagnée de sa fille Anna. Les deux enfants sont en effet très proches. Pourtant, le temps qui passe et leurs vies disjointes, bientôt avec chacune mari et progéniture, les séparent peu à peu.
L’histoire évolue doucement, par petites touches pleines de sensibilité. En très peu de pages, elle parvient à nous immerger dans le cocon tissé par la solidarité des femmes de cette famille, habituées à se serrer les coudes et à se débrouiller sans se plaindre, dans une société soviétique qui use à ce point leurs hommes qu’ils finissent en général par plonger dans l’alcool et l’apathie. Peu à peu, les rêves d’enfant d’Elena perdent de leurs couleurs, au contact d’une réalité qui semble tout émousser. Energie, envies, bonheur : tout file entre les doigts, au long d’insensibles et menus renoncements qui en arrivent à faire perdre le sens de l’existence et à briser des liens jusqu’ici indéfectibles. La désillusion est d’autant plus douloureuse qu’elle se nourrit d’un profond désarroi consécutif aux métamorphoses post-soviétiques, synonymes pour Elena d’éclatement familial et de désarçonnante solitude quand, désormais, il ne faut plus compter qu’avec soi-même.
L’on se demande longtemps où mène la succession des menus faits qui composent la vie d’Elena, jusqu’à ce qu’une révélation contenue dans quatre mots vienne, sans crier gare, bousculer toute la perspective du récit. Les personnages en prennent soudain une épaisseur nouvelle, alors que se dessinent d’un coup des abîmes de non-dits que le texte n’explorera pas, laissant le lecteur sur le seuil de cette porte béante, comme il semble qu’Elena elle-même soit restée.
Une jolie écriture, fine et sensible, porte ce roman mélancolique, habité par de beaux personnages de femmes, étonnants de force et d’émotion retenue. Un bel hommage à l’âme slave.
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