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L'entente entre la nature et l'homme trouve sans doute son accomplissement dans Kyôto. Deux jumelles ont été séparées à leur naissance. Elevées dans des milieux différents, l'une à la ville, l'autre dans la montagne, vont-elles pouvoir se rejoindre, adultes, et se comprendre ? Au-delà de cette histoire limpide et bouleversante, c'est l'affrontement du Japon traditionnel et du Japon qui s'américanise chaque jour davantage, qui est ici mis en scène.
Ecrit en 1962, Kyôto est sans doute l'oeuvre qui exprime le plus profondément le déchirement métaphysique et psychologique de l'écrivain japonais.
Le jour de la fête de Gion, Chieko rencontre par hasard Naeko, sa sœur jumelle. Bien sûr, Chieko savait qu’elle avait été adoptée par la famille Sata, un couple de riches négociants en tissus de Kyôto, mais elle ignorait l’existence d’une sœur. Pour elle c’est un choc alors que pour Naeko c’est une rencontre naturelle. Elevée à la montagne, recueillie par une famille d’exploitants forestiers spécialistes des cryptomères, la jeune fille n’avait jusqu’ici jamais voulu approcher sa jumelle craignant qu’une simple paysanne n’indispose une jeune fille aisée et moderne. Pourtant, Chieko cherche à se rapprocher de Naeko, mais est-il possible de réunir ce qui a été séparé à la naissance ?
Un petit bijou de poésie et de délicatesse qui fait découvrir les beautés de Kyôto au fil des saisons. A chaque période de l’année, un festival, une tradition, une merveille de la nature. Tout cela est-il voué à disparaître ? Kawabata situe l’action de son roman dans les années 60, quand le Japon semble vouloir s’américaniser. On trouve de plus en plus de postes de radio dans les boutiques traditionnelles, les kimonos commencent à être fabriqués à la chaîne, les filles et les garçons cherchent l’amour plutôt qu’un mariage arrangé. Chieko est le symbole de ce modernisme. Cultivée et raffinée, c’est une fille de la ville qui profite d’une vie oisive et contemplative. L’auteur lui oppose la douce Naeko, une fille de la montagne, respectueuse des traditions et des classes sociales, habituée au travail du bois, comme ses mains abimées en témoignent. Pour Kawabata, leurs deux mondes sont incompatibles et Kyôto perd son âme par trop de frivolité et de modernité. Comme un baroud d’honneur avant que la ville ne poursuive sa course folle vers le futur, il a voulu raconter tout ce qui en fait la beauté, de sa nature sans cesse renouvelée à ses fêtes marquant les saisons ou ses temples anciens.
Kawabata est ici d’un pessimisme morbide. Certes Kyôto a changé, évolué, s’est modernisé mais elle n’a pas perdu son âme. On y croise encore des Japonais sensibles à la beauté éphémère d’une fleur de cerisier, on peut encore y assister à fête de Gion…Kyôto reste une perle à découvrir.
Au sortir de la lecture du roman, je m'interroge …... Son intérêt est-il romanesque, est-il documentaire? Quel est réellement son personnage principal?
Le protagoniste est bien sûr Chieko, personnage pivot autour duquel gravitent tous les autres, qui pendant l’année où se déroule l’action, vit une étape importante de son existence: elle découvre sa jumelle et par là-même celle qu’elle aurait pu être, le pouvoir qu’elle peut exercer sur les garçons et réfléchit sur le commerce de son père . Elle quitte le monde de l’adolescence pour entrer dans celui des adultes . Le roman constitue alors ainsi un roman d'apprentissage .
Mais le personnage central de l’oeuvre ne serait-il pas plutôt la ville de Kyoto? Déjà, le titre incite à le penser; de plus, la ville est décrite à chacune des saisons, comme une femme qui changerait de kimono. Le lecteur, en compagnie de Chieko, découvre ses différents parcs, ce qui donne lieu à de magnifiques passages descriptifs intégrés au récit, et parcourt les rues qui sillonnent la ville. Les différentes cérémonies qui ponctuent l’année offrent à l’auteur l’occasion de rappeler leurs origines, de donner à voir les défilés et les personnages qui y sont incarnés. Le roman, présente alors un indéniable intérêt documentaire .
Si je dois avouer que je me suis sentie parfois un peu perdue au milieu de termes à consonance exotique, dans tous ces passages à intérêt documentaire qui m'ont parfois aussi paru parasiter l’intrigue, je dois reconnaître que je me suis laissée embarquer dans cette visite d'une ville qui incarne un Japon traditionnel, grâce au regard amoureux et d'une délicate sensualité que l'auteur jette sur cette cité dont le spectacle se renouvelle au fil des saisons .
La ville de Kyoto est-elle le cadre du roman dont la protagoniste est Chieko? Ou bien est-ce le personnage de Chieko qui est le prétexte à une évocation des différents visages de la ville de Kyoto, ancienne capitale d’un Japon traditionnel menacé par le modernisme?
La question a finalement peu d'importance ….Le roman a constitué pour moi une magnifique introduction à la découverte d'une ville inscrite au parcours que je m'apprête à faire au Pays du Soleil Levant .
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