"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
De la découverte fortuite des temples d'Angkor par le naturaliste Henri Mouhot, en 1860, jusqu'au procès de Douch et des Khmers rouges, nous voici raconté un siècle et demi de l'histoire du Cambodge. Avec le secours de Conrad, Malraux, Loti et d'autres grands écrivains voyageurs, le narrateur remonte le fleuve Mékong et l'Histoire tragique d'un pays qui se rêvait le Paris de l'Extrême-Orient.
Douch, tortionnaire du S-21, récite Alfred de Vigny à la barre.
Avant tout, il faut saluer à nouveau le travail de recherche démesuré de cet écrivain voyageur érudit.
Dès les premières pages, Patrick Deville me prend par la main et je ne le quitte plus sur un espace-temps qui couvre un siècle et demi de l’Histoire du Cambodge et les parties dramatiques qui se sont abattues sur cette région du sud-est asiatique, dont celle du règne de Pol Pot. Patrick Deville va remonter le Mékong jusqu’au cœur du procès des Khmers rouges. Je serai avec lui dans un bimoteur, une pirogue et au bord d’une piscine avec un verre de blanc à lire le journal et encore avec lui me renvoyant dans cette Asie où j’ai bourlingué et vécu de nombreuses années. Cet auteur a le don et la générosité de laisser de la place au lecteur du début à la fin.
Je vais y retrouver les odeurs, les paysages mais aussi les héros de ma bibliothèque parisienne dont Cendrars, Conrad, Loti et mon si cher Graham Greene… et découvrir les héros explorateurs, les cartographes dont Francis Garnier et force aventuriers qui font que notre terre se découvre et se dénonce à l’instar de ce naturaliste, Henri Mouchot, « Henri La Science », chasseur de papillons qui perd sa collection d’insectes, meurt dont on ne sait quoi au juste, (C’est vrai. Sous les tropiques il y a tellement de trucs imprévus qui peuvent vous faire passer de vie à trépas très rapidement ne serait-ce qu’une puce de sable en temps de mousson. Expérience personnelle.), mais laisse en 1860, des carnets révélant un site fabuleux, celui des temples d’Angkor. D’autres, an(s) après HM, vont aller vérifier, constateront et feront d’autres découvertes.
Les frontières se dessinent au fil des combats… Les convictions politiques aussi sincères et respectables soient-elles peuvent rencontrer des murs ; des murs criblés de balles et de sang… Des guerres sans merci et toujours inutiles. Des S21… « L’utopie a mené à la barbarie » dira Ieng Sary, frère N°3, au procès. Un ou deux millions de morts en quatre ans. Une paille en comparaison des « Six millions de morts dans les camps nazis. Vingt au goulag. Cinquante peut-être dans la Chine de Mao. » Abjection des systèmes totalitaires. Paradoxalement, des mythes qu’ils peuvent inspirer, générer pour un éternel recommencement....
L’écriture est rapide, empreinte de la formation journalistique d’un reporter, mais aussi élaborée, poétique, recherchée, imagée, élégante et puissante. Un texte érudit captivant parsemé d’une ironie lapidaire et d’analyses personnelles humaines et intelligentes…
J’ai rencontré l’auteur de cet incontournable « Taba-Taba », son dernier livre pour lequel je manifestais un enthousiasme dithyrambique. Je ne me souviens de lui que trois choses. Un calme olympien contrastant avec ma lecture de lui, un immense sourire et un chuchotement… Il avait écrit d’autres livres… Le lendemain dans une librairie, j’ai failli tomber raide ! Ses romans sont aujourd’hui en pile au bord d’une étagère de ma bibliothèque comme un haut gâteau coupé en tranches… Je ne sais quel coma j’ai vécu pour passer à côté d’un auteur qui est tout ce que j’aime d’un écrivain…
« L’enfer est de revoir chaque heure de sa vie, ce qu’on n’a pas fait, aurait dû faire. »
Kampuchéa où l'histoire du Cambodge et de ce qui fut la Cochinchine à travers les yeux de Patrick Deville. Un livre bien dans la veine de l'auteur. Chapitres courts partageant faits historiques et expériences personnelles. Un livre vraiment intéressant pour ce qu'il révèle de cette histoire récente ou plus ancienne. Un livre sur cette partie du monde et ce qui nous lie à elle.
Un roman intéressant, mais dont malheureusement je ne garderais pas à un grand souvenir...
ce livre est à lire comme un reportage sur les évènements en Indochine
Vraiment, je ne l'ai pas aimé. J'ai été déroutée par le style d'écriture de Patrick Deville et surtout, je n'ai pas aimé l'organisation du récit, avec ces mutiples retours en arrière.
Il faut dire que le sujet est difficile.
un livre qui n'est pas à proprement parler un roman, ni un "documentaire" mais plutôt un voyage dans tous les sens du terme: géographique, historique, onirique, autobiographique aussi peut-être, sur le Cambodge depuis la découverte des temples d'Angkor par H.Mouhot (bien avant André Malraux) jusqu'au procès des khmers rouges tortionnaires. Un beau livre (particulièrement si on s'intéresse à L'Asie du Sud est)
Nuit du 17 avril 1975 : les Khmers rouges vident Phnom Penh de ses habitants, massacrés ou envoyés en rééducation dans les campagnes. « Les Jaunes sont devenus rouges[…] Un ou deux millions de Cambodgiens disparaissent, entre un quart et un tiers de la population. » Au nom des Lumières et de la Révolution française... avec une net penchant pour la Terreur. Pol Pot est mort, assassiné par l'Angkar; hier, on a jugé Douch le frêle bourreau du centre de torture S-21 ; demain, on jugera d'autres « frères numérotés. »
Le Kampuchéa ou Cambodge est le « moyeu » d'une roue qui pendant plus d'un siècle, entre Inde et Chine, broie les peuples, massacre les hommes, débaptise les villes, déplace les frontières : Thaïlande, Laos, Vietnam et... Cambodge ! A la Roue du Samsara des bouddhistes – le cycle des renaissances et de la souffrance, Anglais et Français, puis Américains Russes et Chinois donnent un coup de pouce... « Tout ce contre quoi voulaient lutter, à juste titre, quelques étudiants idéalistes du tiers monde. »
Le roman remonte les fleuves et suit le cheminement hasardeux des explorateurs, scientifiques au cœur pur et littérateurs en mal d'aventure. Henri Mouhot, chasseur de papillon qui redécouvre les ruines d'Angkor enfouies dans la jungle, est le très habile fil rouge du roman, le Mékong son fil d'Ariane. Patrick Deville se souvient de ses « rêves de table rase » de jeunesse et rend un hommage ému à ses grands anciens, Conrad, Loti, Malraux... poussant jusqu'au Coppola d'Apocalypse now , inscrivant ainsi son récit dans une méditation vagabonde sur l'histoire moderne.
Quelque peu exigeant par son exotisme, Kampuchéa est (avec Limonov) un des deux grands livres de l'automne, qui met une écriture attrayante, quasi poétique – « Les peuples passent, comme la houle du vent dans le riz en herbe. » –, au service de la conscience du monde...
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