"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Erwan est ouvrier dans un abattoir près d'Angers. Il travaille aux frigos de ressuage, dans un froid mordant, au rythme des carcasses qui s'entrechoquent sur les rails. Une vie à la chaîne parmi tant d'autres, vouées à alimenter la grande distribution en barquettes et brochettes. Répétition des tâches, des gestes et des discussions, cadence qui ne cesse d'accélérer... Pour échapper à son quotidien, Erwan songe à sa jeunesse, passée dans un lotissement en périphérie de la ville, à son histoire d'amour avec Laëtitia, saisonnière à l'abattoir, mais aussi à ses angoisses, ravivées par ses souvenirs. Et qui le conduiront à commettre l'irréparable.
Jusqu'à la bête est le récit d'un basculement, mais également un roman engagé faisant résonner des voix qu'on entend peu en littérature.
Erwan est en prison à Rennes depuis deux ans.
Pourquoi ?
On ne le saura qu'en fin de livre.
Avant, il travaillait à l'abattoir d'Angers.
Boulot épuisant, éprouvant, sans répit.
Dans le sang et les odeurs.
Des cadences difficiles à suivre.
Clac
clac
clac
le bruit de la chaîne qui continue et ne s'arrête pas.
Clac
clac
clac
Même quand on est rentré chez soi.
Heureusement, il y a Laetitia, la jeune saisonnière, un rayon de soleil dans ce monde inhumain.
Même chez les plus jeunes, un seul espoir, un seul objectif, la retraite.
Pour sortir de cet enfer.
Un livre aussi magnifique qu'il est noir et plombant.
Pas de chapitres.
Tout s'enchaîne
Clac
clac
clac
une écriture qui ne laisse pas de répit, comme cette chaîne obsédante.
Qui nous plonge au cœur de cette vie automatisée, inhumaine.
Cette vie qui sent le sang du bétail qu'on tue, qu'on dépèce, qu'on trie, qu'on transporte......
Une écriture qui nous emmène au sein de l'abattoir.
Une écriture qui dénonce les conditions de vie inacceptables de tant de gens qui travaillent dans toutes ces chaînes, ou autres emplois difficiles, pour un salaire misérable qui leur laisse juste de quoi vivre.
Quel autre espoir que la retraite ?
Mais dans quel état physique et psychique seront-ils ?
Auront-ils encore la force d'en profiter ?
Ce sujet de la condition au travail est peu traité en littérature.
A part dans le très beau livre de Joseph Ponthus : A la ligne : feuillets d'usine.
Ça va mal finir…On le sait dès le début.
Depuis la prison de Rennes-Vezin où il est incarcéré depuis deux ans, Erwan raconte ce qui était son quotidien avant d’arriver là.
A 17 ans, il décroche un boulot dans un abattoir d'Angers. Le sang, les viscères, les carcasses, le froid, les cadences infernales, l’odeur, les blagues graveleuses des collègues, l’ennui, le mépris des petits chefs, la résignation, et toujours le bruit, et toujours le clac des chaines qui rend fou.
Dans dans ce milieu qui n’a de considération ni pour l’Homme ni pour la bête, on attend la retraite dès la trentaine.
Heureusement pour Erwan, il y a Laëtitia, étudiante intérimaire, il y a son frère, sa belle sœur et leurs enfants. Des moments de douceur dans l’enfer. Mais cela n’évitera pas « l’événement ». Et des clacs de la chaîne jusqu’aux clacs des portes de la prison, Erwan déroule sa vie.
L’écriture alterne entre phrases courtes et envolées, entre la rtymique de l’usine et les pensées diffuses du narrateur.
Extrêmement noir, poisseux, tendu, anxiogène et particulièrement réussi, ce roman inaugure merveilleusement la collection poche des éditions Asphalte
Une fois commencé, impossible de lâcher ce roman. Erwan nous raconte sa vie, son travail à l’abattoir d’Angers et surtout nous tient en haleine jusqu’au bout pour savoir pourquoi il se trouve en prison. Ce qu’il appelle « l’événement » ne sera révélé qu’à la toute fin du livre.
L’écriture de Timothée Demeillers est puissante et rythmée. Il arrive à faire ressentir les odeurs, les bruits de l’usine et le sang. La cadence également, avec les « clacs » de la chaîne qui reviennent régulièrement dans le texte. Erwan est affecté au poste des frigos. Il tri les demi-carcasses de viandes qui arrivent par la chaîne. Et on lui demande d’en trier de plus en plus. La cadence augmente encore et toujours. Le maître mot est la rentabilité.
C’est un roman notamment sur la condition sociale, le mépris d’une classe pour une autre, les cols blancs vis-à-vis des ouvriers. La déshumanisation et les nouvelles techniques managériales sont pointées. La pénibilité du travail et les corps usés sont aussi au cœur de ce roman. Et cela résonne tout particulièrement en cette période où l’augmentation de l’âge du départ à la retraite est au cœur des débats.
On ressent un milieu assez dur, très masculin et macho, avec des blagues poussives. Erwan est lassé de tout cela. Il est en souffrance. Sa famille est une bouffée d’air, tout comme sa rencontre avec Laetitia, une saisonnière.
Timothée Demeillers s’est inspiré de son expérience personnelle. Il a travaillé pendant 4 mois dans un abattoir, en été, lorsqu’il était étudiant. Il a rencontré les personnages que l’on croise dans le livre.
On pense forcément à Joseph Ponthus et son roman « A la ligne » où le narrateur est aussi un ouvrier mais dans une usine de poissons, un abattoir de Bretagne.
Vous aurez peut-être envie d’arrêter ou de réduire votre consommation de viande après cette lecture. Mais Timothée Demeillers ne porte aucun jugement. Ce n’est pas un livre militant. En tout cas on en apprend beaucoup sur le métier et le milieu des abattoirs, tout en réfléchissant à notre rapport à l’animal.
A la fin du livre, vous trouverez une playlist pour rester dans l’ambiance du roman.
Il a été multi-sélectionné pour des prix. L’auteur a d’ailleurs eu le prix Hors Concours en 2021 pour son roman « Demain la brume ».
« Jusqu’à la bête » vient de sortir dans la toute nouvelle collection poche d’Asphalte, l’occasion de se faire plaisir à petit prix et de plonger dans une atmosphère particulière ! Foncez chez votre libraire et ne manquez surtout pas cette pépite !
Quant à moi, j’ai hâte de lire son prochain roman qui aura pour thème les Sudètes.
Un roman noir, noir, noir.
Erwan travaille dans un abattoir près d’Angers. De sa vie, on a du mal à trouver un souvenir heureux, une période heureuse. Il grandit dans une famille de taiseux, un père violent, une mère qui ferme les yeux et qui subit, elle aussi, un frère, Jonathan avec qui il échange peu finalement. Une enfance donc un peu chaotique, Erwan quitte l’école tôt et se fait embaucher à l’abattoir. En CDD d’abord, il finit par y signer un CDI. Le Graal. Enfin c’est ce qu’il pense au début. Et très vite, Erwan se transforme en machine. Il vit au rythme de la chaine qui comme la majorité des usines n’a qu’un objectif : la performance. Tant pis si les ouvriers y perdent leur santé, y perdent leur âme, même.
Alors on va assister à la descente aux enfers d’Erwan. Il se laisse absorber, sans vraiment s’en rendre compte par les machines, par le bruit des machines. Et pourtant, Erwan, au milieu de cette vie triste et sombre, va rencontrer son rayon de soleil : Laëtitia. Une jeune intérimaire, embauchée pour les vacances. Erwan va enfin être heureux. Pas complètement, pas pour longtemps mais il va avoir une bouffée d’oxygène. Et bizarrement, même cette parenthèse amoureuse ne le rend pas complètement heureux.
C’est réellement bien écrit. C’est un cri du cœur qui alerte sur la déshumanisation de ces usines qui ne pensent qu’au profit sans une once de bienveillance pour leurs salariés. Une mise en page qui marque le rythme, qui nous fait nous étouffer avec Erwan. Le roman n’est pas découpé en chapitres. Tout s’enchaine au rythme de la vie d’Erwan. Et j’avoue que le fait que l’histoire se passe à Angers et ses alentours m’a plu. J’ai pu visualiser les scènes plus facilement.
J'ai découvert ce roman dans un petit guide gratuit (son nom : "S'il n'en restait que 100") sur la rentrée littéraire d'automne 2017 réalisé par "Les Libraires Ensemble", un réseau de 50 librairies indépendantes.
Site officiel : https://www.libraires-ensemble.com/
Autant vous le dire d'emblée, ce roman ne respire pas la joie de vivre, c'est le moins qu'on puisse dire ! Erwan travaille à la chaîne dans un abattoir près d’Angers. Un boulot répétitif et fatigant. Une vie professionnelle qu'il juge monotone et absurde. Les semaines se suivent et se ressemblent. Le temps qui passe devient alors une obsession.
Le climat familial n'est pas au beau fixe mais Erwan parvient à "tenir de coup" notamment grâce à la venue de Lætitia une saisonnière avec qui il va partager une brève liaison amoureuse.
Mais un jour, suite à des absences de travail répétées, il est licencié et à bout de nerfs finit par commettre l'irréparable. Il aura agit "comme une bête" d’après les témoins.
"Jusqu'à la bête" est un roman coup de poing, très réaliste, qui s’interroge sur la condition de l'homme au travail et dans la société.
Le genre de livre qu'on n'oublie pas. Les "clacs" répétitifs de la chaîne de production résonnent encore dans ma tête.
Quel roman noir, terriblement noir !
J’ai tout de suite accroché avec Erwan. Jeune homme totalement normal, déscolarisé rapidement, peu aidé par ses parents (et surtout pas par son père en souffrance qui impose « avec force » son autorité), qui finalement n’avait que peu d’autres choix que l’abattoir, magnifique usine ultra moderne ouverte dans les années 80 capable d’atteindre un rendement de 50 bêtes à l’heure… Lorsqu’on fait sa connaissance il est déjà aux cotés de Mirko, le collègue de chambrée dans sa cellule qu’il occupe depuis deux ans, n’attendant plus rien de la vie si ce n’est la visite mensuelle de son frère, sa femme et leurs deux filles.
Alors le lecteur, en entrant dans ce récit s’interroge sur les raisons de sa présence ici. Mais si c’est ce qui motive la lecture au début, on perd de vue assez vite ce besoin de savoir sa peine, essayant plus de comprendre comment le système a pu entrainer cela. Parce qu’il est question de ça ici, du milieu social et surtout d’un milieu professionnel qui oublie l’homme, cet homme qui enchaine sans penser les mêmes gestes répétitifs et qui de sa vie de merde ne rêve que de quelques années de retraite (3 ans, c’est pas mal !) pour profiter de sa caravane et de son bout de terrain.
Timothée Demeillers rend compte avec beaucoup de talent des conditions de travail de l’usine (l’abattoir, ce n’est pas anodin) et de la totale déshumanisation qui se pratique naturellement. Erwan, exemple extrême (parmi tant d’autres finalement) nous permet de prendre conscience de la rudesse autant du travail que de l’image de ses supérieurs en costume cravate dénudés de compassion.
Laetitia, étudiante saisonnière, rayon de soleil qui a partagé son travail il y a dix ans, n’aura su éclairé son quotient que peu de temps l’éblouissant au point d’imaginer que l’abattoir n’est pas si mal. Mais chacun sa place, elle d’une autre condition, réparti dans ses études) lui les mains dans le sang chaud à tirer es bêtes jusqu’aux frigos, et peu à peu l’ombre s’est rabattu sur lui. Aucun échappatoire, anéanti, Erwan est devenu cette carcasse vide qu’on manipule dans cette usine, jusqu’au point de non-retour................................
http://libre-r-et-associes-stephanieplaisirdelire.blog4ever.com/timothee-demeillers-jusqu-a-la-bete
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