"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Traduction nouvelle intégrale.
Le Fouché (1929) de Stefan Zweig occupe une place à part dans la série des Vies. L'ouvrage a pour cadre la France de la Révolution et de l'Empire. L'existence de celui qui fut associé à la Terreur, au règne napoléonien et à la Restauration comme « massacreur » et policier impitoyable n'est comparable à aucune autre.
À bonne distance de la perspective universitaire illustrée par Louis Madelin (1901), Zweig s'est attaché à retracer la genèse psychologique d'une personnalité dont la cuirasse construite dans les épreuves et les humiliations fait obstacle à tout sentiment de sympathie de la part du lecteur.
Chronologique, le récit est découpé en une suite de neuf chapitres. Son trait spécifique est une exceptionnelle intensité dramatique. Les face-à-face de Fouché avec Robespierre jusqu'à Thermidor puis avec un Napoléon dérivant vers la tyrannie avant d'être entraîné dans une chute inexorable, théâtralisent les moments clés d'une histoire aux retournements inattendus. Ces instants où opportunisme, conquête et volonté de conservation amorales du pouvoir se mêlent inexorablement, sont, aux yeux de Zweig, l'image désespérante du temps présent.
Le succès de Stefan Zweig auprès du public français ne se dément pas. Son exploration des mouvements de l'âme continue de fasciner tout comme séduit l'élégance stylistique de ce Viennois cosmopolite. La fiction toutefois n'est pas seule à nourrir son art du récit. L'histoire elle aussi n'a cessé de le requérir.
La suite de ses biographies non romancées (les Vies) découvre un agencement virtuose du matériau légué par les historiens. Tous ces textes donnent à voir un artiste que son refus de l'engagement militant rend paradoxalement plus sensible aux menaces qui pèsent sur les sociétés européennes de son temps.
Nouveauté dans le choix du protagoniste : Fouché, dont il est question dans ce volume, est aux antipodes des hautes figures positives incarnées par Érasme et Castellion dont « le ministre de toutes les polices » est l'absolue face noire. L'humanisme zweigien se lit cette fois par contraste.
Pour autant, il ne perd rien de sa force.
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