"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Au sud de Londres, quelques jours avant Noël, est retrouvé le cadavre d'une jeune femme étranglée. Le narrateur, Ander, officier de police, enquête sur le crime avec son assistant le grassouillet Gary. Suspect : M. Wolphram, voisin de la victime, ancien professeur de lycée en retraite. Il se dit innocent.
Au fur et à mesure que les interrogatoires se multiplient, Ander est pris d'un sentiment de déjà-vu. Il se remémore sa propre éducation dans un pensionnat privé connu pour ses problèmes de harcèlement : M. Wolphram y avait été un de ses professeurs. Solitaire et marginal, passant ses journées à écouter de la musique, il devient la proie de la presse à scandale et des réseaux sociaux. Ils le harcèlent d'injures. Le voici assassin, pédophile, à lyncher. Une journaliste sans scrupules alimente le scandale en publiant des témoignages biaisés sur celui qu'on surnomme désormais « le loup de Chapelton ».
Dans ce subtil mélange d'enquête et de remémoration, Ander en vient à se rappeler une autre affaire où Wolphram avait été mêlé, et où il s'était révélé bienveillant. Défaut majeur dans ce temps où les chiens des réseaux sociaux aboient et réclament la mort d'hommes vite désignés à leur vindicte. Au fait, coupable, l'est-il ou non, le gentil professeur ?
Dans la lignée du mystérieux et puissant Cent derniers jours, un faux livre policier, un vrai livre littéraire, dans la lignée de Graham Greene. Le roman du harcèlement.
Quelques jours avant Noël, le cadavre d’une jeune femme est retrouvé quelque part dans le sud de l’Angleterre. Deux policiers sont chargés de l’enquête : Ander, le narrateur, et Gary, son assistant.
Un suspect a rapidement été appréhendé : Mr Wolphram, voisin de la victime et professeur de lycée à la retraite. L’homme clame son innocence et, de fait, les preuves sont loin d’être accablantes. Mais le profil de Mr Wolphram joue en sa défaveur : c’est un solitaire, vivant dans une certaine aisance, ayant des goûts raffinés en musique, cinéma, voitures anciennes, toujours tiré à quatre épingles. Il n’en faut guère davantage pour que les tabloïds prennent le raccourci et le taxent d’étrange, puis de louche, puis de suspect, pour en arriver à le traiter de pédophile et d’assassin. Un lynchage médiatique en règle, amplifié par les réseaux sociaux et nourri par les « témoignages » (grassement rémunérés par les journaleux de caniveau) de voisins ou d’anciens élèves.
Au milieu de ce tumulte et malgré la pression, Ander n’est toujours pas convaincu de la culpabilité de Wolphram. Son propre passé lui revient en pleine face, en particulier ses années d’internat au lycée, où Mr Wolphram a été son professeur. Un pensionnat privé, chic et cher, dans lequel les problèmes de harcèlement étaient aussi courants qu’étouffés.
Si vous chercher un polar trépidant et plein de rebondissements, passez votre chemin, ce « Jetez-moi aux chiens » n’est pas pour vous. Ici le rythme est lent, presque contemplatif tant on a l’impression qu’il ne s’y passe rien et qu’en réalité tout se déroule dans le passé commun à Ander et Wolphram. Un fil relie cependant le passé et le présent : le harcèlement. Celui (même si on n’employait pas ce terme-là à l’époque) dont ont pu être victimes de nombreux enfants et adolescents dans les internats des années 90 en Angleterre de la part de leurs professeurs, et celui, contemporain et relayé par les réseaux sociaux et une certaine catégorie de médias, qui peut se déchaîner à l’encontre de tout qui ne correspondrait pas à la norme, et qui servirait par conséquent de bouc émissaire à la vindicte bien-pensante.
Un roman psychologique bien plus qu’un thriller, donc, finement mené dans une ambiance lourde et mélancolique, qui dénonce et décortique le processus du lynchage, et qui parle aussi des cicatrices laissées par les blessures d’enfance.
Rumeur et journaux peoples...un excellent livre désarçonnant par sa construction, et les thèmes sociétaux abordés! Un polar certes, mais qui évoque le harcèlement ,la différence ,la pédophilie, la solitude ou le besoin d'être en couple , les sites de rencontres et le monde de l'éducation...anglaise ,l'adolescence et sa cruauté! Une lecture qui sollicite votre réflexion ,qui anéantit le médiocre ,qui marque et invite à la réflexion.EXCELLENT!
Ça commence comme un roman policier avant de révéler des facettes bien plus complexes. Plus subtiles aussi. Contrairement au premier roman de Patrick McGuinness, l'excellent Les Cent derniers jours, qui nous embarquait dans la Roumanie de fin de règne de Ceaucescu, celui-ci est anglais jusqu'au bout des ongles. Dans son décor, ses protagonistes et surtout le regard qu'il pose sur la société anglaise et l'un de ses piliers : le collège anglais. L'auteur prend son temps, ignore les lignes droites et j'avoue qu'il m'a fallu m'y reprendre à deux fois pour entrer. Mais j'ai bien fait d'écouter la petite voix qui me soufflait de ne pas renoncer, petite voix certainement influencée par cette atmosphère qui s'accrochait à mon esprit malgré tout et laissait augurer d'un vrai fond.
"On prend toujours la question à l'envers : on s'intéresse à la manière dont les choses arrivent, jamais à la manière dont elles n'arrivent pas ; on ne pense pas assez à ce qui aurait pu arriver, à ce qui a failli arriver, à ce qui résonne encore, fantôme du peut-être, soupirant après sa vie dans l'anti-fait".
Dans un comté au sud de Londres, une ville portuaire, une jeune femme est retrouvée morte dans une décharge ; les soupçons de la police se portent sur son voisin, M. Wolphram un professeur à la retraite, vieux garçon solitaire, deux caractéristiques suffisantes pour que son entourage le trouve "bizarre". Placé en garde à vue et interrogé, ce dernier se montre peu coopératif tandis qu'à proximité du commissariat, l'hostilité de la foule monte, attisée par une campagne de presse persuadée de tenir son coupable. Wolpham est "le monstre idéal. En plus, il lit des livres". Gary et Anders sont les deux inspecteurs en charge de l'affaire. Le premier est convaincu de la culpabilité du suspect tandis que l'attitude d'Anders est plus réservée et précautionneuse. Il faut dire qu'il connait Wolphram, quelques dizaines d'années auparavant il a été son élève dans le collège privé qu'il a fréquenté à l'adolescence. Des réminiscences affleurent alors et ses souvenirs se mêlent à ses recherches dans le cadre de l'enquête. Car si Anders s'intéresse à ce que l'on ne voit pas, s'il aime aller au-delà des apparences, c'est que ces années de collège lui ont appris bien plus que les contenus des matières étudiées ; microcosme très particulier, catalyseur du système de classes anglais, le collège est un lieu où se jouent de façon très précoce des trajectoires de toute une vie.
L'intrigue policière sert de prétexte à une exploration subtile du mécanisme du lynchage médiatique sur la base de rumeurs fondées sur des apparences ; la presse anglaise dont on connaît la brutalité des méthodes est ici photographiée au paroxysme de ses talents en la matière. Mais il s'agit aussi d'un livre sur les fantômes. Non pas ceux qui hantent les châteaux ou que l'on représente naïvement vêtus d'un drap blanc. Non, il s'agit des traces que laissent dans nos mémoires ou autour de nous, ceux qui nous ont précédé sur les chemins que nous empruntons. Pour nous emmener sur leurs pas, l'auteur s'entoure de personnages secondaires qui ont leur importance, comme la nièce d'Anders qui enregistre les bruits ou Vera, la vieille dame qui pense que "la mort de son mari n'est pas un obstacle à leur vie commune" ; et l'ensemble prend une vraie densité, ouvre les yeux du lecteur, lui demande d'aller plus loin, de ne pas se contenter de ce qu'on lui raconte, de prendre en compte chaque individu dans son entièreté et sa diversité. Et interroge sur la façon dont la société utilise la mort, la fétichise peut-être pour mieux oublier la peur qu'elle lui inspire.
Je m'aperçois en écrivant ce billet qu'il y aurait encore beaucoup à dire, à décortiquer. J'aime qu'un romancier se fasse l'écho de la complexité et parvienne à la faire appréhender par son lecteur ; j'aime que sa marque s'imprime durablement dans mon esprit. Si vous êtes comme moi et que vous cherchez un livre que vous ne consommerez pas en deux heures pour l'oublier aussitôt, alors vous pouvez vous intéresser à celui-ci. Il vous surprendra au-delà de vos espérances.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr
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