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Assise à la table, elle regarde les mains qui papillonnent : pointent du doigt, caressent une joue, soutiennent un discours. Chaque mouvement déplié en rappelle un autre, le père et l'amoureux, ses deux plus grandes histoires, sont liés par leurs gestes. Ce ressac de souvenirs offre à la mémoire la passion de l'âge adulte, l'innocence de l'enfance, et la peur aussi, du temps qui passe, du souvenir qui glisse.
"Je ne veux pas d’une passion". C’est sur cette phrase s’abattant sur la narratrice comme une sentence que commence le récit d’un amour contrarié prenant fin, au bout de sept mois seulement, avec ces quelques mots assassins. Mais c’est aussi l’histoire d’amour de la narratrice avec son père, un amour fort. Peut-être un peu trop.
Une rupture, un triangle amoureux, une histoire qui semblerait a priori banale mais qui est transcendée par l’écriture légère et presque cinématographique de Diane Brasseur.
Elle décrit ici les pensées et tribulations d’une femme, alternant entre cette histoire d’amour qui s’achève à peine et ses souvenirs d’enfance auprès d’un père adoré, un brin idéalisé peut-être.
Chaque détail raconté par l’auteur nous frappe par sa justesse et sa délicatesse. On se met facilement dans la peau de cette femme qui a eu tant d’espoir et qui cherche sans arrêt le sens de ce je ne veux pas d’une passion.
Pourtant, elle, d’une passion, elle en voulait. Une passion qui la ramène sans cesse à cet amour filial, ce lien extraordinaire qu’elle raconte avec parcimonie, brefs souvenirs égrainés au fil du récit et qui font voyager le lecteur dans un passé immaculé. Diane Brasseur dépeint ces moments de bonheur éphémères avec des phrases courtes mais d’une intensité rare. Son écriture est très visuelle et semble dessiner pour nous des scènes figées dans le temps et l’espace, aquarelles aux teintes pastels, clichés de polaroid fanés.
Le lecteur suit la narratrice comme on poursuivrait une ombre dans un Paris tantôt romantique tantôt mélancolique. Et il finit par se demander avec elle pourquoi ? Pourquoi cette rupture brutale ? Pourquoi cette phrase ? Se remémorant avec elle les souvenirs d’une histoire d’amour dont il ne reste plus que les cendres, il se met à la place de cet homme laconique dont on ne sait presque rien. Pas vraiment jeune, pas vraiment beau, pas vraiment heureux. Pas vraiment lâche non plus. Car il en a faut du courage pour décider ainsi de son avenir, d’une phrase.
Comme dans son précédent roman, Diane Brasseur construit son récit autour de trois personnages uniquement. Les fidélités racontaient le cheminement d’un homme adultère sans cesse ramené vers sa femme, presque malgré lui. L’auteur y dépeignait les moments volés durant lesquels Alice, troisième sommet de ce triangle amoureux, retrouvait l’homme qu’elle aimait mais aussi son angoisse, sa détresse à chaque fois qu’elle le déposait à la gare prendre un train qui le ramenait à Marseille auprès de son épouse.
Ici, le troisième protagoniste est le père de la narratrice, personnage attachant et un brin fantasque. On partage avec elle les souvenirs tenaces d’une enfance bénie, d’une complicité restée intacte qui intéresserait certainement beaucoup un certain docteur Freud.
Un roman qui séduit par la finesse de sa perception des sentiments amoureux et de la psychologie féminine. Le style est intense, percutant. Comme cette phrase, fil conducteur de la détresse de la narratrice qui reste encore en tête, le livre fraîchement refermé. Une question surgit alors, impérieuse, naïve peut-être.
Mais qui ne voudrait pas d’une passion ?
« Je ne veux pas d’une passion. » Un titre abrupt, qui incarne également la toute première phrase de ce roman, point de départ d’une série de souvenirs évoqués par notre narratrice. Entre la passion amoureuse et l’amour paternel, l’alternance pourrait sembler aléatoire, voire fantaisiste. Pourtant, Diane Brasseur s’applique à recréer un cheminement de la pensée, véritable chaîne d’association d’idées qui, pour un lecteur attentif, reposera sur les détails reliant les souvenirs de l’amant à ceux du père. Le tout, loin d’être dualiste, s’harmonise bien grâce aux passerelles établies par la protagoniste à laquelle l’auteure prête sa voix.
Dans Les Fidélités, déjà, Diane Brasseur m’avait conquise grâce à son écriture tout en sobriété. Ici, sa plume s’affirme et trouve une place dans un style élégant et juste, parfaitement comme j’aime. L’auteure sublime les mots du quotidien pour dépeindre avec une poésie étonnante et touchante la banalité de ces scènes de vie. Difficile de ne pas se retrouver dans les anecdotes de la naratrice !
Second roman, et encore un personnage sans nom, sans description. Nous sommes simplement immergés dans ses pensées le temps de l’évocation de quelques 200 pages de souvenirs. Peu de place pour l’action ou la linéarité : la finesse de Diane Brasseur repose sur la facilité avec laquelle elle parvient à laisser le lecteur rétablir la chronologie par lui-même.
En conclusion
Je ne veux pas d’une passion est un roman dont j’ai beaucoup apprécié la narration et la beauté. J’ai aimé être immergée au coeur des pensées d’une jeune femme faisant face à sa rupture, et aux souvenirs partagés avec les deux hommes les plus importants de sa vie. Malgré l’absence d’intrigue à proprement parler, c’est un roman incroyablement doux et mélancolique.
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