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La partition nous plonge dans l'histoire d'une famille au coeur du XX siècle dans une Europe qui nous conduit de la Grèce en passant par l'Allemagne, la Belgique et la Suisse. Le narrateur est un des fils du personnage central, Koula, femme forte et fragile, douce et colérique, pétrie de contradictions, une figure solaire adorée de son fils.
On suit ces destins, happé par l'écriture fluide, le récit est parfaitement maîtrisé et sait jouer une partition unique, une musique qui charmera bon nombre de lecteurs.
Si vous lisez avec plaisir les fresques familiales, si vous avez gout à la tragédie, Les partitions saura probablement vous plaire. La fraternité n’est sans doute pas une chose facile à vivre, et Diane Brasseur emploie là tout son talent pour en démontrer toute sa complexité, encore plus lorsque la famille implose. Je ne connaissais pas cette auteure française, également scripte pour le cinéma, qui se fait plutôt discrète et pourtant c’est un beau roman fresque qu’elle nous signe là, sans autre prétention que d’explorer les méandres de trois frères séparés par les aléas de la vie, à travers la vie d’une femme à la personnalité hors-du-commun, trop jeune et inexpérimentée pour être consciente de la portée de ses choix.
Diane Brasseur m’a pris à contre-pied puisque le roman débute directement par la mort soudaine de l’aîné, Bruno K. Je me suis interrogée sur le fait de dévoiler ce pan de la narration mais je me suis décidée à le faire puisque ce n’est pas vraiment le point d’orgue du roman finalement. Voilà qui stoppe brutalement les éventuelles attentes du lecteur quant à un quelconque espoir pour une réconciliation fraternelle. C’est davantage le passé qui intéresse notre auteure franco-suisse, qui s’attache à remonter l’arbre généalogique pour le moins alambiqué des familles ou trouvent racine les origines des frères: Grèce, Belgique, Suisse, France, ce n’est plus un arbre, mais bel et bien une forêt, de langues, de cultures, de religions, d’écosystèmes, de mode de vie, d’où va prendre vie cette lignée d’hommes différents, qui n’ont en commun que d’avoir été mis au monde par la même mère. Koulia. Le fil conducteur, la figure, la déesse maternelle aimée, adorée autant que haïe, aimante autant que dure et colérique. Elle est grecque, elle ne fait pas dans la demi-mesure, elle donne tout, elle reprend tout, elle résiste à tout, à l’exil, à l’abandon, à l’adultère, à la séparation, au divorce.
J’ai été immédiatement séduite par le résumé de quatrième de couverture, des arts, littérature, musique, du soleil, celui de l’antiquité et de sa mythologie, il semblait qu’on allait à faire à une histoire maudite. Les cieux grecques ne pouvaient être prédestinés qu’à abriter la malédiction de Kolia et de sa famille, comme sa mère avant elle. Le charme discret de ce roman n’a pas opéré immédiatement, Bruno K. m’a paru au premier abord être sans grand intérêt, un homme somme toute ordinaire dont rien ne donne franchement envie de s’arrêter sur le personnage. Encore faut-il connaître son histoire ainsi que celle de ces frères, séparés par des pays, un père et une mère.
Qu’est-ce qui réunit ces trois garçons ? Vous l’aurez deviné, la musique, au-delà de la flamboyante Kolia, devient ce trait d’union entre les fils, davantage d’ailleurs entre Bruno et Alexakis. Et il est évident que sans Kolia, cette figure femme, figure mère, imposante, le roman n’aurait pas eu cette dimension maudite, tragique, les trois frères grandiront séparément, sans la personnalité et l’aura de cette femme qui quitte sa Grèce natale pour une Suisse froide et étrangère, impersonnelle, n’en impose. J’ai très vite pris Bruno l’ainé en grippe, celui de la soixantaine approchante, l’homme mûr avec sa sagesse et sa sobriété, cet homme que je voyais lisse, presque fade, transparent. Mais très vite, assistant à la conception et la naissance, bien mal engagées, de ce garçon, j’ai appris à en apprécier le caractère, l’histoire, la vie. Même si la figure de marbre de l’héroïne grecque parvient à donner de la consistance au roman et à la famille, à travers ses bons et mauvais choix, dans son imperfection, elle a réussi à transmettre au moins une chose à ses enfants, une force, un courage et une quiétude intérieure qui permettra à ses fils de survivre. Elle a pu leur donner les clefs afin qu’ils se projettent dans la vie.
C’est une histoire de choix, d’erreurs irréparables avec lesquels il faut faire, de pardons, de réconciliation, une véritable épopée moderne de la Grèce à la Suisse, ou une fratrie se fait la guerre, froide. Mais comme les Atrides, il n’en reste plus grand-chose, les rancœurs, les passions, les haines, tout finit par se dissoudre dans la mort et le travail du temps qui s’écoule. J’ai beaucoup aimé l’écriture très scandée de Diane Brasseur, faites de nombreuses coupures et césures, très théâtrale en fin de compte, qui garde ce rôle de focalisateur omniscient. De la distance mais une grande tendresse pour Koulia, qui incarne parfaitement le rôle d’Athéna, cette guerrière née qui ne trouve pas repos que dans la bataille.
Concilier la Suisse et la Grèce n’a pas été chose facile, si le flegme de la première a su tempérer l’ardeur, la fougue et le dévouement passionné de Kola, rien n’affaiblira l’image de sa personne. Il lui faut l’intensité, le feu, de la vie, qui ne trouvera d’écho que dans la musique passionnée sous les doigts du premier fils puis du petit dernier. Il lui faut l’émotion forte, fortissimo des notes d’une portée, la vitalité explosive des arpèges, des aigus, des graves des cordes des pianos et des violons pour se sentir exister. Mais aussi la colère, la fureur, le ressentiment, sans demi-mesure, sans sourdine, jamais de chuchotement, elle tient son regard haut, son front fièrement dressé face à ceux qui l’entourent, défiant le monde. Elle dirige, elle commande, elle porte la famille avec dignité et force même si cela lui a valu de créer une distance dans la fratrie. Un sacrifice, sa douleur, qu’elle surmonte.
Diane Brasseur a eu la main heureuse en doublant son récit de ce gout de tragédie grecque, d’un brin de mythologie, cette passion maudite, qui fait de cette femme une héroïne du XXe siècle. Elle est ce refuge aussi bienfaiteur que maudit, qui cimente les siens, les pousse en avant, malgré elle, malgré eux. Avec ces incessants retours à la ligne, Diane Brasseur marque encore davantage l’esprit guerrier de celle qu’elle a presque érigé en divinité. Les fils ont trouvé leur façon d’exprimer cette passion, inscrite dans leurs gènes, ou non d’ailleurs, celle qui s’inscrit dans les portées d’une partition.
Ce roman porte bien son titre. Il est une véritable partition. Une partition de la vie, où se mêlent le mode majeur, avec ses événements grandiloquents, et le mineur, celui de la douleur, de la nostalgie du temps qui passe. Quelques modulations par moment, chassant les nuages sombres pour laisser place à un ciel plus bleu. Et bien sûr, des silences qui annoncent des moments de réflexion, des non-dits.
L’amour d’une mère et d’un fils, qui se passe de toute fioriture. Par ici, quelques trémolos, par là, un rythme martial laissant résonner des graves comme un glas dans la nuit. Le lecteur reste le chef d’orchestre : à lui de tisser les liens, à lui de s’approprier la partition pour n’en retenir que la mélodie qui lui correspond, et d’écrire alors la partition de sa propre vie.
On fait la connaissance de Bruno K. (on ne saura en fait jamais vraiment ce que signifie ce K. que l’on retrouve dans le nom du père…) en 1977, alors qu’il marche dans la rue, suivant une jeune fille dont il admire les jambes, et brusquement il s’écroule, mort ! il s’agit de retrouver sa famille, pour procéder aux démarches habituelles et cela s’avère compliqué…
Bruno avait trois frères, plus ou moins perdus de vue depuis des années, et ce roman propose de remonter le passé à la recherche de secrets de familles. Chaque chapitre propose une lettre de Bruno adressée le plus souvent à sa mère, pas toujours chronologiquement, mais servant de charpente à l’histoire qui se déroule en fait des années 20 à 1977.
La saga commence en Grèce, avec Koula, la mère de Bruno, et raconte un peu qui était sa mère Epistimi, et le grand-père colonel héros de guerre, mais en fait on en saura très peu à son sujet, l’auteure préférant insister sur les principes de l’éducation grecque à l’époque, notamment le statut des filles… Koula rencontre Paul Peter K, un représentant en porcelaine, l’épouse et le suit en Suisse.
Après une première grossesse, (Bruno) elle déchante car son mari est volage, sa belle-mère la Mutti, compatit car elle a vécu la même chose, puis un deuxième enfant fait son entrée Georges…
Koula ne supporte pas la situation et sur les conseils de la Mutti, repart en Grèce, avec Bruno, mais laisse derrière elle Georges. Elle finit par refaire sa vie avec Hyacinthe, alias Cintho, un homme plus âgé dont elle aura un enfant Alexakis. Le décor est planté ! on imagine très bien que les trois frères ne vivront pas des relations « normales ».
Bruno apprend le piano, Alexakis sera violoniste et Georges un inventeur (la laisse élastique pour chien par exemple !) et une partition servira de toile de fond. Il s’agit du Concerto pur violon et orchestre de Beethoven.
Certes, les hésitations, les réflexions de Koula, semblent sincères, après tout on lui a demandé de choisir entre ses deux fils celui qu’elle emmènera, choix extrêmement violent pour retrouver sa liberté, mais cela ne suffit pas à la rendre sympathique. J’ai beaucoup pensé au « Choix de Sophie » en lisant la première partie.
Les amateurs de « mère toxique » seront servis, Koula a tout pour elle, son exubérance, son intolérance, son exigence, son rejet de toutes les femmes qui s’approchent de ses fils, les considérant comme des rivales. Elle est infecte, tellement imbuvable que je n’ai pas accroché du tout, j’ai terminé le roman pour voir où l’auteure voulait aller.
J’aurais aimé que Diane Brasseur laisse une part plus importante aux anciens, pour mieux comprendre le fonctionnement mental de Koula.
Un point positif : la manière dont elle évoque la syphilis, notamment la forme congénitale, et les répercussions sur la famille…
Grosse déception donc… en lisant les autres critiques sur ce roman, je me dis que peut-être je suis passée à côté; bien-sûr je viens de lire « Les déracinés » que j’ai adoré, donc la lecture qui suit un coup de cœur est toujours difficile à apprécier…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Allary qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.
#LaPartition #NetGalleyFrance
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