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Comment un récit décevant, des personnages peu consistants, des intrigues sans grand intérêt peuvent-ils provoquer la passion du lecteur de génération en génération ? Tandis que tant de romans du XVIII? siècle ont vieilli, Jacques le Fataliste n'a pas pris une ride. Est-ce justement parce que tous ces procédés de la déception et du leurre font partie des tactiques de la modernité ? Mais Jacques le Fataliste a passionné des générations bien antérieures à ce que nous avons coutume d'appeler «modernité», et même des écrivains qui semblent très étrangers à une recherche systématique de déconstruction : la marque de Jacques le Fataliste peut se sentir sur un roman bien romanesque tel Indiana de George Sand. [...] En déconstruisant le récit, en faisant des personnages de simples marionnettes, l'auteur-narrateur prouve surtout sa liberté de créer : «il ne tiendrait qu'à moi...». Le narrateur est libre de faire parler ses personnages de telle façon qu'ils démontrent ou ridiculisent le fatalisme. C'est une forme de libre choix. Le lecteur est libre de le suivre ou de lui refuser son adhésion. Liberté d'écrire le fatalisme, liberté de lire le fatalisme ? En l'écrivant ou en le lisant, l'écrivain et le lecteur affirment leur propre liberté, leur faculté de jouer avec le destin.
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