L'histoire parlait d'un homme, amoureux, qui perçoit le monde au travers d'un filtre irisé. L'histoire parlait du progressif éclatement de ce filtre d'amour jusqu'à l'explosion en mille bris de verre. L'histoire parlait de l'aveuglement, celui qui devint aveugle d'avoir reçu mille bris de verre. L'histoire parlait du temps, qui avait fait recouvrer la vue très lentement à celui qui avait été handicapé, au temps qui cicatrisa, et au temps qui ne cicatrisa pas non plus. Plus je réécrivais cette histoire et plus je la remplissais de sens, du sens qui lui manquait cruellement. L'histoire parlerait de moi et n'en parlerait pas, car ce n'était qu'une histoire.
"...lorsque votre quotidien est d'ordinaire empli par rien, la certitude d'un événement prochain occupe tout l'espace, effraie et excite en même temps."
J est un homme qui n'a plus d'intérêt pour rien...
Dévasté depuis sa rupture avec Frida il y a quelques années, il a sombré dans la dépression et l'alcoolisme.
Nous suivons ses réflexions sur la vie et son intérêt, sur les liens qu'il entretient avec sa famille, ses amis, ses connaissances.
Le récit fait des aller et retour dans le passé, le présent, avec Frida, sans Frida, J jeune bachelier, J thésard...
La famille a une place vraiment particulière dans sa vie.
Son frère est très présent, très prévenant, tandis que la relation qu'il a avec son père est quasi inexistante, ils sont quasiment deux inconnus l'un pour l'autre. La grand-mère a également une place très importante, elle lui fait découvrir la littérature, l'ennui, le silence...
Tous ces personnages le façonnent, ont un rôle important dans sa construction en tant qu'adulte.
Dans le néant et le chaos dans lequel il est, tous ces souvenirs, tous ses personnages vont lui apporter quelque chose.
Son isolement, ses réflexions, son alcoolisme et sa solitude vont le mener à une idée salvatrice : la création et l'envie de laisser une trace dans ce monde dont il s'exclut.
"De la nouveauté ne peut sortir d'un espace si fini que notre corps, et je venais de trouver la porte vers cette véranda effrayante et lumineuse de l'espace intermédiaire qui se trouve entre le corps et la mort : celui de la création.
Le récit est teinté d'une ambiance très particulière, le personnage étant très sombre, sorte de fantôme qui erre dans ses souvenirs, ses idées, sa nostalgie.
La plume de l'auteur décrit très bien toute cette nausée du monde. Les vapeurs d'alcool, le désarroi nous enveloppent. L'écriture est précise, fine et nous embarque dès les premières pages.
J'ai vraiment aimé cette lecture, qui ne peut laisser indifférent et qui questionne sur le mal être et le rapport aux autres et au monde.
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