Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
État d'ivresse brosse le portrait d'une femme brisée qui, en s'abîmant dans l'alcool, se fait violence à elle-même. La mère d'un adolescent, en état d'ivresse du matin au soir, se trouve en permanence en errance et dans un décalage absolu avec la réalité qui l'entoure. Épouse d'un homme absent, incapable d'admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel, elle s'enferme dans sa bulle qui pourtant menace de lui éclater au nez.
Comme dans ses deux précédents romans, on trouve sous la plume de Denis Michelis les thèmes de l'enfermement et de la violence conjugués à l'impossibilité d'échapper à son destin.
« Il ne me reste plus qu'à prendre mon élan, qu'à courir pour sortir de cette maison et ne plus jamais y revenir. Mais quelque chose m'en empêche, et cette chose se trouve là, à mes pieds : mon verre tulipe. »
Denis Michelis offre ici au lecteur le portrait sans concession d'une femme, journaliste pour une revue de psychologie , noyée dans l 'alcoolisme , vivant seule avec son fils adolescent .
Une épave, en pleine décrépitude physique, ayant perdu toute dignité, plongée dans la solitude, cloîtrée dans sa maison devenue un capharnaüm, sortant seulement pour s'approvisionner en alcool.
Le lecteur suit son monologue intérieur révélant un univers mental perturbé. Un discours qui se transforme parfois en dialogue avec sa conscience, qui l'interpelle, l'exhorte en vain à se ressaisir. Alternent états de léthargie et moments de flottement où cauchemars et réalité se mêlent et se brouillent. L'expression récurrente « fondu au noir » vient alors rompre brusquement le texte pour marquer l'inconscience.
Les échanges avec autrui?
Rares, ils lui renvoient une image de sa déchéance , de l'incompréhension face à son incapacité à se secouer et au dégoût qu'elle finit par susciter.
Ses réactions alors ne font que révéler un déni de son état, une supplication, ou une promesse chimérique.
L'aide qu'elle pourrait trouver dans certains services, elle la refuse.
Ce dont elle a surtout besoin c'est d'amour.
Celui d'un époux ? mais il a pris le large ….
Celui de son fils, ? mais quand elle lui a demandé ce qu'il aimerait comme cadeau de Noël, il a répondu : une nouvelle mère …....
Comment alors être aimée quand on ne suscite plus que de la répulsion ?
Un voyage au bout de l'addiction à l'alcoolisme féminin dont on ne peut sortir indemne.
Si l'état d'ivresse chez l'homme suscite souvent un regard apitoyé, cet état chez la femme atterre, interroge....... surtout quand on est soi-même un femme …....
Elle est tombée dedans sans que l’on sache exactement pourquoi. Elle est maintenant pieds et poings liés, emprisonnée dans son addiction. Forte, irrépressible, même si elle ne veut pas se l’avouer: «Donne-moi une minute ou deux de réflexion et je nous sortirai de cette mauvaise passe » dit-elle juchée sur son tabouret à la recherche de la bouteille de rhum dédié à la pâtisserie dans le placard de la cuisine. Le résultat de cette réflexion volontaire?
Son fils Tristan la retrouve «avachie sur la table haute de la cuisine, devant une petite bouteille de rhum ambré La Martiniquaise, un sac de farine éventré à ses pieds et un rouleau à pâtisserie sur lequel il a manqué de sa casser la gueule.»
Face aux dérives qui s’accumulent, elle reste d’abord fidèle à sa ligne de conduite. Elle nie et minimise, elle gère l’ingérable, elle ment à tous, mais d’abord à elle-même. Notamment quand elle affirme qu’elle voit quelqu’un, qu’elle veut s’en sortir, qu’elle va s’en sortir.
Il va pourtant falloir très vite se rendre à l’évidence, la spirale infernale est enclenchée. Denis Michelis n’a du reste pas besoin de jouer les moralisateurs ou les donneurs de leçon, il suffit de constater. Comme le fait Celia, la voisine qui se désespère et qui en guise de remerciement va récolter des insultes. Celia qui accepte de lui confier sa voiture pour qu’elle puisse aller faire quelques courses. Elle va en profiter pour acheter quelques bouteilles, sans même se rendre compte qu’elle est partie en robe de chambre. Tristan lui rappelle par ailleurs qu’elle n’a plus le permis de conduire…
Son mari, qui brille par son absence, entend tout de même la mettre en garde. Mais curieusement, elle ne se souvient pas avoir reçu ses messages.
Arrive tout de même une lueur d’espoir dans ce tableau sombre, quelquefois drôle – mais c’est l’ironie du désespoir – et terriblement angoissant: «Sortir de cet enfer, telle est ma devise. M’échapper du labyrinthe dans lequel je me suis moi-même perdue.» Le détail qui tue suit toutefois cette déclaration. «Encore une gorgée».
Entre mythomanie et délire, entre menaces et encouragements, ce roman a quelque chose d’implacable. Comme lorsque vous vous rendez compte que vous êtes dans des sables mouvants et que toute tentative pour vous en sortir n’aura pour conséquence de vous enfoncer encore davantage.
https://urlz.fr/97ta
J’ai assisté durant cette lecture au naufrage de cette femme alcoolique, rien ne la retient, même pas la présence et les attentes de son fils. Elle est embrumée du matin au soir dans les vapeurs d’alcool et n’a pas envie de s’en sortir. Pourquoi et comment elle en est arrivée là? J’ai souffert en lisant ce livre, en apnée tout au long de ma lecture cherchant en vain à comprendre.Ce livre tellement bien écrit, si juste, si concret m’a permis d’arriver jusqu’au bout mais fatiguée.
Merci aux éditions Noir sur Blanc et à Netgalley pour cette lecture numérique.
Etat d'ivresse, c'est une semaine dans la vie d'une femme alcoolique. Verre après verre, bouteille après bouteille, l'héroïne sombre dans la solitude et la dépendance. Dans le mensonge et l'isolement. En même temps qu'elle perd pied, elle perd aussi sa famille et la notion du temps. Son quotidien alcoolisé devient sa réalité.
"Une obscurité de sous-bois, épaisse et mystérieuse, règne dans la chambre. Depuis quand n'avais-tu pas dormi dans ton propre lit ? D'autres questions volettent dans ton esprit comme de petits papillons noirs : que s'est-il passé ? Comment es-tu parvenue à te glisser sous les draps ? Tu te revois, assise, hier soir, derrière ton bureau de grande journaliste, de grande enquêtrice, et puis plus rien. Rideau."
On suit cette femme qui s'enfonce, qui cache ses bouteilles, qui ment à son fils, qui agresse sa voisine, sort en pyjama. Sans aucune prise de conscience, sinon celle que ce sont les autres qui exagèrent.
"D'ici là, je transvase délicatement le sancerre dans ma bouteille de lait vide."
L'acool, cette dépendance, cette obsession qui prend le dessus sur tout le reste. Denis Michelis décortique cet état d'ivresse qui ne quitte jamais cette femme. Il nous entraîne dans l'état de confusion permanent qui accompagne l'ébriété persistante.
"J'ai dû m'assoupir quelques instants. Je me revois me dirigeant vers le canapé, mon mug de café à la main. Fondu au noir. Ensuite, j'ai été happée par un grand trou noir, et j'ai chuté dans le vide, j'ai chuté indéfiniment dans une sorte de ralenti nauséeux."
Etat d'ivresse, comme un long monologue intérieur. Tour à tour, la narratrice se parle à elle-même, à la première personne mais aussi à la deuxième personne. Pour mieux dialoguer avec elle-même, pour se sortir de sa solitude, pour se trouver des excuses dans sa vie si vide.
"Le vertige ne s'est pas encore dissipé, alors j'attends que la porte devant moi cesse de jouer avec mes nerfs, si je tends la main, elle recule. Essaie encore. Tu vois, on dirait qu'elle le fait exprès. N'insiste pas, alors, respire, concentre-toi."
La plume de Denis Michelis est addictive. On boit ses mots, on perd le fil, on pose le livre, mais vite, il faut se resservir, reprendre une gorgée, un chapitre, terminer la bouteille. En ouvrir une autre. L'ivresse littéraire.
Mais, de ce monologue, de ces mots, de cette confusion, on rentre au plus profond de l'intimité de la narratrice et on ressent très vite un certain malaise : impression de voyeurisme, impression d'être spectateur dans le salon de cette femme, qui sombre et qui appelle à l'aide. J'ai ressenti une grande sensation d'impuissance face à cette déchéance qui semble être une fatalité pour l'héroïne.
"Il n'y a pas de honte à avoir ni de vérité à cacher : j'ai besoin d'aide. Mais aussi d'amour, rien qu'un tout petit peu d'amour (les larmes redoublent), et d'une main tendue."
En bref, Etat d'ivresse c'est un court texte très fort sur ce mal qu'est l'alcoolisme et sur ses conséquences. Une lecture éprouvante dont on ne ressort pas indemne. Sensation de malaise, d'impuissance.
C’est la mère de Tristan, un adolescent de 17 ans qu’elle ne reconnait plus, c’est l’épouse d’un mari absent qui laisse des messages qu’elle n’entend pas… c’est l’amie de Célia, sa voisine et disons le plutôt son ex-meilleur amie, et surtout, c’est une femme en état d’ivresse du matin au soir. Vautrée dans son canapé, elle cherche les combines les plus improbables pour acheter, cacher, consommer tout l’alcool possible, ces doses qui lui feront oublier sa solitude, son désespoir dans cette maison vide qu’elle exècre.
Journaliste, mère, épouse, femme brisée… bien sûr elle sait qu’il faudrait se soigner, arrêter, ne plus boire, mais rien ne peut l’en empêcher. Difficile dégringolade, pitoyable dégringolade de cette femme perdue. L’alcoolisme féminin est toujours si dramatique. Quand rien, pas même son enfant, ne peut vous faire stopper la chute inexorable.
L’auteur s’est faufilé dans la tête de sa narratrice pour la faire parler, et son roman est criant de vérité, de désespoir, de justesse aussi. Étonnant par la différence de langage, de personnages qui cohabitent dans la tête malade de cette femme désespérée, qui boit et oublie, qui boit et se perd, qui boit tant que ça ressemble presque à un suicide, et que l’on a tant envie de secouer.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/01/24/etat-divresse-denis-michelis/
Comment se préserver du regard des autres et de leur jugement lorsque l’on se retrouve à boire du matin au soir ? En se cachant, en vidant le contenu d’une bouteille de Pouilly fumé dans une bouteille de lait, en dissimulant l’alcool à la cave, sous l’évier, parmi les produits ménagers et les éponges.
L’héroïne du roman de Denis Michelis boit verre après verre, n’importe quel alcool fait l’affaire.
Comment en est-elle arrivée à ce point de déchéance ?
Journaliste pour un magazine de bien-être, mariée, mère d’un ado, sa vie n’est ni meilleure ni pire que celle de la plupart des femmes.
Denis Michelis s’empare avec « Etat d’ivresse » d’un sujet tabou, ô combien douloureux, l’alcoolisme féminin.
J’ai apprécié l’écriture et la finesse d’analyse du caractère de son personnage.
Il a su trouver les mots pour dire la souffrance, le manque, la honte.
L’auteur explique, expose les faits sans porter de jugement, c’est ce qui fait la force de ce texte bouleversant.
Merci à NetGalley et aux Editions Noir sur Blanc.
#ÉtatDivresse #NetGalleyFrance
Pas un gramme d'édulcorant dans ce roman radical qui nous plonge direct dans le quotidien infernal d'une femme, ivre du matin au soir, 7 jours sur 7. C'est brut, sans aucune tentative psychologisante à la Marie-Claire pour expliquer pourquoi cette mère de famille, vivant dans un confort tout bourgeois, intégrée au monde du travail comme rédactrice d'articles pour un magazine ( pas Marie-Claire hein, mais pas loin ), a basculé dans à un stade ultime d'alcoolisme.
Du coup tu te débrouilles avec tes émotions, qui, pour ma part, ont beaucoup oscillé entre agacement - tant il est horripilant de voir l'héroïne s'enfoncer et commettre erreur sur erreur, toujours les mêmes, sans issue – et pitié. J'aurais sans doute aimé ressentir de l'empathie pour elle, mais rien, difficile de m'émouvoir, sans que je sache si c'est lié à moi qui est eu le coeur un poil sec ou une volonté de l'auteur. Un peu comme si je regardais le délitement de la vie de cette femme de loin, en entomologiste, sans vraiment me sentir concernée.
Ce qui est sûr en revanche, c'est que l'auteur maitrise parfaitement son récit, et c'est un tour de force stylistique que de réussir le monologue quasi schizophrénique de son personnage principal, plusieurs voix sortent de sa bouche ou de son cerveau, sans répit. Car en fait, ce n'est pas un roman sur l'alcoolisme ordinaire, là on est bien au-delà, c'est plutôt à un glissement vers la folie auquel on assiste, c'est la psychose et la paranoïa qui engloutit la narratrice sous les yeux impuissants de son fils ou de sa voisine.
Une lecture assez éprouvante bien que le roman ne fasse que 160 pages.
Je profite de cette chronique pour évoquer mon plaisir à avoir découvert la maison d'édition. Noir sur Blanc. le graphisme de la couverture est moderne et épurée, très réussi, et la qualité du papier vraiment remarquable.
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