"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ton billet est plutôt élogieux: pourquoi 3 étoiles seulement alors ? parce que rien de vraiment novateur ?
Double meurtre à la villa Matsuo. La première fois qu'Audrey croise le regard d'Esma, par une chaude journée d'été, dans le domaine de milliardaires près de Genève dans lequel elles travaillent, une émotion forte et nouvelle lui enflamme le ventre. Alors quand la jeune Turque sans-papiers déboule chez elle au beau milieu de la nuit, dégoulinante des eaux noires du Léman, en lui disant que sa vedette de boss vient d'être noyée dans sa piscine par un mystérieux assassin, Audrey décide de la croire.
Tandis que l'enquête policière rame, que les médias se délectent de cette affaire sordide, Audrey cache sa protégée dans les villas vides du domaine. Mais le meurtrier court toujours. Et si Audrey avait manqué de discernement ? Et si le meurtrier était... une meurtrière ?
Dans Esma paru aux Éditions Sarbacane, Iwan Lépingle nous entraine en Suisse sur les bords du Lac Léman, dans une résidence de luxe pour quelques happy fews, propriétaires de splendides maisons d’architectes de grand renom. C’est dans ce cadre idyllique, entre lac et forêts, qu’Esma, une jeune employée de maison va être témoin d’un double meurtre. Et nous voilà embarqués dans un thriller social conjuguant exploitation des immigrés et magouilles dans les milieux huppés sur fond d’amours contrariées.
« Si on m’avait dit que la prochaine fois que je verrais Esma, elle surgirait au milieu de la nuit, égarée, toute dégoulinante des eaux noires du Léman ... » C’est ainsi qu’Audrey nous fait pénétrer dans le récit, Audrey la sportive, boxeuse à ses heures, randonneuse à d’autres qui va nous raconter comment, pour les beaux yeux d’Esma, bravant tous les dangers, elle va être amenée à jouer les détectives. Nous sommes à la fin de l’été, période plutôt calme au domaine des Arcets, un ensemble résidentiel de villas de luxe quasiment déserté par ses richissimes propriétaires. Période calme certes, mais encore chargée pour Audrey dont le job consiste à entretenir les espaces verts du domaine. Et voilà qu’une nuit, Esma, jeune Turque en situation irrégulière chargée du ménage et des repas à la villa Matsuo avec qui elle a récemment lié connaissance est le témoin auditif du meurtre de sa patronne Siham, star de l’émission de télé-réalité Swimming Pool qu’elle retrouve (ironie du sort) flottant dans la piscine de la propriété. En s’enfuyant, Esma découvre une autre victime en apercevant le corps de Youssef, le jardinier, au pied d’un buisson. Et pas question de prévenir la police. Son visa touristique étant expiré depuis longtemps et ses papiers ayant été confisqués par son exploiteuse, Esma n’a qu’une crainte, être renvoyée dans son pays où elle court le risque d’un mariage forcé. Ce qu’elle désire ? Récupérer son passeport et filer sur Paris. Alors affolée, acculée, elle va se tourner vers Audrey. Et les voilà donc parties toutes deux à mener leur propre enquête avec pour seuls indices une jeep noire, les baskets customisés d’un des deux meurtriers et un certain Markus dont Siham a prononcé le nom juste avant d’être assassinée...
Un polar classique bien ficelé
On a là un polar de facture classique : un double-meurtre au départ, du danger bien sûr, une belle galerie de personnages secondaires et donc une belle brochette de suspects, du suspens, une enquête à rebondissements qui nous tient en haleine jusqu’au dénouement. On passera des milieux interlopes de la Haute Société à d’autres eaux troubles, véritables paniers de crabes où se croisent petits truands et vrais méchants.
Aux atmosphères angoissantes admirablement mises en valeur par les images, il nous faut ajouter une bande sonore très présente avec outre les bruits de fond, un choix subtil de quelques chansons, en lien direct avec l’intrigue. Il faut dire que contrairement à Audrey, Esma a un petit côté midinette et est friande des derniers tubes à la mode. Nous la voyons s’éclater sur « Love the way you lie » d’Eminem (featuring Rihanna), ce qui n’est pas anodin, mais ça, nous ne le comprendrons qu’à la fin …
Polar dans lequel on reconnaît la patte d’Iwan Lépingle
Après avoir signé deux albums aux Humanoïdes Associés Kizilkum en 2020 et Rio Negro en 2007 dans lesquels ce grand amateur de voyages explore les grands espaces de Russie et de Patagonie, l’Orléanais Iwan Lépingle va se tourner vers un genre qu’il affectionne tout particulièrement : le polar. Cette fois, c’est aux Éditions Sarbacane qu’il confie le soin de publier trois polars dans la foulée : Akkinen : Zone toxique en 2018 et Une île sur la Volga en 2019 et enfin Esma.
Ces trois ouvrages offrant de nombreuses similitudes s’inscrivent dans une même lignée : le polar social. Profondément ancrés dans la réalité de notre époque, ils traitent en filigranes de sujets sociétaux : l’écologie et la pollution dans Akkinen, le retour à la Terre et les tentatives d’intimidation de la mafia dans Une île sur la Volga, l’esclavage moderne à travers l’exploitation des immigrés dans Esma. Similitudes aussi dans le graphisme épuré aux arbres stylisés, l’usage de la couleur directe réalisée au feutre pinceau et pour la palette l’utilisation d’une déclinaison de tons mis en valeur par des aplats de noir : tons désaturés rouge/brun/gris pour Akkinen, jaune/orange/rouge pour Une île sur la Volga et enfin camaïeu de bleu pour Esma. A noter toutefois que pour Esma, ce bleu monochrome qui met particulièrement en valeur les décors et paysages lors des nombreuses scènes nocturnes muettes cède la place aux deux tons saumon de la couverture à deux reprises dans les séquences de flashback évoquant l’enfance d’Esma en Turquie ou le passé du mystérieux Markus.
Pour terminer, signalons que l’auteur a apporté un soin tout particulier aux phylactères et la typographie, offrant ainsi de façon très discrète une grande lisibilité : cartouches rectangulaires pour les récits des différents personnages, lettrage bleu en italique pour les propos tenus à travers l’interphone ou au téléphone, police particulière pour les articles du journal « Le nouveau matin » (joli clin d’œil au grand quotidien suisse dont l’édition papier fut supprimée en 2018).
Alors, que vous passiez vos vacances au bord du Léman ou ailleurs, n’oubliez pas de mettre Esma dans vos bagages. Un bon polar à la narration parfaitement maîtrisée, quoi de mieux pour passer un bon moment ?
Esma est le genre album qu’on peut acheter rien qu’en regardant la couverture.
Comment ne peut-elle pas nous faire penser aux magnifiques villas construites dans les années 20, 1920 pas 2020, qui sont encore aujourd’hui d’une telle modernité ?
J’en veux pour exemple les villas Savoye (Le Corbusier 1928), Cavrois (1929) ou Kluge (1929) de magnifiques réalisations architecturales. La villa figurant sur la couverture de cet album est dans la droite lignée de ce mouvement dit moderne.
Alors quand en plus de ces références, un camaïeu de bleus vient se superposer sur cette superbe construction, il suffit juste de commencer à tourner les pages.
Suisse, en bordure de lac (Léman peut-être) Esma jeune femme turque est employée dans la magnifique demeure de Siham, une riche vedette de la télévision. Arrivée avec un visa touristique maintenant expiré, son passeport lui a été confisqué par son odieuse patronne qui la fait trimer jusqu’à pas d’heure.
Alors quand une nuit, "Madame" est assassinée par deux inconnus, Esma s’enfuit par le lac pour se réfugier chez son amie Audrey. Dorénavant son obsession sera de retourner discrètement à la villa pour y récupérer son passeport et éviter d’être expulsée vers la Turquie, là où son père avait décidé de la marier contre son gré.
Les deux jeunes femmes vont alors s’allier et mener l’enquête au sein de cette société d’ultra-riches malgré les menaces qui pèsent sur elles…
Mais quel plaisir que cet album ! Le scénario est vraiment très bien « ficelé » tout au long de ces 150 pages que j’aurais aimées plus nombreuses. Tous les ressorts du polar sont présents et à aucun moment on ne se doute de la fin.
Et quant aux dessins ! Ce bleu omniprésent est sublime, il magnifie la beauté déjà présente des paysages et des constructions. Il souligne également l’impression de danger auquel les deux protagonistes doivent faire face. Une mention particulière au lettrage, qui est d’une efficacité telle qu’il permet une lecture des plus agréables.
Un beau livre, une belle couverture, une habitude chez Sarbacane.
Qui est Esma ? une jeune turque sans-papier qui sert de bonne à tout faire à une star de la télé-réalité dans une somptueuse maison… Un soir, elle assiste impuissante au meurtre de sa patronne.
Il s’agit bien ici d’un polar à l’ambiance lourde et inquiétante niché dans un cadre montagnard luxueux. Un petit air de Lucas Harari ? Peut-être….L’ambiance graphique dans les tons bleus et noirs (sauf pour les flash-backs de la vie d’Esma en Turquie) renforce ce sentiment. On s’attache facilement aux personnages et surtout à Esma et Audrey, une amie qui lui vient en aide. La relation qui s’installe entre elles est intéressante car ambigüe… L’enquête ne manque pas d’intérêt non plus, elle est complexe et nous tient en haleine jusqu’à la fin.
Un bon moment que ce polar simple mais soigné et bien ficelé !
Ton billet est plutôt élogieux: pourquoi 3 étoiles seulement alors ? parce que rien de vraiment novateur ?
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !
Tu as tout compris, oui ça fonctionne mais rien de révolutionnaire...