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Entre parenthèses, publié de manière posthume en Espagne en 2004, réunit un ensemble de textes que Roberto Bolaño a écrit au cours des cinq dernières années de sa vie, c'est-à-dire entre 1998, année de parution des Détectives sauvages en Espagne et 2003, date à laquelle sa mort suspend définitivement l'écriture de son roman 2666. Bolaño avait le projet, comme en témoignent les propos tenus dans des conversations ou des courriers échangés avec ses amis, de les ordonner et d'en faire un ouvrage. C'est à ce livre projeté que s'est attelé son ami Ignacio Echevarría.
Bolaño a écrit ces textes en diverses circonstances, pour différentes publications. Il s'agit aussi bien du discours prononcé à l'occasion de la remise du Prix Rómulo Gallegos - l'un des plus grands prix littéraires de langue espagnole, décerné à Caracas -, que de conférences données ici et là, ou de chroniques, de recensions, de réflexions sur l'écriture et la littérature, de récits autobiographiques ou non, pour des quotidiens et des revues de langue espagnole (chiliens, mexicains, espagnols) et, dans un cas, de langue catalane. On pouvait craindre que leur juxtaposition ne fasse ressortir leur disparité mais c'est paradoxalement la remarquable unité de ton que l'on perçoit. Bolaño est toujours et partout lui-même et cet ensemble rappelle combien l'auteur pouvait passer d'un genre à un autre avec aisance, et brouiller les frontières.
Entre parenthèses, comme le dit Ignacio Echevarría dans sa présentation, constitue une sorte d' " autobiographie fragmentée ". Cet aspect " autobiographique " n'implique cependant aucun épanchement. C'est un homme souvent pris dans son quotidien qui écrit, un homme qui nous invite à de brèves rencontres avec des amis chez lui ou ailleurs, avec sa libraire, son vendeur de jeux vidéo, son pâtissier à Blanes où il résidait ; qui nous convie à passer avec lui un après-midi à la plage auprès d'une femme qui lit debout et de trois jeunes femmes au comportement énigmatique, à rester une nuit dans sa chambre, dans une immense demeure déserte, sur les bords du Wannsee, à tuer des moustiques ; un homme avec qui nous faisons quelques pas au Chili, et dont nous devinons la souveraine indifférence aux rancunes, à l'hostilité, que suscitent, dans son pays natal, ses affirmations lucides et provocantes. Mais c'est surtout un Bolaño écrivain, qui manie toujours l'auto-ironie, l'humour (souvent cinglant), qui a le goût de l'amitié et de l'exigence littéraire, l'exécration des médiocres et des arrivistes, le don de percevoir l'étrangeté derrière le spectacle le plus banal, qui refuse tout sentimentalisme et tout auto-apitoiement, que nous lisons.
Entre ces parenthèses, Bolaño déploie tout le spectre de son talent littéraire, un paysage reconnaissable entre tous.
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