"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En ligne simultanément sur publie.net, de Philippe Berthaut : Seau rouge seau bleu.
L´atelier d´écriture doit être le lieu par excellence du flottement dans la langue. Là où justement les noeuds se desserrent. Le lieu de libération de ce qui travaille en nous et que nous ignorons. Là aussi, pas tant pour mettre au jour quelque trauma enfoui que pour découvrir notre lexique personnel sans lequel il ne peut y avoir d´écriture réelle. Lieu de flottement sans cesse suscité pour renforcer notre intelligence intuitive.
L´atelier d´écriture : pratique intensive de l´intelligence intuitive.
Le livre de Philippe Berthaut sur sa pratique des ateliers d´écriture, La Chaufferie de la langue, est un des moins normatifs qui soient. Parcours, dispositifs, mais toujours pour construire cet accueil de l´écart, du non raisonné, où on entend sonner l´irréductible de la langue.
Ce long journal de travail, ces 72 pages qui doivent représenter quelques 300 fragments sur l´écriture, pourrait être comme l´application à soi-même de ce passage de son introduction à Chaufferie. Sauf qu´on ne s´applique pas cela volontairement. Le retour de l´atelier d´écriture sur celui qui l´anime, c´est plutôt qu´à un moment donné on prend place soi-même sur le plongeoir qu´on a bâti pour les autres, et qu´on s´y lance.
Alors il y a des réflexions sur l´espace, le voyage. Il y a une masse de réflexions concrètes prises à cette vie de tous les jours du balladin, comme on le disait un peu péjorativement dans nos campagnes, mais qui correspond si bien à Berthaut, aussi bien chanteur (à textes, quelle expression bizarre aussi), mais arpentant sans cesse son pays de lave, de Toulouse à Albi, les vieux terroirs de mines, les rocades de villes moyennes qui tombent, et la confrontation aussi, parfois, à la plus haute violence sauvage, partir dans ces endroits secrets, à plusieurs, pour y écrire. En tout cas un pays où il est plus légitime que dans nos latitudes de relire les Picaresques, d´ajouter un chapitre au Guzman (serais bien curieux d´entendre Berthaut s´expliquer sur cet héritage)...
Mais, plus qu´un journal, il y a ici cette quête où on chamboule la langue. On reçoit le mot besopin par une faute de doigts sur le clavier et on tombe dans le dessous de la langue. On casse, on hiatus, on répète. Ou bien, dans la vente Emmaüs d´une brocante de village, on tombe sur un de ses livres de poèmes, publié il y a longtemps, et c´est toute la vie sur un abîme. Il y a des rêves, qui s´écrivent, et le piège de langue qu´ils nous dressent. Il y a cette société dure, consumériste, et à qui la tâche de tous les jours, qu´on considère soi comme essentielle, est repoussée du coude.
Et c´est d´autant plus perceptible lorsque, au milieu du parcours, on part pour quelques jours en Moldavie, avec les Alliances françaises. Pur renversement du monde, comme si j´entrais dans un tableau flamand re-présentant un village, et la réflexion sur le mot et la phrase semble exhibée comme ces rochers noirs, sous érosion, de Champ de lave, le dernier livre de Philippe.
Dans l´archéologie de ce qui est devenu aujourd´hui publie.net, il y a, très loin en arrière (2000 ?), une discussion chez Fayard au sujet de leur collection 1001 Nuits :
Profiter de cette diffusion à 2 euros pour tenter des textes d´expérimentation, les diffuser dans un intervalle de temps court, et des conditions économiques frustes. Avec publie.net, je crois que j´ai trouvé mon ancrage : un texte comme cet Enregistré sous... m´importe, parce que c´est passer d´atelier à atelier.
Et je pèse ce mot, atelier. Nous sommes à égalité dans une vaste marche à tâtons, précaire, ou rien n´est assuré, dès lors qu´il y a écriture. Et c´est ici que nous avons besoin de circulation, de partage.
Merci, Philippe, de nous confier ce texte pour inaugurer un autre mode de circulation, d´échange, de passage de la main à la main...
FB visiter le site de Philippe Berthaut préparation éditoriale du texte, Sarah Cillaire
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