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Garry a roulé toute une journée pour arriver à La Meute, ce village dans le Jura, terre d'enfance où il n'a pas mis les pieds depuis plus seize ans mais où il est venu chercher un refuge, où il pense que personne ne pourra le trouver. Avec lui il y a un gamin, un Yannis de huit ans qui n'est pas le sien. Et finalement il le retrouve, le chemin de la cabane, là où vit toujours le Vieux, avec son fusil et son chien. Est-ce que c'était une bonne idée, de revenir au début, de prendre le risque d'être rattrapé par le passé ?
Je ne sais pas comment ils font chez Rouergue mais c'est bien simple : je ne suis jamais déçue par leurs publications, que ce soit littérature générale ou polars. Et une fois de plus, avec Enfants de La Meute de Jérémy Bouquin : bingo ! Ce roman m'a soufflée ! Mais d'abord, il faut que je vous prévienne, c'est noir, noir de chez noir même si l'on est au coeur de l'été et que tous les personnages crèvent de chaud. Quel rythme, quelle vivacité dans les dialogues, quelle construction narrative !… Tout nous est révélé au compte-gouttes, au détour d'une phrase et l'on reste pantois, estomaqué, médusé : on relit en se disant, non, ce n'est pas possible. Jérémy Bouquin (quel nom génial pour un écrivain!) n'a peur de rien : pas de tabous. Rien n'est intouchable, inviolable. Alors, si vous êtes prêts, accrochez vos ceintures, on va démarrer…
Ils sont deux dans la voiture : un gamin qui pigne parce qu'il a une envie pressante (« Des plombes qu'il me tanne pour pisser », phrase d'ouverture du roman...) et un homme qui n'a pas l'intention de s'arrêter. Ils n'ont pas l'air de se connaître plus que ça, ces deux-là. L'homme finit pas stopper la voiture. Le gamin descend, fait ce qu'il a à faire, remonte. Maintenant, il a faim et se jette sur ce qu'ils ont acheté à l'arrache sur une aire d'autoroute. La voiture tourne en rond, le moteur chauffe, les roues s'enlisent sur l'asphalte qui fond, l'homme est perdu. Ils ont quitté l'autoroute voilà une heure et ils ont commencé à gravir la montagne. Mais l'homme n'a plus de repères. Et pourtant, ce coin, il le connaît, il le connaît même très bien : il y a passé du temps quand il était jeune. Alors, quand son pote, Joe, lui a demandé de planquer le gamin, il a tout de suite pensé à ce trou paumé.
Ils repartent, maintenant le gamin vomit, les virages, c'est pas top pour digérer. L'homme est furieux, le cuir de sa belle bagnole sera irrécupérable. Enfin, ils arrivent au village « La Meute », il faut encore trouver la cabane, l'espèce de taudis minable où vit le vieux que l'homme appelle papy et dont il dit au gamin, pour le rassurer, qu'il est très gentil. Je ne sais pas si c'est le mot qui convient mais bon… C'est le début du roman, on y croit encore...
Qui est ce paria qui vit coupé de la civilisation au fin fond des bois avec son fusil et son chien ? Qui est cet homme qui peste depuis le début après un gamin qu'il connaît à peine ? Pourquoi doit-il cacher ce gosse terrifié qui réclame sa mère ?
Enfants de La Meute est un huis clos étouffant : tout est tension, silences, non-dits, sentiments refoulés. Ah, quand le passé refait surface, ce n'est pas toujours très bon...
La violence est là, prête à surgir d'un coup lors d'une nuit d'orage, dans une atmosphère de fin du monde, une violence terrible qui frappe quand vous ne l'attendez pas. On est dans une tragédie. Un monde sans pitié. Un monde de fureur et de haine où tout est permis même le pire. Les mots crus, les dialogues bruts, l'écriture ciselée, rythmée et nerveuse happent le lecteur, lui envoient un direct en pleine poire, le réalisme social et la précision de la description sidèrent, l'effet de réel en devient saisissant, le suspense (la construction est excellente) est tel qu'il est impossible de reposer le bouquin (le livre, pas l'auteur… ah, ah)
Vous sortirez de là complètement sonnés mais bon… je vous aurai prévenus !
LIREAULIT http://lireaulit.blogspot.fr/
Voilà quelqu’un qui porte bien son nom. S’appeler Jérémy Bouquin quand on est écrivain, ça ne peut pas être un hasard. N’ayant jamais entendu parler de lui, j’ai voulu voir si ce hasard avait bien fait les choses.
Dès les premiers mots « Des plombes qu’il me tanne pour pisser ! », j’ai compris que je n’avais pas affaire au nouveau Marcel Proust. Mais de mon point de vue, ce n’est pas forcément une critique. Parce que ce langage sied comme un gant à cette aventure. En effet, les narrateurs qui nous rapportent les évènements sont des personnes très mal élevées. Ils ont été éduqués au fin fond du monde et vivent dorénavant dans une triste banlieue où le banditisme fait la loi. Ils relatent donc les faits avec leurs mots. Ils parlent comme ils pensent, avec un vocabulaire familier, souvent vulgaire. C’est un peu inattendu au premier abord mais je me suis accommodé rapidement. Ce style se lit très bien et est même adapté à l’atmosphère du livre.
Le récit au présent de l’indicatif permet au lecteur de vivre l’instant présent. Celui-ci se situe dans un coin retiré du Jura. Les protagonistes sont de retour dans ce décor qui a bercé leur enfance. Ce retour forcé par le destin permet de faire ressortir le passé. On découvre alors la vérité sur cette famille déchirée par les mauvais souvenirs. Leurs retrouvailles fortuites vont alors être à la hauteur de leurs rancœurs. Et pour ne rien vous cacher, ça cogne fort !
L’écriture, le scénario, les personnages, le paysage, l’ambiance, tout est taillé à la serpe. L’auteur ne fait pas dans la dentelle. J’ai été scotché de bout en bout par le réalisme des situations et la justesse du propos. J’ai été emporté par cet univers humainement sombre qui fait ressortir la dureté de l’Homme et ses pires instincts.
Ce livre est une vraie pépite de roman noir qui va vous frapper à coups de batte et vous laisser agoniser sur le bord de la route. C’est violent, c’est brillant et ça laisse des traces…Bravo à M Bouquin, dont le patronyme n’est tout compte fait pas usurpé !
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