Ceci est l'histoire de mon père, abandonné très jeune par un parâtre implacable au début du XXe siècle. Il va errer à travers le pays puis sera embrigadé dans l'armée française de Verdun au Rif en passant par l'Asie mineure. Son âme d'enfant lui a permis de passer devant ces horreurs en préservant un humanisme sans faille. Son esprit ingénieux, son respect des êtres vivants lui seront précieux, pour survivre, car le hasard de la vie le mènera à se trouver, à Guelma, lors des massacres du 8 mai 45, puis à Batna le premier novembre 1954, jour J de la guerre d'Algérie.
En dehors des guerres, son errance a mis en travers de son chemin des pervers, des truands, des racistes, des bandits d'honneur et des bandits tout court. Sa bonne étoile lui a permis de sortir indemne de ces différents guêpiers, toujours avec une intelligente fermeté.
A l'Indépendance, j'amorçais mes mutations physiologiques superposables à celles du pays. Je découvrais une capitale qui revivait intensément, à l'image du festival panafricain qui avait drainé dans une époustouflante et inoubliable farandole l'essentiel des artistes de l'époque. En même temps l'université s'édifiait, le rêve était partout. Mon parcours de carabin un peu paladin m'a amené à travers les hôpitaux d'Alger et à l'étranger à croiser des personnages très divers, tous attachants. Des artistes, des poètes, des hommes politiques ainsi que des chirurgiens du monde entier. L'esprit ludique a toujours été de mise dans ces anecdotes émouvantes, drôles et toujours surprenantes. On voit les avancées mais aussi des reculades d'un pays en construction, d'une université en marche et parfois à l'arrêt, d'une élite intellectuelle en ébullition mais pouvant patauger. On découvre aussi la sensibilité et le comportement de ma fille, orpheline à l'âge d'un an. Elle passera avec moi une grande partie de sa vie dans ce que l'euphémisme officiel qualifie de « tragédie nationale » amortie avec sérénité. Les faits sont réels et l'imagination n'a été sollicitée que pour les raconter.
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