"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jusqu'ici, j'ai toujours écrit pour tenter de débrouiller un ou plusieurs problèmes auxquels je me heurtais dans ma vie, en espérant que ce travail serve aussi à d'autres. Il est un peu déconcertant de le faire simplement, cette fois, pour partager l'un des stratagèmes par lesquels je maintiens allumée la flamme de ma vitalité - pour parler de plaisir.Parmi tous les ouvrages qui paraissent sur la culture numérique, je n'ai encore jamais rien lu au sujet de cette communauté éparse que j'ai moi-même rejointe il y a bientôt dix ans : celle des collectionneurs d'images en ligne, qui accumulent et partagent au fil des jours, sur Instagram, Tumblr, Flickr ou Pinterest, des photographies d'art, des tableaux, des dessins qu'ils aiment.Cette activité en apparence anodine représente mon équivalent de la liste des «Choses qui font battre le coeur» dressée par Sei Shônagon, dame de compagnie de l'impératrice consort du Japon, dans ses Notes de chevet, au XI? siècle. Dans un monde de plus en plus désespérant, j'ai envie de revendiquer ce rapport primaire et entêté à la beauté, cette confiance dans l'appui qu'elle offre, faisant de nous des perchistes arrachés momentanément à la gravité et catapultés dans les airs, libres et légers, avant de retomber... ailleurs.
Lire le dernier essai de Mona Chollet, c’est plus que jamais retrouver une copine dont on se sent proche, une fille qui nous ressemble, nous comprend et nous éclaire sur ce que l’on est, ce que l’on cherche et ce que l’on cache... Bref, elle nous révèle à nous-même ! Vaste programme, me direz-vous, mais c’est vraiment ça !
Dans « D’images et d’eau fraîche », Mona Chollet avoue sa passion obsessionnelle pour les images de tous ordres (tableaux, photos, dessins) qu’elle va littéralement piquer un peu partout sur Internet pour nourrir sa collection personnelle stockée entre autres sur Pinterest. Pourquoi un tel désir de rassembler des images ? Eh bien simplement pour le plaisir de les contempler, de s’émerveiller, d’en admirer la beauté, source d’un bonheur sûr et toujours renouvelé qui lui fait « battre le coeur » à la façon des « Notes de chevet » de Sei Shônagon (textes incroyables d’une dame de compagnie de l’Impératrice dans le Japon du XIe siècle que je vous recommande chaudement!) D’où cette nécessité quasi vitale de « posséder » l’oeuvre d’une manière ou d’une autre, de l’avoir à soi, pour soi, sous le coude à tout moment. De la faire sienne parce qu’elle est « nous ». Dans ces moments de contemplation, l’essayiste dit ne plus chercher à s’instruire, à réfléchir en tant que sociologue. Elle s’adonne corps et âme à l’émotion, déserte le quotidien trop lugubre, fait un pas de côté, oublie momentanément l’actualité, souffle, s’aère, respire et jouit. La collection d’images est comme un abri, un refuge, un lieu douillet que l’on aimerait habiter, d’où notre intérêt (le mien en tout cas) pour les photos d’intérieur. Comme Barthes, devant certaines images, elle se sent (avec un peu de culpabilité) « sauvage, sans culture » : elle s’adonne au Beau et oublie momentanément son esprit critique, son regard de sociologue. S’opère comme une fusion entre l’image et elle qui annule donc toute distance critique.
Collectionner des images, c’est aussi une façon de dire qui l’on est à travers ce que l’on aime. Une collection d’images qui révèlent l’être intérieur : regardez et vous verrez qui je suis. Point n’est besoin de mots. Je suis l’« Ange oublieux » de Paul Klee, une enluminure germanique du XIXe siècle représentant l’Arche de Noé, une photo de Susan Sontag dans son bureau en 1968. Je suis Mona Chollet. Et vous qui êtes-vous ?
Un essai sensible, intelligent et très facile à lire. En plus, c’est aussi un livre d’art car l’autrice nous donne à voir une partie de sa précieuse collection à travers de magnifiques reproductions. J’ai vraiment adoré !
http://lireaulit.blogspot.fr/
Mona Chollet sort de son terrain habituel d’étude pour offrir une réflexion sur un comportement, sorte de doudou qui lui procure joie et sérénité, sa collection d’images d’art dans la mémoire de son téléphone.
Les collections d’objets sont habituelles. Elles nous révèlent même s’ils sont cachés aux yeux des autres ou qu’ils sont exposés en vitrine ou même en vrac. Chaque objet raconte une histoire en rapport avec un passé. Avec notre téléphone, devenu une mémoire transportable, la galerie de photos s’affiche comme une réserve à souvenirs.
Pourtant, Mona Chollet choisi de nous parler des photos prises au cours d’une exposition, d’une visite, d’une rencontre avec une œuvre ou lors une lecture, une photographie qui émeut, etc. Ces reproductions privées agissent pour tempérer une inquiétude, une désespérance, un énervement ou même un vide, en un mot pour donner du plaisir.
Ainsi Mona Chollet présente ses antidotes à la déprime accompagnée de citations de différents philosophes et penseurs qui ont cherché à comprendre notre rapport à ce type images.
À partir d’un beau papier cartonné, les œuvres sont présentées. Beaucoup en relation de près ou plus lointaine avec l’enfance, mais aussi par rapport à ses préoccupations féministes ou d’autres plus politiques encore.
De cet inventaire, la personnalité de Mona Chollet se dégage, beaucoup plus que dans ses précédents essais. Alors son compte Pinterest, ou les autres, devient un journal sans mot, une biographie sans photo de famille et une confidence sans chuchotement.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2022/12/22/mona-chollet/
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