La vingtième enquête de Guido Brunetti est une véritable réussite. Comme le personnage s’est étoffé depuis « Mort à la Fenice », il a pris une véritable épaisseur psychologique, s’éloignant de l’archétypal commissaire de police, cynique et amer, plutôt récurrent dans les polars de ces dernières...
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La vingtième enquête de Guido Brunetti est une véritable réussite. Comme le personnage s’est étoffé depuis « Mort à la Fenice », il a pris une véritable épaisseur psychologique, s’éloignant de l’archétypal commissaire de police, cynique et amer, plutôt récurrent dans les polars de ces dernières années. Brunetti n’est ni Hercule Poirot, ni Wallander, ni Harry Hole. Et il n’a que de très lointains aspects de Montalbano. Il vit à Venise, la ville devenue un musée à ciel ouvert, un parc d’attractions historiques pour touristes internationaux. Le temple de la beauté envahi par les marchands chinois. Là, Brunetti se partage entre sa vie professionnelle (avec un tas de petits tracas relationnels) et sa vie privée (marié à un noble vénitienne, professeur de faculté ; deux enfants tendance boboïsante ; un beau-père esthète, très riche, aux relations troubles). Chaque fois qu’un meurtre un peu épineux, dérangeant ou hors normes, se produit dans les « rues » de Venise, Brunetti en hérite. En compagnie du toujours loyal Vianello, il a déjà résolu un certain nombre d’affaires, toutes plus édifiantes les unes que les autres.
Ici, la mort naturelle d’une dame âgée intrigue le commissaire. Certaines traces l’amènent à s’interroger sur la vie, le passé, les loisirs, les centres d’intérêt de la défunte. Après une rencontre avec son fils, il se doute qu’il y a anguille sous roche. Mais il ne sait pas sous quelle forme elle se présente …
Adaptées pour la télévision allemande, les aventures de Brunetti connaissent également un succès de librairie jamais démenti. Ecrites en anglais des Etats-Unis, elles sont traduites dans plusieurs langues (sauf en italien, par volonté de l’auteure, Donna Leon). Mais ce que la série télévisée ne traduit que très partiellement, c’est le regard que porte l’écrivaine sur l’Italie contemporaine, sur les marionnettes du gouvernement, sur le chef de l’état avide de pourvoir totalitaire, sur le goût pour le sensationnel de la presse. Et au milieu de toute cette corruption, des citoyens tentent de s’en sortir du mieux qu’ils peuvent, parfois légalement, souvent illégalement. Parfois, ce ne sont que des petites gens. Parfois, c’est la Mafia, celle qui est, elle aussi, mondialisée.
Pour Donna Leon, la solidarité, l’impartialité, le sens de la justice, l’intelligence du cœur sont encore de vraies valeurs, existant, blotties dans le cœur de certains, comme des pierres précieuses. Beaucoup trop rares. Est-ce pour cette raison que le rythme de l’action s’est ralenti au fil des volumes de la série ? Est-ce pour cela que le temps se dilate, que la ville semble se rétrécir, que l’intrigue n’en est pas réellement une ? En tout cas, ce volume laisse présager encore bien des histoires révélant d’autres travers de la vie dans la Bruges du Sud.
Un seul reproche : le titre français est une grossière erreur de marketing !