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Ce roman graphique est inspiré des carnets d'exécutions écrits de la main d'Anatole Deibler, bourreau français le plus célèbre aux 395 exécutions, de septembre 1885 à janvier 1939.
Il y compilait scrupuleusement les motifs des condamnations, les lieux, dates d'exécutions, entretien de la « Veuve » (surnom de la guillotine), météo et infos multiples sur l'attitude du condamné... Les auteurs en tirent avec brio un récit à la première personne où chaque épisode s'inscrit dans un moment remarquable de cette époque charnière : de la révolution industrielle symbolisée par les grandes expositions universelles de la fin du XIXe siècle jusqu'aux affrontements internationaux du début du XXe siècle, en passant par les assassinats politiques, les attentats anarchistes, les faits divers médiatiques. Anatole Deibler est le témoin privilégié qui nous donne accès aux remous de son temps. On y retrouve de grandes affaires comme le procès Landru ou les 4 de Béthune passés le même jour sous sa guillotine !
Le bourreau Deibler, héritier d'une dynastie de bourreaux (et qui pratique en famille !) se raconte dans les méandres de ses sentiments contrastés, complexes, effrayants parfois, ses passions, ses angoisses, sa vie intime, justifiant ou questionnant son « métier », son enfance à Rennes, ses déplacements partout en France, en Belgique et en Afrique du Nord.
Une réflexion aussi sur les débats déjà vifs contre la peine de mort en France, qu'on redécouvre ici. Ils ne datent pas de 1981 avec Robert Badinter ; l'abolition était un sujet d'actualité majeur en politique à l'époque même de Deibler...
Donner la mort est mon métier. C'est ce qu'écrivait dans ses carnets Anatole Deibler -1863-1939-, bourreau, qu'on nommait aussi "exécuteur des hautes œuvres". Car il a tout consigné le bonhomme ! Toutes les exécutions mais aussi sa vie, son parcours, laissant ainsi à la postérité des chroniques de son époque et de son métier mais aussi des criminels qu'il a guillotinés et les actes qui les ont amenés à l'échafaud.
Chaque chapitre commence par des faits historiques relatés par l'auteur, puis vient l'histoire d'Anatole Deibler par lui-même, depuis son enfance, harcelé à l'école car fils de bourreau, jusqu'à sa fonction de bourreau.
On traverse l'époque avec entre autre le Paris de l'exposition Universelle de 1878.
L'hypocrisie de l'époque est insupportable, mais c'est comme ça de tous temps... Le fils du bourreau se faisait insulter et tabasser à l'école, pourtant les gens allaient assister aux exécutions publiques.
Adolescent, Deibler rêvait de voyages lointains, de s'embarquer sur un navire, de voir le monde. Son cheminement, alors qu'il trouvait le métier de bourreau ignoble, jusqu'à la succession de son père comme exécuteur est surprenant, comme s'il était victime d'un destin dynastique.
Tout m'a plu dans ce beau livre ; les descriptions des lieux entre Rennes, Paris et Alger, l'époque, l'histoire des familles de bourreaux, les illustrations. J'étais dans l'ambiance, bien souvent les cheveux dressés sur la tête.
Anatole Deibler trouvait abject le voyeurisme du peuple qui vinait assister aux exécutions publiques. Et puis… un bourreau qui doute des vertus dissuasives de la peine de mort, c'est surprenant !
J'ai trouvé l'histoire passionnante et très instructive, et j'ai adoré la mise en page et les dessins sublimes qui mettent dans l'ambiance de cette fin de XIXÈME siècle et début de XXÉME où je me suis vraiment trouvée en immersion.
Merci aux Editions Locus Solus et à Babelio Masse Critique.
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