"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dankala est un petit pays d'Afrique noire écrasé par le soleil, où les ressortissants français, les expatriés, essaient de tuer le temps chacun à leur façon.
Le meurtre isolé d'un soldat français vient soudain perturber cette société blanche et désoeuvrée. Et lorsque d'autres meurtres sauvages viennent s'ajouter, ils perturbent la communauté française de la capitale, les discussions s'enflamment, ragots et rumeurs vont bon train, certains coeurs même s'émoustillent.
Richemont, le consul, dégote de la matière pour le roman dont il rêve, les commerçants profitent du tourisme que l'affaire amène, le colonel Patte avance ses hypothèses sur le tueur, tandis que Marie-Claire Richemont, la femme du consul, se trouve de nouveaux amis pour meubler sa solitude...
Ce n'est pas seulement le climat qui est étouffant à Dankala, ce petit pays d'Afrique noire où la France continue d'envoyer ses militaires malgré la décolonisation. L'atmosphère entretenue par le petit groupe d'expatriés français y est également irrespirable. Ces notables s'y ennuient sans grâce, s'épient et glosent sans fin sur les attitudes des uns et des autres, confits dans l'égoïsme et la condescendance des ressortissants de pays riches. Le meurtre horrible d'un jeune militaire français y est traité sur le même plan que l'alcoolisme de l'épouse du consul, comme un moyen de lutter contre l'ennui en faisant circuler les plus folles rumeurs, quitte à en inventer certaines. Cette insensibilité au sort des autres demeure, même lorsque les morts se multiplient. Si Jean Richemont, le consul, s'y intéresse quelque peu, c'est uniquement parce qu'il est certain d'y trouver matière à l'écriture d'un roman qui le placera dans la lignée de Claudel ou Chateaubriand. Seul Achille, le mendiant qui contemple imperturbablement ce mesquin théâtre des apparences et des vanités, semble distinguer les forces qui agissent souterrainement et qui font peser des menaces latentes sur ce microcosme dérisoire.
L'écriture d'Isabelle Sivan exprime magistralement ce climat poisseux et l'ennui désabusé de ces personnages qui errent au bord d'un volcan. La vacuité de leur existence, leur apparente absence de conscience ne suscitent guère d'empathie, ni de sympathie. La manière dont ils sont figurés les apparente à des types, à des rôles désincarnés, dont la véritable intériorité échappe au lecteur. Tout se passe comme si le seul vrai personnage du roman était Dankala, que la description toute en sensorialité, mêlant poésie et réalisme, rend charnel, comme si l'on pouvait en percevoir et en comprendre les mystères et les vibrations.
C'est, pour moi, un roman tout en contrastes. Noirceur de la mort qui plane et lumière obsédante du soleil. Aveuglement des expatriés et conscience aiguë d'Achille. Richesse et pauvreté. Europe et Afrique. Le rythme de la narration et l'écriture épousent ces oppositions sans en donner toutes les clés. Si je n'ai pas toujours été emportée par l'intrigue, j'ai été subjuguée par la force évocatrice de cette écriture souple et précise qui donne à la fiction les couleurs du réel. Indubitablement, une auteure à suivre !
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