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On sait que depuis les surréalistes et René Char la poésie française avait rompu avec les formes classiques de la métrique et de la prosodie classique pour adopter le vers libre, c'est-à-dire l'absence de vers. Cette absence se doublait de l'abandon du sujet, de la narration, des personnages, de l'histoire et du drame. La poésie de Sylvoisal tourne résolument le dos à cette école ou du moins à cette tendance. Chez lui la poésie retrouve sa narration, son souffle, sa dramaturgie, sa rhétorique et sa théâtralité. Au milieu du désert de la poésie contemporaine, elle s'élève comme un temple.
La chair et l'esprit ont voix au chapitre. Des souvenirs de collège, de province, traversent ces pages : les adieux d'un père à son fils dans une France encore coloniale qu'on dirait sortie d'une nouvelle de Francis Jammes, la lettre d'une mère supérieure à sa novice, sont des confessions autobiographiques à peine voilées.
Sera-t-on davantage surpris de voir figurer dans cette arche de Noé des temps pré-diluviens, où l'imagination fabuleuse d'un Jacques de Voragine côtoie l'argumentation serrée d'un scolastique, le roi Salomon répondant aux questions d'un journaliste, Jean-Baptiste, Barbe-Bleue et sa chère Ariane, Le Saint-Père déguise en mousquetaire, Don Juan confessé par Elvire, Tartuffe faisant la morale à Orgon, la princesse Salomé en petite fille rebelle à l'autorité de sa mère, Ophélie se plaignant des insuffisances d'Hamlet, le jeune Valery Larbaud bouclant ses valises avant de se rendre à Londres renouveler sa garde-robe, Huysmans et Mallarmé en train de faire leurs achats de Noël au Bon Marché, Rancé recevant la visite de Bossuet à la Trappe ou encore Charles de Foucauld dans le rôle de l'officier français monocle et en gants blancs tel que Pierre Benoit l'a photographié pour l'éternité.
Si la Furie Française (pour la partie sylvoisalienne de l'ouvrage) était placée sous l'égide baudelairienne de la femme sorcière et fée, sainte et pécheresse, et Les Os de l'lnsomnie sous celle du Racine traducteur des Psaumes et auteur d'un théâtre sacré, Le Chant du Malappris a cette singularité de mettre à plusieurs reprises en scène Rimbaud, l'enfant de Marie communard, derrière la figure duquel se profile celle de Jésus adolescent évoquant ses années de Nazareth, de Jésus non pas au milieu des docteurs mais déjà contre les docteurs et les scribes (et comment dès lors ne pas penser au Jésus des Mystères de Charles Péguy?), ou encore Caïn racontant le meurtre d'Abel et l'exil du paradis terrestre avec toutes les conséquences qu'un tel déménagement eut sur la première famille humaine.
Nombre de poèmes sont dialogués comme des conversations de théâtre. Le diable se tient derrière les rideaux de l'alcôve et Suzanne au bain se rit des vieillards.
S'agit-il pour autant d'une poésie religieuse ? Religieuse comme le fut la seconde manière de Verlaine ? Elle est assurément tissée de thèmes religieux et scripturaires et totalement gouvernée par une syntaxe strictement catholique, telle que le moyen-âge et l'ancien régime l'avaient élaborée. Mais avant d'apprendre les rudiments du catéchisme, Sylvoisal a dû sûrement lire les Contes de Perrault qui semblent être la terre nourricière de son imagination.
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