"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce qui est monstrueux est normal, c'est une phrase qu'elle écrira souvent, l'enfant devenue grande, sans savoir que cette litanie constituera le fil rouge d'un récit. Oui, ce qui est monstrueux est normal, pour un être jeune dont l'oeil s'habitue aux fissures dans les murs blancs et aux odeurs d'urine dans les couloirs d'immeubles. Il vaut mieux en rire qu'en pleurer, dit l'adage populaire, à peine conscient de son héritage. Rire de l'homme qui nous élève, chercher tout au fond de soi le respect qu'on lui doit, mais rire - un rictus qu'on n'effacera jamais - pour oublier qu'on voudrait lui balancer un bon coup de pied dans la nuque. Céline Lapertot se confronte à son passé. De ce combat nécessaire avec elle-même et de ses souvenirs est né ce texte qui n'est pas un livre comme les autres. Ce n'est pas une autofiction, c'est un récit autobiographique, un long cri plein de rage. Comment vivre - ou survivre - dans un lotissement en ruine, où règne partout l'odeur de la pisse ? Comment être une petite fille épanouie alors que votre beau-père glisse un doigt sous votre culotte, le soir ? Quelle femme peut-on devenir quand on perçoit sa mère comme une personne faible, dont on a honte, et qui a choisi de fermer les yeux sur les actes de son mari ? En racontant son enfance, l'auteur établit un lien entre celle qu'elle fut jadis - une enfant qui sourit en permanence pour cacher sa détresse et qui découvrira bien trop tôt que toutes les mères et tous les pères ne sont pas comme ceux des autres, pétris d'amour et de bienveillance - et la femme qu'elle est aujourd'hui - une jeune professeure passionnée par son métier, animée par une volonté farouche d'aider et de soutenir ses élèves au quotidien, tout en étant mère de deux enfants, et écrivain.
Un roman autobiographique émouvant et poignant .
Je savais que j'en sortirais bouleversée.
Une écriture maitrisée forte et tellement prenante que j'ai du passer à une œuvre beaucoup plus romancée pour sortir de cette lecture.
Une ode à la littérature salvatrice. Une preuve incontestable de ce qu'est la résilience .
Une pepite brute taillée dans le talent pur .
Céline Lapertot ecrit avec une plume mais aussi avec ses tripes pour que la lumière crue de son existence devienne un halo rédempteur qui jaillit de l'inconcevable.
Une œuvre qui maintient en respect.
C’est mon premier livre de l’auteur et j’essaie de répondre à cette question : comment ce texte tranchant, sec qui griffe son lecteur au plus profond de sa chair peut m’apparaître comme un nectar.
Ma réponse serait, par l’écriture Céline Lapertot a fait miel de ce qui était ne pourriture de l’existence.
Une petite fille qui ne parle pas encore, est là au milieu d’un décor de la France périphérique qui pourrit dans l’indifférence générale.
C’est un tableau de la pauvreté ordinaire celle des « sans dent ».
« C’est ainsi que l’on pourrait débuter ce roman, même si ce n’en est peut-être pas un. On pourra ergoter sur la définition et se demander ce que valent les souvenirs qui meurent toujours un peu sous le poids du temps, déformés par ce que nous fûmes et ce que nous sommes, un être de chair et de nerfs, pétri de la peur, de la colère, de la joie aussi, et, parfois, du sentiment de fierté et des désillusions. Il y a toujours un équilibre subtil à trouver entre la crainte de laisser trop de temps aux souvenirs-en prenant le risque de dissiper-, et celle, aussi, de les écrire trop tôt et de les manipuler, de bêtement les corrompre pour avoir voulu écrire un être qui n’était pas prêt à se donner. »
La pauvreté n’est pas seulement matérielle, elle est aussi culturelle.
Cette enfant vit entre une mère asservie à un homme, le beau-père de la petite. Elle laisse faire. Leur quotidien se réduit et est rythmé uniquement par et autour des incursions de ce dernier au bar qu’il fréquente.
Cet homme affiche une rébellion parses tatouages mais il se comporte veulement en société et en despote en famille.
La pauvreté c’est comme la lèpre qui dévore la peau.
Céline Lapertot « gueule » des mots qui vous déchirent comme un scalpel pour dire l’innommable, l’indicible d’une enfance violée pas seulement physiquement…(le verbe qui m’est venu en premier n’est pas gueuler mais vomir, inapproprié car c’est un verbe de défaite qui ne correspond pas à l’auteur et à ce qu’elle nous envoie.)
En 90 pages l’auteur dit tout avec lucidité et fierté. Elle énonce ne se répand jamais, elle triomphe. Ce qui aurait dû la détruire, cette pourriture est devenue un terreau, elle est passé de la violence et la solitude, à un renouveau fait de gens bienveillant pour l’aiguiller, de son immense curiosité et soif d’apprendre. Elle rend un très bel hommage à la littérature.
Elle fait partie de ce monde littéraire.
Un parcours exceptionnel. Un auteur que je vais lire à rebours, j’ai commencé par le dernier il m’en reste trois à découvrir. C’est une plume dans une belle maison d’édition.
Je laisse la conclusion à la femme devenue, qui a tant à transmettre : « Cette triste France qui s’américanise dans sa relation parents d’accueil-enfants, en n’ayant toujours pas pris conscience que pour ces enfants-là, précisément, les liens du sang ne sont rien face aux bras tendus de celle qui te dit « ici, tu es chez toi. C’est ta maison, c’est ton foyer. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 22 novembre 2019
Le réveil de l'indicible, la monstruosité d'une enfance volée, la peur, la honte du tortionnaire. Le froid jusqu'aux os. Celui ou celle qui a subi , la violence de ce récit poignant ravive la monstruosité des souvenirs.
L'avis de Claudia
J'ai découvert cette auteure en lisant son livre Des femmes qui tombent sous les bombes. Après cette lecture si intense, je me suis empressée d'acquérir ses autres romans.
Dans son dernier livre, c'est un récit intime, court et puissant que nous dévoile Céline Lapertot.
Une confession saisissante et poignante sur son enfance.
« L'enfant sent, très tôt, même de manière obscure, qu'elle ne suivra pas ce chemin-là. On peut chercher toute sa vie des réponse. Pourquoi, dans certaines fratries, les uns reproduisent ce qu'ils ont toujours connu, à des milliers de kilomètres du moindre début de questionnement - comme si la vie ne distribuait que sept cartes d'un jeu plein et qu'il est interdit de piocher dans le tas pourtant épais-, tandis que les autres, toujours prompts à se prendre les gifles et les remarques cinglantes, savent que depuis leurs premiers pas et leurs premiers mots, ils pensent différemment, ils parlent différemment, ils sentent dans la vie un parfum qui n'est pas celui des parents. L'enfant sais que venir à table en tenant un livre en cours de lecture dans sa main - parce qu'il est le prolongement naturel de son poignet-, est une condamnation qui lui vaudra de voir l'ouvrage déchiré et jeté à la poubelle. » (p.38)
Issue d'un milieu défavorisé où elle ne sera pas protégée de son presque père, vivant dans la précarité, elle survit tant bien que mal.
D'une volonté et d'une force incroyable, elle réussira à s'échapper de cet environnement nocif, grâce à un placement en foyer puis en famille d'accueil.
C'est une lecture intense et très émouvante.
Un parcours de vie bouleversant qui me laisse sans voix et admirative.
Céline Lapertot, enseignante et écrivaine aujourd'hui, nous met une vraie claque par tant de courage, de ténacité et d'intelligence.
« Etre professeur n'est pas un métier décidé au hasard dans la peur de ne pas vivre de sa plume. Etre professeur, c'est d'essayer au maximum, avec le peu de moyens que l'on a, la médiocrité du quotidien et l'envie, parfois, de baisser les bras, c'est essayer, donc, de rendre de que l'on a reçu. De rendre hommage à ces professeurs de français qui ont su nous captiver, nous écouter, nous lire, prendre soin de nos peurs de débutants, lors des premiers poèmes, lors des premiers chapitres. Etre professeur, c'est se dire qu'on laisse une trace dans de jeunes âmes, et, on l'espère, la meilleure possible. C'est espérer être la bonne rencontre au bon moment pour d'autres enfants dont on reconnaît la lueur dans le regard. » (p.82)
Remarquablement bien écrit, avec beaucoup de pudeur et de sincérité, un ouvrage percutant.
Un récit porteur de vie et d'espoir.
Je remercie vivement les Editions Viviane Hamy pour cet envoi.
https://leslecturesdeclaudia.blogspot.com/2019/08/ce-qui-est-monstrueux-est-normal.html
https://animallecteur.wordpress.com/2019/07/12/ce-qui-est-monstrueux-est-normal-celine-lapertot/
Ce récit est court et puissant, il dégage une grande force émotionnelle. Céline Lapertot exulte sa peine et étouffe sa souffrance. C’est un récit intime où l’indicible est dévoilé à demi mots. Elle y parle de son enfance dans un monde où l’alcool et la pauvreté sont ancrés, où il n’y a pas de tendresse, une mère absente qui ferme le yeux tandis qu’il y a un beau-père qui abuse d’elle.
Pour un enfant, la normalité c’est sont environnement, son quotidien, tout paraissait normal à l’enfant qu’était l’auteure jusqu’au moment où elle parvient à s’échapper de ce quotidien sordide et plein de crasse. C’est donc le récit d’une renaissance et comment l’écriture puis le foyer et sa famille d’accueil l’ont sauvé. On y ressent toute sa force, son courage et son amour. Elle écrit sans plainte ni pathos avec un beau message d’espoir sur le métier de professeur qu’elle exerce actuellement, sur le fait qu’il est fort possible qu’elle rencontre des élèves qui ont vécu la même enfance qu’elle et qu’elle se doit d’être là pour eux et croire en eux.
C’est un petit récit par sa taille (90 pages) mais très grand par les émotions qui s’en dégagent.
Céline Lapertot est une écrivaine, dont je vois souvent passé le nom sur mes blogs préférés et qui plait énormément. Je me devais donc de m’y intéresser…et je me félicite de l’avoir fait !
Alors qu’elle n’avait écrit d’habitude que des fictions, elle nous propose un roman autobiographique. Elle avait enfoui sa douloureuse enfance dans le fond de sa mémoire jusqu’à ce que celle-ci refasse surface à l’âge adulte. Et ainsi elle se souvient ! Elle se souvient de la pauvreté pécuniaire et intellectuelle de sa famille, de sa mère pas maternelle, de son beau-père alcoolique et pédophile mais aussi du foyer où elle a découvert la littérature et les personnes qui ont su l’aimer.
On pourrait penser que traiter de tous ces thèmes en 90 pages serait superficiel. Seulement ce serait sans compter sur la puissance des mots. Ce texte est porté par une écriture magnifique et procure autant de réflexions que d’émotions. Sans jamais tomber ni dans le misérabilisme, ni dans l’aveuglement, elle nous livre une part de son histoire tragique qui a forgé la femme qu’elle est devenue.
D’ordinaire, je considère que les récits intimes sont souvent plus utiles à ceux qui les portent qu’à ceux qui les reçoivent. Mais lorsque ces histoires sont mues par une langue aussi poétique et juste, elles deviennent bien plus que des problèmes individuels et permettent de transmettre des messages. A l’instar de Sorj Chalandon ou Jérôme Ferrari, dans des styles différents, Céline Lapertot semble appartenir aux auteurs qui, quoi qu’ils écrivent, m’enthousiasment à tous les coups. Leurs phrases agissent comme un envoûtement dans lequel j’aime me plonger. Même si l’émotion ressentie est en partie due aux évènements dramatiques relatés, la plume de Céline Laperot transcende les sujets. Certains auteurs/rices nous marquent parce qu’ils savent raconter des histoires ou parce qu’ils créent des univers ou enfin parce qu’ils élèvent l’écriture au rang d’art. Céline Lapertot appartient incontestablement à la dernière catégorie !
http://leslivresdek79.com/2019/07/23/475-celine-lapertot-ce-qui-est-monstrueux-est-normal/
Un livre autobiographique coup de poing,court certes, mais puissant émotionnellement:comment dire l'indicible? en l'écrivant!Le coeur broyé ,vous lisez l'horreur:un presque-père ,pédophile,alcoolique,violent;une mère non-aimante,qui préfère ne rien voir;une vie de misère dans un quartier de "cassos"!
"Que le lecteur souffre de sa lecture autant que l'auteur souffre de son écriture."
On apprécie de se faire interpeller par l'auteur qui explique comment les livres l'ont extirpée du Noir,comment elle a pu se reconstruire,puis ,transmettre à son tour par le professorat de français.
"J'écris ou je crève."
Des références culturelles, de l'émotion à fleur de peau,une lecture peu aisée mais prenante;des remarques sur l'éternelle solitude!
"La meilleure des ivresses...c'est s'oublier dans l'écriture d'un roman...(la violence)Elle peut être belle,dans un roman,la plus poétique et la plus indignée soit-elle."
Ce n'est pas un livre ,un témoignage,de plus sur l'inceste!Pudique...mais c'est aussi une réflexion sur le pouvoir de l'écriture ,et,ce qu'elle engendre chez le lecteur.
« En littérature, tout se lit, tout se vit, tout se dessine. La laideur d'une famille qui traverse les lieux sales d'un pays qui ne veut pas le voir, c'est aussi ce que nous pouvons en faire, c'est aussi ce qu'elle sait en faire, depuis qu'elle a neuf ans, en les écrivant : la littérature. Alors on ferme les yeux et on redevient l'enfant. »
L'illustration de la couverture est très juste : une fillette hurlant dans un porte-voix. Ce récit autobiographique a beau être court, il n'en reste pas moins un long cri, celui d'une adulte qui se souvient avoir été l'enfant, d'une adulte qui aurait pu sombrer après avoir été l'enfant mais qui s'est relevé.
Les mots de Céline Lapertot savent se faire silex pour décrire la rue du Pont-Rouge, une de ses zones que personne ne nomme, que personne ne regarde « parce que ça en tient pas debout, ça ne tient pas la route, ces murs en carton et ces allées qui puent la pisse de char, ces immeubles branlants aux vitres cassées ». du silex pour décrire la misère sociale mais aussi affective que subit l'enfant auprès d'une mère terrassée par la précarité et d'un beau-père violent. Mais ce qui est très fort dans l'écriture sèche et très travaillée de Céline Lapertot, c'est qu'elle à l'art de sublimer les blessures sans chercher à atteindre une quelconque esthétique fascinée par le sordide et l'abject. Jamais le lecteur ne sent voyeur et s'il est mal à l'aise, c'est parce que ce que subit l'enfant qu'a été l'auteur est inacceptable et relève d'une enfance que personne ne peut imaginer s'il a grandi dans une enfance cocon. Elle parvient à transmettre le goût des murs sales, des assiettes vides, des larmes et du sang sans pathos ni atermoiement.
Les mots de Céline Lapertot savent aussi se faire lumière lorsqu'ils rendent hommage au pouvoir salvateur de la littérature et de l'écriture. Parce qu' « il n'y a qu'à travers les mots qu'on peut s'octroyer le droit de balancer des coups de poings dans la gueule ». La violence du souvenir ne s'efface jamais sous les mots mais permet d'aller au-delà. Car l'enfant s'est révélé à l'école à coup de lectures frénétiques, puis sous le regard bienveillant d'éducateurs de la DDASS. Ecrire ou crever. L'enfant est devenu professeur.
Un récit intime sans fard d'un parcours de résilience, d'une grande honnêteté, un récit marquant, porté par une écriture forte à la hauteur de l'ambition de son auteure.
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