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Carthage a été l'une des plus grandes villes du monde antique. Sur ses rivages, l'Orient et l'Occident n'ont cessé pendant des siècles de dialoguer, de se combattre, de s'aimer. Hannibal fit sa gloire, saint Augustin prêcha entre ses murs, Flaubert la transfigura. Mais avant d'être une affaire d'hommes, Carthage est d'abord l'invention d'une femme, Didon, qui négocia son implantation avec les autorités numides. Et, lors de sa destruction, c'est une autre femme, celle d'Hasdrubal, qui lui rendra son honneur. Qui se souvient de ces héroïnes ? Et de la légendaire conversion de Saint Louis à l'islam, après qu'il eut rencontré Sidi Bou Saïd ? Daniel Rondeau est allé se promener dans les ruines de cette cité disparue. Son Carthage est une méditation sur la fuite du temps et les ambitions vaincues. Un écrivain rend à la ville sa grandeur disparue.
Daniel Rondeau nous invite à le suivre à Carthage où il partage ses pensées et ses recherches sur la naissance et la mort des nombreuses civilisations successives en nous entrainant sur les pas des Puniques, des Romains, des Vandales, des Byzantins jusqu’à nos jours avec l’islamisme radical.
De Didon, la reine phénicienne errante qui, sur la colline de Byrsa, créa Carthage en 814 avant J.C, à Gustave Flaubert qui, conseillé par son ami Théophile Gauthier, part au ‘pays des dattes’ pour s’imbiber d’odeurs et de paysages afin de réaliser son Salammbô, en passant par Scipion, Hannibal, Saint Augustin, notre roi Saint Louis, deux fois sanctifié, qui se convertit à l’Islam avant de mourir, l’auteur alimente son livre de nombreuses courtes biographies des plus instructives et passionnantes et le nourrit de ses lectures (Virgile, Hérodote, Thucydide, Polybe, Apulée, Platon, Homère , Georges Duby, Serge Lancel, Ibn Khaldoun, Chucri Ghanemet, Fernand Braudel, Camus, Ibn Arabi et beaucoup d’autres) et de ses nombreuses rencontres.
Carthage est un des plus grands carrefours culturels qui nous a offert la pensée chrétienne, la philosophie platonicienne et la connaissance arabe. Elle a rayonné et a influencé nos cultures européennes. Dans le grand brassage méditerranéen, elle a contribué à faire de nous, ce que nous sommes.
Ce livre érudit est un absolu délice de lecture.
« Vu de Carthage, le cap Bon est une tentation. Brumes bleues, falaises intrigantes, végétation drapée. C’est une fin du monde africain tendue vers l’Italie, vers Palerme. La terre substantielle des anciens ‘paradis puniques’ se détache toute seule sur l’horizon, dans le matin naissant et semble nous appeler. Décidé à y passer la journée, je m’arrête à la libraire Mille feuilles, dans le centre de La Marsa, pour acheter une carte routière et prends la direction de Tunis. Après La Goulette, la circulation est ralentie par des travaux gigantesques effectués par une entreprise nippo-tunisienne. (…) Il faut rouler plus d’une heure entre les fumées de camions hors d’âge pour trouver la route de Korbous qui s’enfonce entre les collines de vergers et d’oliveraies, de grandes fermes et des oueds presque à sec. Voici les jardins de Carthage que Polybe vit piller par les armées romaines qui ‘ramassèrent dans les fermes plus de vingt mille esclaves’, d’origine libyenne pour la plupart. A quoi pouvait ressembler ces anciens paradis dans l’Afrique romanisée ? Un mélange de latifundia et de vieux jardins arabes peut-être. La route, plus étroite, reste longtemps bordée de haies d’eucalyptus, très fournis en feuilles, et dont les branches basses balaient l’asphalte. A ce tapis vert succèdent des rangées de bambous et de cactées qui entourent aussi des champs moissonnés et dessinent un paysage antique. Puis c’est la descente vers Korbous entre deux ravins de sable. Le soleil fait vibrer les couleurs : le rouge du sable, le bleu tellement intense de la mer, presque noir, et le blanc des maisons de la petite ville célèbre pour ses sources d’eaux chaudes qui jaillissent du fond de la mer, fréquentée par l’aristocratie punique qui venait de Carthage soigner son arthrite, ses rhumatismes et ses troubles de la digestion. La petite ville fortifiée, accrochée aux roches de la côte, est entièrement dévouée au thermalisme. Une terrasse en surplomb de la mer s’ouvre sur la côte où Tunis s’étale dans un brouillard blanc. Plus net, le cap Carthage. Vu d’ici, c’est lui qui devient une tentation.»
Une assiette culturelle remplie à ras bord pour un divin moment d’évasion, de rêverie avec une écriture fluide, simple (qui semble si simple…), sans gras mais si riche. Une plume d’académicien qui ne l’est pas encore alors qu’il écrit ce livre.
J’avais adoré sa trilogie (Tanger, Istanbul, Alexandrie) et ce récit emporte à nouveau mon cœur pour cet écrivain remarquable dont la fin de ses livres est comme un compagnon, un ami de voyage, qui s’évanouit regrettablement à la dernière page.
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