Notre héros, sous le nom de code "César", documente les tortures au péril de sa vie...
Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent.
Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. De sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.
Notre héros, sous le nom de code "César", documente les tortures au péril de sa vie...
Des idées de lecture pour toutes les envies !
Le jury de la 16e édition, présidé par Jean-Christophe Rufin, a délibéré
J’ai aimé le texte en exergue : le photographe existe vraiment mais il doit rester caché. Nous ne connaitrons jamais son nom ni dans quel pays il a vécu.
Rien n’est jamais dit de front, le narrateur use de périphrases pour parler de l’armée (les pantalons de tergal, les cheveux gominés), de son supérieur (Moustache frémissante), des fourgons rouillés qui transportent sa cargaison de suppliciés.
Le narrateur est photographe dans une morgue de la capitale et chargé de photographier les visages des morts de la veille. Au début du récit, ils sont peu nombreux, puis leur nombre va croissant, beaucoup trop au fur et à mesure du soulèvement populaire.
J’ai senti la peur monter, car le narrateur prend des risques en divulguant les photos qu’il a prise.
J’ai aimé son amour pour sa femme Ania qui l’encourage a avoir des rapports sociaux et à continuer ses divulgations. J’ai aimé son amour pour ses enfants Najma et Jamil qu’il ne peut voir autant qu’il veut. J’ai aimé son amour de son pays aux milles senteurs et saveurs.
Au fur et à mesure que les corps s’accumulent, la capitale devient une fournaise, l’atmosphère devient irrespirable, les employés doivent porter leur uniforme, ils sont de plus en plus fouillés, l’étau se ressert.
Il est maintes fois répété que le plus petit changement apporte le soupçon qui peut vous être fatal, que quiconque n’a pas le bon protecteur peut tomber en disgrâce, que seul le clan du président continue de vivre bien.
J’ai aimé les manifestants désignés comme ceux qui chantent et qui dansent.
J’ai aimé que le narrateur fasse voyager les morts sur sa clé USB, et que la liste des premiers morts soit si importante pour lui.
Un texte fort sur un homme comme les autre qui se révolte contre le pouvoir en place qui a perdu le sens de la mesure. Un homme qui risque sa vie pour témoigner des mensonges du président et de ses hommes.
L’image que je retiendrai :
Celle de la clé USB d’abord caché dans les gâteaux à la fleur d’oranger confectionnés par Ania.
https://www.alexmotamots.fr/camera-obscura-gwenaelle-lenoir/
Camera obscura , c’est le témoignage glaçant d’un photographe à qui on demande de photographier l’horreur
Lui n’a nul besoin d’aller vers elle tel un photographe de guerre, envoyé par son journal. Non, l’horreur lui est apportée quotidiennement par camion.
Son métier, c’est de photographier les cadavres qui arrivent à l’hôpital ; morts naturelles, morts accidentelles.
Un jour , 4 cadavres mutilés arrivent en même temps , puis chaque jour apporte son lot de cadavres . De plus en plus. La morgue de l’hôpital ne suffit plus. Les cadavres sont jetés sur le sol.
Un pays assassine ses enfants. Son pays est une dictature, de père en fils.
Un pays où on ne doit surtout pas poser de questions . Trop dangereux
Un pays où l’on apprend petit à ne pas dévisager les gens , un regard peut vous jeter en prison
Un pays où méfiance et dissimulation sont le quotidien du peuple
L’horreur de ces assassinats d’Etat le bouscule dans ses convictions. Un jour il fait un choix qui va bouleverser sa vie . Il va prendre des risques énormes pour que le monde sache.
Camera obscura fait froid dans le dos car il s’agit d’une histoire vraie. . L’histoire d’un homme qui ne se posait pas de questions , formaté comme son père avant lui et ses enfants après lui par un régime dictatorial .On ne conteste pas , on ne proteste pas
Mais un jour , le grain de sable , le questionnement et l’homme devient héros parce que les morts le méritent.
« Camera obscura » nous informe et nous fait réfléchir . Le totalitarisme est à nos portes. La democratie , lorsqu’elle ne recule pas, est malmenée .
Camera obscura est un roman magistral, bouleversant et poignant, absolument sidérant !
Gwenaëlle Lenoir prévient dès le départ que le personnage principal du roman, photographe militaire, est réel, qu’il est vivant mais vit caché quelque part en Europe. Si les atrocités décrites sont avérées, les faits documentés, la voix de celui dont le nom de code est César est la propre voix de l’autrice.
Même si le pays où se déroulent les faits n’est jamais nommé, c’est de toute évidence de la Syrie dont il s’agit.
Gwenaëlle Lenoir, journaliste indépendante spécialiste de l’Afrique orientale et du Proche et Moyen-Orient s’est glissée avec une maestria hors-norme dans la tête de César, de son enfance à son exfiltration.
Cet homme dont l’enfance a été belle, est marié à Ania et il est père de deux enfants Najma at Jamil de huit et cinq ans.
Son travail consiste à photographier les corps qui arrivent à la morgue de l’hôpital militaire. Il a pris cette fonction quand Abou Georges est parti en retraite.
Très ponctuel, très méticuleux et très discret, il est surpris, un jour, par l’arrivée de quatre corps. « Ça faisait beaucoup pour un matin de printemps ». Il essaie pourtant de ne pas trop se poser de questions.
Les jours suivants, d’autres corps arrivent et d’autres encore, toujours plus. Jamais il n’avait reçu autant de corps en même temps à l’hôpital, des corps massacrés, avec aux poignets, des étiquettes qui mentaient, des certificats officiels qui mentaient. Il est terrifié par ces corps torturés qui s’amoncellent et qui le poursuivent jusqu’à chez lui. Il ne peut plus fermer les yeux car il n’y a plus de doute...
Jour après jour, il va continuer à envoyer les photos réglementaires mais, la peur au ventre, va emporter la carte mémoire dans sa sacoche au milieu des gâteaux secs à la fleur d’oranger préparés par sa femme auxquels il n’a pas touché : « Je n’ai pas le droit d’arrêter le voyage des morts… Il faut que les morts parlent parce que nous, les vivants, nous ne pouvons pas parler. Ils ont cousu nos lèvres et arraché nos langues... »
Il finit par ne plus supporter et va alors, par l’intermédiaire de Abou Georges être mis en contact avec un réseau de patriotes qui enverront ces renseignements en lieu sûr à l’étranger pour les montrer un jour au monde entier et à un tribunal pour précipiter la fin du tyran.
Gwenaëlle Lenoir, dans un style limpide et percutant, montre comment un homme ordinaire, photographe légiste, s’est retrouvé archiviste de l’horreur des prisons, comment sa vie paisible a basculé dans l’horreur. Elle raconte le cheminement d’un homme qui au fil de ce qu’il voit et vit va se détourner du chemin balisé qui lui était tracé pour entrer en résistance, une résistance désespérée face à un régime totalitaire monstrueux dépourvu de toute humanité.
Le questionnement de cet homme nous permet de pénétrer au cœur d’un peuple opprimé, où chaque parole, chaque regard peut être interprété et où chaque personne peut être un moukhabarat, faire partie des services secrets et vous dénoncer.
J’ai été saisie par le courage que déploie cet homme, malgré l’angoisse d’être démasqué et l’effroi qu’il ressent à la perspective de ce qui pourrait arriver à sa famille. Je n’ai pu qu’être admirative du cran dont il fait preuve en emportant sur lui cette clé USB, afin de témoigner des atrocités subies par son peuple et que ces morts puissent parler, et de la force qu’il affiche à ne pas céder à la facilité, à la pression de l’argent et des honneurs, en entrant dans le camp des dominants.
J’ai trouvé extrêmement émouvant la manière dont il cache la carte mémoire dans le sachet de biscuits confectionnés par Ania, un geste chargé de symboles.
Par le biais de ce photographe militaire qui n’avait jamais remis en cause l’ordre établi mais qui voyant son pays s’abîmer dans la terreur va oser se lever et mettre consciemment sa vie en danger, Gwenaëlle Lenoir, tout en décryptant avec talent les atrocités commises, rend ici un vibrant hommage à toutes celles et tous ceux qui ont osé et osent se dresser face à un régime qui impose force et silence. Il est cependant difficile de ne pas être pessimiste et désespéré face à l’inhumanité de ces régimes totalitaires.
Ce récit poignant et bouleversant nous amène à nous interroger sur ce que nous-mêmes aurions fait en lieu et place de César….
Comment cet homme peut-il survivre aujourd’hui sans sombrer dans la folie après avoir côtoyé et photographié tant d’ horreurs ?
Camera obscura est un roman que chacun devrait lire pour se faire une idée de la barbarie dont peuvent faire preuve les régimes totalitaires.
Gwenaëlle Lenoir a su aborder dans un style clair et vif, plein de sensibilité et d’humanité un sujet dur mais hélas contemporain. Une lecture nécessaire !...
Lire la suite et la chronique illustrée ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Le narrateur est photographe à l’hôpital militaire. Il photographie les cadavres qui arrivent à la morgue pour joindre des photos à leur dossier. Il raconte avec calme sa vie, ce qu’il a vu et ce qui l’a poussé à se poser des questions sur les dirigeants de son pays. C’est surtout la peur qui le retient d’agir et de réagir. Mais quand les corps se font de plus en plus jeunes et torturés, puis que certains lui sont familiers, il ne peut plus laisser faire sans amasser des preuves au péril de sa vie et de celle de sa famille. On ne connaît pas son nom ni celui de son pays dans le roman mais il s’agit de la Syrie.
Il décrit un pays régi par la peur et contraint à se taire :
« Il faut que les morts parlent parce que nous, les vivants, nous ne pouvons pas parler. Ils ont cousu nos lèvres et arraché nos langues, il y a des décennies. Ils ont commencé par faire taire nos parents, nos parents nous ont fait taire et nous faisons taire nos enfants. »
En plus d’être angoissant, ce roman est perturbant car il pousse le lecteur à se poser des questions. Qu’est-ce que j’aurais fait à la place de cet homme ? Ce qui est encore plus troublant, c’est que ce photographe existe réellement et que les faits sont avérés. Il est connu sous le nom de code César.
J’ai lu ce roman dans le cadre du Prix Orange du Livre 2024. Je me réjouis qu’il vienne d’obtenir le Prix Relay des voyageurs lecteurs et soit mis en avant. Un livre dont je vous recommande la lecture même si le sujet peut paraître plombant. Pour ma part, je n’ai pas pu le lâcher avant sa fin. Il m’a marquée à l’instar d’un coup de poing littéraire. Si vous aimez être bousculé par vos lectures, celle-ci ne vous laissera pas indifférent ! L’écriture de Gwenaëlle Lenoir est concise, sobre et efficace. Lisez les premières pages et vous serez pris dans les tourments du personnage sans pouvoir le quitter avant de connaître l’issue.
Il est des romans dont je me demande pour quelle raison la visibilité n’est pas plus importante. Je n’ai pas en effet l‘impression que l’on ait suffisamment mis en lumière le si profond roman de Gwenaëlle Lenoir "Camera obscura". Il s’agit pourtant là, de mon point de vue, d’un de ces récits hors du commun, source de bouleversement longue durée.
Une explication précède le premier chapitre : "Ce livre est un roman dont le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César…" En effet, le narrateur est photographe, un photographe particulier puisqu’il est chargé de prendre des photos de corps décédés à la morgue d’un hôpital militaire dans un pays non cité du Moyen-Orient. Chaque jour arrivent les corps avec, accroché à un bras une étiquette qui indique le nom et les raisons du décès. Métier particulier, certes, mais la vie est ailleurs pour cet homme. Elle est près de sa femme Ania qu’il adore et de ses enfants qu’il chérit. Oui, mais voilà qu’un jour les choses changent, les corps sont plus nombreux, plus amochés, le doute s’installe et puis se change en assurance. Plus rien n’est normal. Et le photographe comprend rapidement.
Pourquoi en dévoiler davantage. Ce roman, je l’ai personnellement lu en apnée, horrifiée, apeurée, bouleversée. Pourtant, rien n’a pu stopper mon envie d’aller plus loin, au-delà, de savoir, d’être sûre. J’ai continué malgré l’horreur. Je pense que l’écriture y est pour beaucoup. Les phrases sont extrêmement courtes, tranchantes, percutantes. Pas un mot de trop, rien de superflu. L’essentiel est dit, les actes prennent le pas et cette écriture – l’œil du photographe – nous restitue la réalité sans rien cacher de la barbarie, nous dit tout d’une colère rentrée.
Nous assistons au fil des pages à la métamorphose du narrateur qui petit à petit se rebiffe, ne peut plus obéir et refuse de continuer à marcher dans le système d’un pays pourvoyeur de terreur et de crimes, malgré les risques.
Un roman brillant et émouvant qui rend hommage à un photographe mais aussi à tous ceux qui résistent.
Je remercie chaleureusement Lecteurs.com et les Editions Julliard pour cette important lecture.
L'horreur dans l'objectif
Gwenaëlle Lenoir fait une entrée fracassante en littérature. Pour son premier roman, la journaliste a choisi de nous raconter les exactions du régime syrien à travers l'œil d'un photographe chargé de faire cinq clichés de chaque cadavre arrivant à la morgue. Très vite, il ne va plus supporter ce que les morts lui disent. Mais il a aussi une famille à préserver.
Les premières lignes du livre, comme un photographe effectuant sa mise au point, nous expliquent que le personnage principal du roman est bien réel. «Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne.» Si le pays et le président ne sont jamais cités, on comprend à la lecture et aux détails que nous sommes en Syrie sous le régime Bachar el-Assad.
On comprend aussi très vite que ce choix de discrétion est ici une question de vie ou de mort. Au fil des années, l'emprise du régime sur sa population s'est accentuée au point de rendre suspect tout regard un peu appuyé, toute remarque un tant soit peu critique. C'est dans ce contexte que le narrateur, photographe militaire, chargé de réaliser cinq photos règlementaires des cadavres livrés à la morgue, va comprendre que ses clichés racontent une histoire bien différente de celle qui figure sur les dossiers. Les blessures et les hématomes documentent la torture et l'homicide. Ce qui dans le service n'émeut plus personne, chacun ayant appris à ne jamais poser de questions et à détourner le regard. Tony et "moustache frémissante" vont même plus loin, entonnant un hymne à la gloire du régime dans l'espoir d'un avancement ou de privilèges.
César quant à lui se tait. Mais ce qu'il voit à travers son objectif s'imprime dans sa mémoire. Alors le soir, quand il rentre chez lui, il emporte avec lui toutes ces images perturbantes. Si Najma et Jamil, ses enfants, ne s'aperçoivent pas de ses doutes, Ania, son épouse, comprend très vite ses tourments et sa volonté de tout faire pour préserver les siens jusqu'à lui cacher la vérité: «Je ne parle pas des morts à Ania. Je les ramène pourtant à la maison, soir après soir. Au début, j'ai essayé de les semer. J'ai pris des chemins détournés pour rentrer. Mais ils m'ont suivi. Les morts sont des gens têtus. Ils m'accompagnent dans l'escalier de l’immeuble, rentrent dans l'appartement, dorment dans notre lit et commentent les informations à la télévision. Ils font les gros yeux quand Najma ou Jamil chantonnent leurs nouvelles comptines à la gloire du président.»
Aussi est-ce presque malgré lui qu'il enregistre ses photos sur une puce, qu'il note les noms sur une liste qui ne va cesser de s'allonger.
Gwenaëlle Lenoir réussit à merveille à rendre le dilemme qui l'assaille, entre son éthique et l'envie de protéger sa famille, entre l'envie de dénoncer les exactions de ce régime et le besoin quasi viscéral de ne pas abandonner les victimes aux mains de leurs bourreaux. «Je ne pouvais rien pour eux, seulement les photographier. Seulement refuser de participer à la danse macabre orchestrée par les employeurs des Tony de ce pays.»
Il va alors prendre de plus en plus de risques, se rapprocher d'un groupe de résistants et ainsi précipiter un épilogue d'une haute densité dramatique.
Si Gwenaëlle Lenoir s'est appuyée sur une histoire vraie, son écriture tout en ellipses et sa volonté de ne pas situer son récit dans le temps et l'espace, donnent à ce premier roman une valeur universelle. C'est le combat contre toutes les dictatures, la volonté de résistance, la soif d'humanité qui en font un bréviaire pour les temps troublés. C'est fort et émouvant. C'est une histoire bouleversante qui ne vous laissera pas indifférents.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024».Enfin, en vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.
https://urlr.me/g7GpD
Il est marié avec bonheur avec Ania, est le père aimant de Najma et Jamil, vit dans un pays qui ne sera jamais nommé mais que l'on imagine aisément comme étant la Syrie de Bashar El Assad pendant la guerre civile
Il a un étrange métier. Il est photographe légiste de la police militaire syrienne. Son travail consiste en photographier et enregistrer les cadavres qui sont entreposé à la morgue de l’hôpital militaire dans lequel il travaille. Routine pas très agréable, mais routine quand même.
Pourtant, le matin où il découvre plusieurs cadavres de jeunes gens à photographier, il s'interroge. Jeunes, martyrisé, torturés, en partie cachés, aux noms effacés, à la vie soustraite au monde, comme s'ils n'avaient jamais existé.
Alors il se pose des questions. Et protégé derrière la lentille de son appareil photo, il clique, une deux, trois photos pour se souvenir, garder en mémoire ceux qui furent et n'existent plus.
Pourquoi, il ne le sait pas encore, mais il sait au plus profond de lui qu'il n'a pas le choix, qu'il est peut-être le seul témoin de la fin de ces existences bien trop courtes, existences qu'il faut rappeler au monde, pour ne pas les oublier.
Et chaque nouveau matin apporte son lot de corps, jeunes, suppliciés, torturés, à effacer de toute urgence mais à photographier malgré tout. Silence oppressant des autorités, sens du devoir impliquant un risque important pour le narrateur, son choix est vite fait, il n'a d'ailleurs pas le choix prendre en photo, trouver les noms de tous ces morts, témoigner, pour qu'un jour, peut-être, la vérité sorte enfin. Pour les familles, pour le combat, pour la vie.
Mais la tâche est compliquée, il est observé, traqué, par ses supérieurs, puisqu'il ne faut pas que la moindre information puisse fuiter, il ne faut pas que le monde sache.
Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.
Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.
C'est ce que le lecteur assis confortablement dans son fauteuil va découvrir ces autres mondes qui frappent à nos portes mais que nous ne voyons que d'un œil, protégés que nous sommes par nos démocraties certes pas toujours optimums mais où la liberté de penser, de dire et d'agir existe.
Un roman émouvant, et ce d'autant plus que le narrateur existe et vécu ce qui nous est exposé ici. Il est inspiré de la véritable histoire d'un photographe Syrien qui vit aujourd'hui en Europe sous le nom de César.
https://domiclire.wordpress.com/2024/04/25/camera-obscura-gwenaelle-lenoir/
« Ma mère m’avait dit que l’amour vit dans la lune mais que l’amoureux doit en descendre, alors j’avais accepté l’hôpital et les morts. »
Habituellement, les livres qui parlent de mort, ça me fascine. Lorsqu’ils assaillent leurs personnages et leur font traverser des chagrins indélébiles. À mes yeux, c’est ça qui créé l’étincelle d’un récit.
Or, il n’y avait pas une once de cette beauté dans celui de Gwenaëlle Lenoir. Au milieu des horreurs perpétrées par un régime autoritaire, un photographe légiste fait face à l’inhumanité.
On ne peut pas parler d’étincelle, ici. Chaque chapitre pèse une tonne, à juste titre : ce photographe existe, et vit caché quelque part en Europe.
Gwenaëlle Lenoir y dépeint un rituel réglementaire : enfiler sa blouse, prendre des photos de chaque corps, les déposer sur l’ordinateur, puis les envoyer au bureau des décès. Pendant ce temps, les corps s’empilent sur le carrelage froid.
« Je sais qu’ils sont déjà là, par terre. Ils arrivent avant que je ne quitte la maison. Ils sont morts avant que je ne me réveille auprès d’Ania. »
Si cette routine traîne parfois en longueur, elle expose surtout le climat de tension qui règne sous l’objectif du narrateur. Les fantômes de ces corps l’oppressent, alors que c’est l’oppression elle-même qui les a tué. L’effroi s’installe, lui brûle les doigts, aussitôt qu’il passe la porte de l’hôpital, et jusque dans ses draps.
« Je ne parle pas des morts à Ania. Je les ramène pourtant à la maison, soir après soir. Au début, j’ai essayé de les semer. J’ai pris des chemins détournés pour rentrer. Mais ils m’ont suivi. »
L’autrice raconte le combat intime d’un homme qui risque sa vie pour montrer l’indicible. Et si le ton du récit m’a paru d’une neutralité déconcertante, il reflète le silence qui pèse sur les épaules du narrateur, premier témoin de l’horreur. Parce qu’au fond de sa sacoche, et dans les ruelles parallèles à l’hôpital, il mène une révolution silencieuse pour, peut-être un jour, hurler la vérité au monde entier.
« Il faut que les morts parlent parce que nous, les vivants, nous ne pouvons pas parler. Ils ont cousu nos lèvres et arraché nos langues, il y a des décennies. »
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Belle chronique !
Je retiens cette phrase car j'en partage totalement le contenu : "Gwenaëlle Lenoir a su aborder dans un style clair et vif, plein de sensibilité et d’humanité un sujet dur mais hélas contemporain. Une lecture nécessaire !..."