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L'art d'allier les contraires : le merveilleux chez Yànnis Palavos se donne des allures presque naturelles tandis que la réalité prend volontiers des couleurs étranges et inattendues. Une grand-mère décédée raconte sa vie à son petit-fils ; un tueur de porcs craque pour une bébé-truie ; des toilettes se changent en ascenseur ; des personnages se volatilisent d'un coup ; un mort se réincarne en agrafeuse...
Entre pudeur et rire, Blague dévoile sa gravité cachée, et Palavos une malicieuse maîtrise tant il aime jouer avec son lecteur qu'il désoriente à coups de péripéties improbables ou d'images insolites.
17 nouvelles, 17 textes courts, parfois très courts qui mélangent le réel et l’imaginaire. La frontière est floue entre la réalité de ces histoires qui prennent racine dans le quotidien banal de grecs continentaux et ruraux. En quelques lignes Yànnis Palavos campe ses personnages, instaure une ambiance. Et d’une pirouette l’inattendu arrive, le fantastique vient se mêler à l’ordinaire.
Un tricotage intelligent qui fabrique un monde hybride où la part de merveilleux n’est peut-être qu’une astuce pour éviter la confrontation avec des situations difficiles. Le réalisme magique de l’auteur, son humour doux amer et son art de la chute ne sont que des échappatoires pour faire face à des thèmes plus profonds: nos désirs secrets, la religion, la psychanalyse, l'amour, l'amitié, les fantasmes, les souvenirs, les effets du chômage, l'immigration, la mélancolie, la mort, les angoisses existentielles, la nostalgie, le besoin de sexe.... et transformer la vie en une grosse blague.
Traduit par Michel Volkovitch
Culte dès l’aube née, « Blague » est un grand livre dont il faut prendre soin. Le majeur est signifiant. Yànnis Palavos est un nouvelliste de renom. Il assemble l’épars, délivre des tracés d’architectures perfectionnistes. Les courbes de la vie semblent un sablier gorgé de mots. Yànnis Palavos laisse s’écouler ce sable grain après grain, épiphanie des grandeurs grecques. Il offre l’enchantement de la force inouïe de ses nouvelles. Affranchies, ces dernières osent la marche des confidences. Elles sont d’une rare contemporanéité. Certaines, fantastiques frôlent l’absurde, la dérision, le caustique. Mais derrière l’arbre se cache la forêt. Elles relient l’imaginaire et l’idiosyncrasie grecque en excellence. Le classique affirme son charnel. Le réel palpite d’un émotionnel aérien, épuré. Cet alliage est sublime. Yànnis Palavos est un grand, un très grand. « Lumières » « Je m’allonge, mais ne dors pas. Je suis fatiguée. J’attends que maman vienne me chercher. En ce moment nous cueillons des pêches tardives. Les jours sont de plus en plus courts, et c’est dur. » Voyez ce calme connaisseur sous la chapelle des mots, dressant la ligne d’une nouvelle qui va monter crescendo. « Léna » est une couverture de laine pour les jours sans. « Huit ans en couple, mariés depuis trois ans… » Taire l’ampleur qui enfle et fait monter les larmes parce que la sincérité est trop vive et certaine. Que dire de « Yórgos prend sa retraite » qui est un hymne au père, à cette grandeur d’âme qui ne connaît que l’humilité. Tout est jeu de regard et de tendresse. L’exactitude d’un quotidien dont la richesse se noie dans l’hédonisme. L’apparence d’une pauvreté et d’une vie de labeur prend ici le sens véritable. Ce qui est beau ici, c’est le juste de l’invisibilité et la certitude d’être dans l’essentiel même. Cette nouvelle qui s’affranchit, une retraite à venir, misérable du point de vue pécunier, mais le Tout est dans une autre direction. « Hier c’était son dernier jour au boulot et mon père veut arroser ça. Je lève mon verre, je le regarde, je suis son fils et un sac de nœuds comme lui, il me sourit et il sait que je veux disparaître dans la montagne pour un mois, près du lac artificiel, et à mon retour il dira : « mon garçon, il y a de quoi manger », et si sa vie a été une erreur, voilà ce qu’il a gagné : je lui dis devant tout le monde que je l’aime et il a les larmes aux yeux. » « Blague » est subtil. Il faut le lire avec cette conviction d’être privilégié. Ce n’est pas tous les jours qu’ainsi s’élève dans cet espace-temps La Grèce et ses hôtes, L’homme et l’écrivain, les femmes, les petits-bouts, les couleurs et cette terre noble qui coule entre nos mains. Les cartographies des paysages intérieurs et ce chant littéraire hors norme qui balaie le trop et laisse juste le passage de ce qu’il faut apprendre par cœur. Traduit à la perfection par Michel Volkovitch publié par Les majeures Editions Quidam éditeur. Un pur chef-d’œuvre !
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