Selma ne vit que pour les chevaux et c’est à travers eux qu’elle traverse cette période violente si difficile à comprendre pour une adolescente...
«Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son coeur battait si fort qu'il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine !» Algérie, 1988. Après les premières émeutes sauvagement réprimées, le mouvement islamiste montre sa puissance grandissante. La jeune Selma vit dans la proche banlieue d'Alger. Elle n'a qu'une passion, l'équitation, qu'elle pratique dans un centre non loin du village de Sidi Youcef, où se déroulera en 1997 l'un des épisodes les plus atroces de la guerre civile. Elle consacre tout son temps libre au dressage d'un cheval que tout le monde craint, tandis que les déchirements de l'histoire traversent sa famille comme toute la société algérienne : certains sont farouchement opposés aux islamistes, d'autres penchent pour le FIS, d'autres encore profitent du chaos pour s'enrichir... C'est dans ce contexte tragique que Selma apprendra à grandir, trouvant dans la relation avec son cheval et avec la nature un antidote à la violence des hommes. Bien que le martyre du village de Sidi Youcef éclaire d'une lumière terrible les trajectoires des divers personnages, ce roman reste constamment chaleureux et humain.
Selma ne vit que pour les chevaux et c’est à travers eux qu’elle traverse cette période violente si difficile à comprendre pour une adolescente...
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Le jury de la 16e édition, présidé par Jean-Christophe Rufin, a délibéré
Quand la littérature célèbre l'amour... ou en dénonce les ravages
L'écriture est fluide et nous transporte dans la vie quotidienne en Algérie durant les années 90. La montée en puissance du F.I.S. (Front Islamique du Salut) et le pouvoir en place. On vit avec deux familles bourgeoises, les Hakkar et les Bensaïb, en amont et durant cette période sombre. Celle qui fuit, celle qui reste. L'amour et les conflits familiaux.
Prix Transfuge du meilleur roman français 2024, Bientôt les Vivants est le second roman de l’autrice franco-algérienne Amina Damerdji. Roman d’apprentissage autour du personnage d’une jeune femme, Selma, il nous fait également revivre les années 90 en Algérie, marquées par l’émergence du FIS et du GIA, les émeutes, et une guerre civile qui aura fait 150.000 victimes.
Sidi Youssef – 1997. Une tuerie sanglante frappe le quartier en pleine nuit. L’Algérie vit alors une guerre civile depuis plusieurs années. En quelques pages, on saisit l’atmosphère de terreur qui agite le pays. Rapidement, le récit revient au début de la période qui s’ouvre en 1988, le tout avec une tonalité beaucoup moins sanglante, même si des exactions sont évoquées tout au long de ces années troubles. Cela est aussi dû au fait que le contexte historique lourd n’est pas l’unique fil conducteur du livre et laisse une place prépondérante aux personnages qui nourrissent le roman.
Le personnage principal est une jeune fille, Selma Bensaïd, qui est passionnée par les chevaux et s’entraîne régulièrement dans le haras le plus proche. Sa mère Zyneb, son père, Brahim, qui a été nommé chef de service en pédiatrie, son oncle Hicham (le frère de Brahim) et la grand-mère Mima complètent la maisonnée. Le milieu dans lequel elle évolue est assez privilégié.
Très rapidement, des heurts sont perceptibles. Hicham rentre changé du service militaire, fréquentant des islamistes, et sera même arrêté et torturé par les autorités. En 1990, le Front Islamique du Salut connaît une ascension notoire, s’arrogeant les villes d’Oran et Alger. Le climat se tend, des grèves éclatent. Légitimant un temps le multipartisme et reconnaissant le FIS, le pouvoir finit par annuler les élections en 1991, et met le parti islamiste hors-la-loi. C’est le début de la guerre civile. Hicham devient l’avocat des leaders du FIS, une position que combat son frère Brahim. On assiste également à la montée du GIA (Groupe Islamiste Armé) qui se livre à des exactions dans les villages.
A la lecture du livre, on perçoit à quel point les familles, les amis furent déchirés durant cette période, chacun devant choisir son camp. Cela fut le cas d’Hicham, mais aussi des amis de Selma, dont certains se radicalisèrent. La peur, l’exil, firent partie du quotidien des Algériens dans cette décennie noire. Les pistes se brouillent d’ailleurs quand la cousine de Selma, Maya, est certaine que l’armée se livre à des massacres qu’elle impute ensuite à des terroristes.
C’est dans ce contexte que la jeune Selma va grandir ; grâce à sa passion pour l’équitation, elle trouve un exutoire à cette ambiance. Sa relation avec un cheval difficile à dompter, Sheïtane, jalonne le roman. N’abandonnant jamais, elle parvient à apprivoiser le cheval et saura se remettre en selle à chaque chute, ne jugeant jamais l’animal mais essayant de le comprendre. Une empathie qui manque cruellement à ces hommes qui s’entretuent.
J’ai beaucoup aimé ce roman, proche de ses personnages, ainsi que le contexte historique qui m’a permis d’en apprendre beaucoup plus sur ce qui s’est passé en Algérie durant ces années. J’aurais juste apprécié avoir un petit lexique traduisant en fin d’ouvrage la quantité importante de mots arabes employés, mais cela reste un détail.
Je remercie la Fondation Orange et Lecteurs.com pour l’envoi de ce livre qui était dans la liste des 5 derniers titres en lice pour le Prix Orange du Livre 2024 (qui a finalement été décerné à Marianne Jaeglé pour L’Ami du Prince).
https://etsionbouquinait.com/2024/07/22/amina-damerdji-bientot-les-vivants/
Les premières pages du roman s’ouvrent sur l’effroi d’une nuit de massacre en septembre 1997 dans le village de Sidi Youcef. Les terroristes islamistes feront de nombreuses victimes parmi la population avant que l’armée ne se décide à intervenir.
C’est là que le lecteur fait connaissance avec Selma, et sa cousine Maya qui débute dans le journalisme.
Retour en octobre 1988. Adolescente passionnée d’équitation, Selma passe tout son temps libre au centre équestre où elle tente de dresser un cheval rétif.
« Chaque jour, elle poussait la porte de l’écurie, le souffle court. Que serait-il pire ? Trouver le box de Sheïtane vide ou le voir emmené dans le camion de l’équarrisseur ? Le calme revenait dès qu’elle le trouvait immobile sur la paille. Quand il la voyait, ses yeux noirs se coloraient de reflets »
Selma vit avec ses parents au troisième niveau de la maison des Bensaïd, tandis que l’oncle Hicham habite le rez-de-chaussée. Quant à Mima la grand-mère, elle est au milieu et sert de trait d’union. Durant cette période, la jeunesse manifeste pour obtenir plus de liberté d’expression et une vie meilleure.
« …les émeutiers avaient embrasé des pneus toute la nuit. Des voyous ! s’était emporté Brahim tandis que Mima déplorait l’action de l’armée. Pour la première fois depuis l’indépendance, des chars avaient roulé sur Alger. L’état de siège avait été déclaré. »
L’islamisation gagne du terrain et les familles se divisent et s’affrontent. Celle de Selma ne fait pas exception. L’oncle Hicham penche du côté des islamistes tandis que son frère, le père de Selma, s’insurge contre les religieux.
Comment Selma va-t-elle vivre sa jeunesse entre émois amoureux, conflits familiaux et la haine qui s’exprime ouvertement dans une Algérie en proie au chaos. Heureusement, il reste sa passion pour l’équitation et le dressage et son cheval qui lui fait oublier l’hostilité et la peur.
Amira Damerdji a su avec subtilité mêler la fiction à l’histoire tragique de l’Algérie et c’est tout un pan de cette histoire qui nous est offert et dans lequel survit Selma, héroïne attachante et à la fois forte et fragile.
Malgré la tragédie, la mort et les disparitions, la vie continue et c’est de résilience dont il est question.
Un roman puissant servi par une écriture ample et fluide avec des personnages complexes que l’on quitte à regret.
Que se passe-t-il en Algérie, dans les années 1990 ? Après quarante ans de règne sans partage du FLN, le pays se déchire. Inflation, pénuries, corruption, émeutes, attentats… Alors que les islamistes réclament le pouvoir, la guerre civile s’installe. Ou plutôt “les événements, comme on les appelait.”
Le roman s’ouvre sur le massacre du village de Sidi Youcef en septembre 1997, non loin de là où habitent Selma et sa cousine Maya. Après un premier chapitre d’une violence inouïe racontée du point de vue d’une petite fille de sept ans, le récit revient sur les neuf années qui ont précédé ce bain de sang.
En 1988, la famille de Selma, à l’image du pays, est désunie. Cisaillée entre un père à l’intégrité fragilisée par le système corrompu et un oncle séduit par les idées islamistes. Comme si le chaos du dehors s’était infiltré jusque dans les murs de leur maison bourgeoise de la banlieue d’Alger.
Pour fuir cette atmosphère suffocante, Selma, quelque peu sauvageonne, se réfugie près des chevaux. À la révolte des hommes, elle préfère l’agitation des bêtes et s’attache, plus que de raison, à une carne bourrique et mordeuse : “Selma, l’enfant chérie du club, l’espoir de son entraîneur, soudainement entichée d’un pataud, d’un cheval à l’ossature si lourde qu’elle le rendait inapte au saut d’obstacles. Une bête qui manquait irrémédiablement de sang.”
Pendant ces années d’adolescence abîmée, Selma est sans cesse confrontée à la violence des uns qui contamine celle des autres. Que devient la jeunesse, en temps de guerre ? Que deviennent les balades à cheval, les premières amours et les posters dans les chambres, face aux égorgeurs ? Il semblerait qu’avec ce qu’il faut de passion et de liberté, elle tient bon, cette jeunesse, debout et vivante.
Dans les années 90, Sidi Youcef est un village où il aurait faire bon vivre, si la politique et la religion n’y avaient pas semé le désordre et la terreur. C’est dans ce contexte de guerre civile que Selma tente de vivre sa jeunesse et sa passion pour les chevaux.
Si les différents partis s’affrontent et massacrent aveuglément, la discorde s’immisce au sein même des familles pour peu que les voies divergent. L’oncle de Selma et son propre père deviennent des ennemis, ce qui plonge dans désespoir leur mère , qui rêve de repas partagés autour de la table familiale.
Ce roman, qui retrace cette période de bouleversement de la société algérienne, avec la montée de l’islamisme, touche par l’incarnation du conflit au sein d’une famille dont chaque personnage intervient avec ses doutes et ses espoirs. On vit avec Selma et sa famille l’angoisse du drame qui menace en permanence.
Peuplé de personnages sans concession, chez qui l’on sent la violence latente, prête à s’exprimer au moindre prétexte, le récit ne laisse pas indifférent.
C’est avec un immense plaisir que j’ai lu ce deuxième roman d’Amina Damerdji, "Bientôt les vivants", finaliste du Prix Orange 2024. Je l’ai énormément aimé, et à plus d’un titre, tant ses qualités sont nombreuses s’agissant du fond tout autant que de la forme.
Le fond : l’histoire se déroule en Algérie durant les années 1990, années funestes pour le pays, s’il en est. C’est en effet en 1992 que commence le conflit, véritable guerre civile, qui durera dix ans. Il est dû à l’interruption du processus électoral à l’issue du premier tour des premières élections législatives libres. Le gouvernement craint en effet de perdre le pouvoir au profit du Front Islamique du Salut. Le personnage principal est une jeune fille, Selma, passionnée d’équitation et en adoration devant un cheval pourtant difficile, Sheïtane. Comme toutes les familles, la sienne est rongée par les souffrances liées à la situation. Certains membres sont opposés aux islamistes, pendant que les autres les soutiennent. C’est ainsi que la petite histoire rejoint la grande. Et c’est dans ce contexte que cette jeune fille va apprendre à grandir sans une famille qui se déchire. Entre son père, Brahim, plutôt attaché au gouvernement, et son oncle Hisham, avocat, qui, lui, se tourne vers le Front Islamique du Salut, les liens se distendent.
La forme : le roman est servi par une belle écriture, précise, élégante. Il bénéficie aussi du recul pris par l’auteure pour nous parler de ces jours de deuil. Jamais aucun jugement n’est proféré "Pour qui se prenait-elle avec son monde en noir et blanc, ses phrases tranchantes ?… Rejeter le mal chez les autres était trop facile. Il n’était que le revers de nos indifférences, de nos égoïsmes, de nos lâchetés." Elle constate, relate, décrit. La construction y est aussi pour beaucoup dans la valeur de ce roman qui, au milieu de la noirceur, nous offre des moments de grâce aux côtés de Selma et de son cheval.
"Bientôt les vivants" est un magnifique roman qui nous remet en mémoire des heures sombres de l’Algérie et fait réfléchir…
https://memo-emoi.fr
Je remercie chaleureusement Lecteurs.com et le Editions Gallimard pour cette lecture passionnante.
Ayant lu et apprécié "Laissez-moi vous rejoindre" (2021), biographie romancée de la révolutionnaire cubaine Haydée Santamaria (1922-1980), j'étais curieuse de découvrir une autre facette de l'auteure avec une fiction.
Ce roman se déroule pendant la décennie noire au début des années 90, dont l'origine remonte aux émeutes d'octobre 1988, aux élections législatives de décembre 1991 remportées par le FIS (Front Islamique du Salut), au processus électoral interrompu par le pouvoir et à l'apparition du GIA (Groupe Islamique Armé) ultraviolent..
Il s'ouvre sur le massacre de Sidi Youcef, dans la banlieue d'Alger à l'été 1997. La violence s'installe partout, dans la société mais aussi au sein des familles, entre amis, au travail. C'est ce que l'auteure nous décrit à travers Selma qui a 14 ans en 1990 et sa cousine Maya. Elles passent de l'adolescence à l'âge adulte dans un pays marqué par la peur. Les familles sont déchirées comme c'est le cas entre le père de Selma, farouchement opposé aux islamistes et son oncle, Hicham qui en épouse la cause. Amina Damerdji nous montre comment la situation politique influe sur la vie quotidienne.
Une figure particulière émerge : celle du cheval Sheïtane (qui signifie Satan en arabe), un personnage à part entière. C'est un animal violent, dangereux car il a été maltraité par son maître précédent. Seule Selma peut lui prodiguer des soins, l'approcher, le monter, le dresser. C'est auprès de lui qu'elle trouve le vrai bonheur, la liberté. C'est avec lui qu'elle expérimente la violence et apprend à la canaliser.
Ce roman porte l'empreinte du passé de l'auteure qui a vécu en Algérie jusqu'en 1994 et l'a quittée pour la France alors qu'elle avait 7 ans. On sent que ce pays a laissé une trace en elle qu'elle nous transmet avec ses descriptions comme celle de la forêt de Baïnem, des odeurs, de la cuisine.
Merci à lecteurs. com et aux éditions Gallimard pour m'avoir permise de poursuivre ma découverte d'Amina Damerdji.
Magnifique roman chaleureux et humain! J'attends le prochain roman avec impatience !
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