Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
65 000 ans avant notre ère, les Wurehmê, hommes de Néandertal, vivent sur un territoire qui, bien plus tard s'appellera la France.
Le froid descendu de la Source du vent et de la Bouche du ciel s'étend, et les troupeaux nourriciers fuient vers le sud, laissant les hommes démunis.
Alors Eheni (Celui qui marche) décide d'accomplir l'inimaginable, afin de sauver ses compagnons, de leur redonner la force d'avant le froid et la maladie, en renouant le dialogue perdu avec les animaux.
Il va nourrir de sa force le ventre de l'edroütohur, la biche meneuse de harde, pour que de ce ventre naisse un fils à la fois homme et cerf, qui saura parier aux hommes et aux animaux, les réconcilier comme aux temps anciens.
Le drame va se nouer autour de cette transgression. Rejeté par les siens, Eheni, emporté par une formidable aventure mêlant " ceux de la forêt " et " ceux des deux rivières en une ", ira au bout de sa folie jusqu'avant la fin du ciel.
Le lecteur a traversé des millénaires et rencontre enfin l’Homme de Néandertal. L’auteur situe cette fresque 65 000 ans avant ce qu’on appellera la France.
Eheni du clan Wurehwê s’apprête à communiquer voire communier avec une harde de edroü, persuadé que si son clan se décime (maladie, consanguinité, dérives de toutes sortes même environnementales…) c’est parce que ceux de son clan ont perdu la mémoire des origines, celle qui savait communiquer avec les animaux et les forces invisibles de la terre qui les héberge.
Comment va-t-il s’y prendre ?
Pierre Pelot nous balade avec un art très maîtrisé.
« Ainsi, un temps secoué par le vent, dans la nuit lacérée à blanc. Le grand mâle bougea. De ses naseaux palpitants ourlés d’écume pâle fusa un souffle râpeux, une brève buée. Un rauquement montait du fond de sa gorge, comme une bave sonore et heurtée au pointu vibrant de la langue hors de la gueule ouverte. Il baissa lentement la tête. Son regard ne quittait pas Eheni, dont il cherchait à saisir l’odeur inconnue. »
Il sera observé par Ue-ll’ô-ueh qui fait partie du même clan mais est d’un autre groupe qui lui visiblement est moins impacté par les dérives mentionnées. Ils ont visiblement conservé la mémoire des baies qui se mangent sans faire mal au ventre et c’est ce que faisait Ue-ll’o-ueh avant de surprendre le manège de Eheni.
La Terre est la mère nourricière et ceux qui y vivent ses enfants.
Dans cet opus, plus précisément c’est la terre qui imprime son rythme et elle nous montre pourquoi il ne faut pas s’éloigner de ses valeurs et la respecter.
Je trouve qu’il sonne comme un avertissement.
Le style est toujours adapté à cette aventure grandiose.
Pierre Pelot nous fait la chronique d’une rencontre entre deux groupes, l’un au bord de l’extinction, l’autre plus prospère, pour cela il leur fera une mise en scène sur mesure autour d’un mammouth enlisé dans une zone marécageuse.
« En même temps, son souffle et celui de Wuohoun furent de nouveau visibles, libérés et fusant par leurs narines palpitantes tandis que de faibles grognements à la fois fébriles et expectatifs roulaient au fond de leur gorge, et ils furent un instant encore tout empêtrés dans la stupéfaction qui les avait figés, ne faisant rien de mieux que se balancer d’un pied sur l’autre.
Le eh’rdio les vit, les entendit peut-être, renifla certainement leur présence et cette excitation craintive qui s’était emparée d’eux : il bougea, leva vers eux son nez comme un long bras suspendu et tâtonnant, eût-on dit, vers une prise dans le froid blanc, puis retombant avec un claquement mou sur la boue. Redevenue masse sombre immobile, inerte, la bosse du haut du crâne, la ligne arrondie de l’échine, les grandes et formidables dents recourbées émergeant du magma gris de la boue. Comme si le val tout entier n’élevait ses pentes incurvées que pour mieux l’engluer dans le silence tendu d’une impitoyable vigilance. »
Toujours ce souffle épique en mots choisis qui nous emporte dans un tourbillon d’émotions.
Un imaginaire qui construit une intrigue dramatique sur un socle de connaissances qui font que nous ne cherchons pas à distinguer le vrai du faux, tant cela semble coller à la réalité des études faites.
Vivre cette époque de l’intérieur c’est ce qui nous est offert.
©Chantal Lafon
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