Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Le lecteur a traversé des millénaires et rencontre enfin l’Homme de Néandertal. L’auteur situe cette fresque 65 000 ans avant ce qu’on appellera la France.
Eheni du clan Wurehwê s’apprête à communiquer voire communier avec une harde de edroü, persuadé que si son clan se décime (maladie, consanguinité, dérives de toutes sortes même environnementales…) c’est parce que ceux de son clan ont perdu la mémoire des origines, celle qui savait communiquer avec les animaux et les forces invisibles de la terre qui les héberge.
Comment va-t-il s’y prendre ?
Pierre Pelot nous balade avec un art très maîtrisé.
« Ainsi, un temps secoué par le vent, dans la nuit lacérée à blanc. Le grand mâle bougea. De ses naseaux palpitants ourlés d’écume pâle fusa un souffle râpeux, une brève buée. Un rauquement montait du fond de sa gorge, comme une bave sonore et heurtée au pointu vibrant de la langue hors de la gueule ouverte. Il baissa lentement la tête. Son regard ne quittait pas Eheni, dont il cherchait à saisir l’odeur inconnue. »
Il sera observé par Ue-ll’ô-ueh qui fait partie du même clan mais est d’un autre groupe qui lui visiblement est moins impacté par les dérives mentionnées. Ils ont visiblement conservé la mémoire des baies qui se mangent sans faire mal au ventre et c’est ce que faisait Ue-ll’o-ueh avant de surprendre le manège de Eheni.
La Terre est la mère nourricière et ceux qui y vivent ses enfants.
Dans cet opus, plus précisément c’est la terre qui imprime son rythme et elle nous montre pourquoi il ne faut pas s’éloigner de ses valeurs et la respecter.
Je trouve qu’il sonne comme un avertissement.
Le style est toujours adapté à cette aventure grandiose.
Pierre Pelot nous fait la chronique d’une rencontre entre deux groupes, l’un au bord de l’extinction, l’autre plus prospère, pour cela il leur fera une mise en scène sur mesure autour d’un mammouth enlisé dans une zone marécageuse.
« En même temps, son souffle et celui de Wuohoun furent de nouveau visibles, libérés et fusant par leurs narines palpitantes tandis que de faibles grognements à la fois fébriles et expectatifs roulaient au fond de leur gorge, et ils furent un instant encore tout empêtrés dans la stupéfaction qui les avait figés, ne faisant rien de mieux que se balancer d’un pied sur l’autre.
Le eh’rdio les vit, les entendit peut-être, renifla certainement leur présence et cette excitation craintive qui s’était emparée d’eux : il bougea, leva vers eux son nez comme un long bras suspendu et tâtonnant, eût-on dit, vers une prise dans le froid blanc, puis retombant avec un claquement mou sur la boue. Redevenue masse sombre immobile, inerte, la bosse du haut du crâne, la ligne arrondie de l’échine, les grandes et formidables dents recourbées émergeant du magma gris de la boue. Comme si le val tout entier n’élevait ses pentes incurvées que pour mieux l’engluer dans le silence tendu d’une impitoyable vigilance. »
Toujours ce souffle épique en mots choisis qui nous emporte dans un tourbillon d’émotions.
Un imaginaire qui construit une intrigue dramatique sur un socle de connaissances qui font que nous ne cherchons pas à distinguer le vrai du faux, tant cela semble coller à la réalité des études faites.
Vivre cette époque de l’intérieur c’est ce qui nous est offert.
©Chantal Lafon
700 millions d’années après Celui qui regarde la montagne au loin Pierre Pelot nous fait vivre sur les bords de la rivière du territoire que nous appelons actuellement Birmanie.
Nous faisons connaissance avec les Loh et les Xuah.
Les Xuah se sont sédentarisés depuis trop longtemps. Le froid tue tous leurs enfants autant dire que leur tribu sera vite décimée s’ils ne réagissent pas.
Un ancien Notla raconte que lorsqu’il était enfant leur clan marchait. Alors ils vont se mettre en route.
« Ceux nés dans la montagne étaient maintenant des hommes et des femmes. Ils laissaient derrière eux ce qu’ils savaient du monde. Ils étaient redevenus les Xuah en marche vers le lieu de naissance du jour. Ils allaient dans un monde nouveau, dont ils ne connaissaient rien, qu’ils apprendraient tant qu’ils seraient des hommes et des femmes vivants. »
Le périple est long et empli d’embûches, ils luttent contre les intempéries, les bêtes sauvages, ils combattent un serpent, l’auteur nous gratifie d’une scène extraordinaire par ses détails. Une nature vivante et dangereuse pour qui ne sait pas ce qu’il affronte.
Puis ils arrivent sur une rive de la rivière grondante et capricante et s’y installent.
Savent-ils que l’autre bord est habité depuis longtemps par les Loh ?
« Des murmures de stupéfaction effrayée montèrent des rangs des Loh.
— Iwah-iwèh, dit Vuh’h sur un ton bas et rauque, avec les gestes pour sauter dans les arbres et le geste pour une queue.
— Iwa, dit celui à la peau d’iwah-iwèh-es’rs-ôh attaché à son cou.
Il répéta les gestes disant sa grande taille massive de ata-ata iwah et son absence de queue. C’était impossible de sauter dans les branches et les arbres, avec une pareille taille et un tel poids. »
Et il y a affrontement autour de la chasse d’un chevreuil, un des Loh meurt et le Xuah retraverse la rivière avec sa proie.
Les Loh sont sur le pied de guerre, ils grondent aussi fort que le ciel et puis renoncent.
Seul Aaknah partira sur les traces du Xuah rejoint par le jeune Ni’Ata, ce qu’ils découvrent les stupéfie. S’apercevant qu’ils ne peuvent rien faire ils reviennent dans leur clan.
Aaknah raconte la façon de vivre des Xuah leur habitation et surtout le feu.
Les Xuah savent conserver et transporter le feu mais pas le créer.
Il n’est pas cru mais plus encore il est considéré comme lâche puisqu’il est revenu sans avoir tuer le Xuah.
Il décide de s’enfuir, le jeune Ni’Ata le suivra et ils emmèneront aussi trois femmes.
Pour le clan c’est plus qu’une trahison, un crime. Ils seront poursuivis et c’est ainsi qu’ils traverseront la rivière et pénètreront sur le territoire des Xuah.
S’ils ne partagent pas le même langage, ils sauront mettre en commun leur savoir respectif et ils créeront un nouveau peuple fait de métissage.
Je déclare solennellement Pierre Pelot grand maître de l’hypotypose.
Il y a un travail dans l’écriture qui ne fait qu’amplifier l’imaginaire déployé.
Appuyé sur de solides connaissances, une invention d’un langage propre à chaque clan (un glossaire est à la fin de chaque tome), personnellement les scènes ont un tel souffle que je n’ai pas fait appel au glossaire. Très imagé, dense chaque épisode se vit de l’intérieur.
Une façon de voir combien l’évolution est différente d’un clan à l’autre.
Il y a la course du soleil, les rites de retrouvailles, l’usage des plantes…
Ce récit picaresque est une épopée enflammée et passionnante.
J’adore faire ce grand voyage qui avec le talent de l’auteur nous permet d’engranger des connaissances et de nous interroger sur notre époque.
©Chantal Lafon
Une fresque sur les origines de l’Homme terriblement ambitieuse.
Pierre Pelot a choisi un angle d’approche qui rend la lecture, dans un premier temps, ardue. Il n’emploie pas le subterfuge de l’homme qui ne vieillit pas ou bien se régénère d’ère en ère, non il va plus loin et le lecteur va devoir jouer le jeu avec lui et faire que ce que son cerveau enregistre de mots se transforme en ressenti.
Dans ce premier tome vous êtes transporté 1,7 million d’année avant notre ère en Afrique.
La nature est le principal personnage et l’auteur sait de quoi il parle, ses descriptions sont d’une beauté à couper le souffle, et il entame sa fresque par ce qu’il y a de plus fort une naissance.
C’est Nî-éi, une jeune australopithèque qui cherche un nid où elle pourra mettre bas.
La scène est d’une précision qui la rend violente. La suite je ne vous la dévoilerais pas.
Il y a plusieurs clans dans la même région qui s’observent, se scrutent et apprennent à vivre ensemble.
Moh’hr, celui qui voit la montagne au loin cherche par ses observations à savoir ce qu’ils ont en commun ou au contraire ce qu’ils font de différents.
« Les Nak-Booh-Loa agissaient comme s’ils étaient seuls, comme s’ils ne voulaient pas voir que d’autres hommes occupaient avant eux ce territoire sur lequel ils s’installaient, où ils construisaient un abri solide, de grande taille, fait pour durer bien davantage que le temps de tô-nikhr’s. »
La vie est là, les espèces cohabitent dans cette nature sans qu’il y ait prédominance des uns sur les autres.
Il faut préserver l’ensemble et son fonctionnement, lorsqu’il y a modification il doit y avoir adaptation.
La jeune Nî-éi va être rejetée par son clan. Elle doit donc s’éloigner d’eux et c’est sans appel.
« Le bâton qui frappe de Efi-éi ne s’abattit pas sur elle. Ni celui de Nam. Pourtant, elle se sentit brisée comme s’ils l’avaient frappée à tour de bras. De l’eau lui vint aux yeux, qui furent comme étaient ceux de Efi-éi, ayant vu tant et tant d’images, quand elle tourna les talons, suivie par Nam et celui qui n’a pas de nom, quand ils s’en allèrent, elle et les hommes, marchant bien vite et se réfugiant dans l’ombre de l’abri pour n’avoir pas à aller contre les leurs. »
Elle marche, elle s’éloigne et prend conscience qu’elle existe en dehors de son clan. Elle est suivie, elle le sait et montre à son suiveur qu’elle ne l’ignore pas.
Elle est protégée par le Sh’ohr.
Ainsi Nî-éi va se diriger vers le territoire pour lequel Moh’hr a quitté les siens : cette montagne qui cache les nuages.
Des scènes de vie à hauteur des sens qui montrent leur évolution due à leur mobilité, aux divers affrontements qui sont selon, victoire ou défaite, mais qui les fait avancer, encore et toujours, mais surtout à leur curiosité véritable aiguillon comme leur odorat est leur radar.
Nî-éi va faire confiance à son instinct lors de sa rencontre avec Moh’hr, le Sh’ohr ne s’est-il pas détourné de lui sans attaquer ?
« Moh’hr se pencha vers elle. Il perçut le sursaut réprimé, la tension soudaine dans ses chairs — il entendit frotter contre une autre pierre dans sa main, vit ses doigts crispés dessus. Mais elle continua de le regarder sans détourner la tête ni tenter d’échapper au contact inévitable. »
Le vent du monde les pousse, les bouscule, les roule et de bruit de gorge en bruit de gorge ils communiquent.
Si la nature et tout ce qui y vit reste sauvage Moh’hr découvrira ce qui bat là dans la poitrine, sous la peau : le cœur.
Pierre Pelot une fois de plus nous embarque et nous émerveille, son écriture et son vocabulaire donnent vie non pas à une photographie de l’humanité à ses débuts, mais à une vision plus complète, plus saisissante et plus probante que la réalité même.
Cela a dû être un travail de titan mais aussi une aventure extraordinaire qu’il partage avec nous.
©Chantal Lafon
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