"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Janvier 1961, cinq hommes vivent sur la base soviétique de Daleko, située à ce point précis de l'Antarctique que les géographes nomment pôle d'inaccessibilité. Ils sont chargés par le Parti d'affirmer la présence russe dans cette région pourtant inhabitable. À son réveil, le chef, Anton, découvre le corps ensanglanté de Nikolaï. Vadim vient de lui asséner un coup de hache mortel : leur partie d'échecs a mal tourné. Comment rendre la justice dans ce désert polaire, sans police ni prison ? Anton décide d'écrire un rapport sur les faits. Le coupable, lui, est placé à l'isolement dans le cellier, un réduit glacial où la température culmine à moins quinze degrés. Mais Daleko semble oubliée du reste de l'humanité. La radio est tombée en panne, on n'a plus de nouvelles du monde civilisé depuis des semaines, et l'angoisse monte parmi les poliarniks. Jusqu'au jour où Vadim le meurtrier trouve le moyen de s'échapper...Ce huis clos implacablement réglé se transforme en un roman d'aventures original et haletant, imprégné d'humour noir.
En 1961, cinq hommes occupent la station polaire soviétique de Daleko dont la seule finalité est la présence russe en Antarctique. Lors d’une partie d’échecs qui tourne mal, le tractoriste tue le chauffeur-mécanicien d’un coup de hache. Sans prison ni police dans ce bout du monde totalement coupé de la civilisation depuis la panne de leur radio, le chef Anton met le coupable à l’isolement dans le cellier, où la température ne dépasse jamais les moins quinze degrés. Mais l’homme parvient à s’échapper…
Leur mission, seuls au beau milieu de l’Antarctique, dans une zone inaccessible soumise à des conditions extrêmes, entre un froid capable de les congeler en quelques instants et une blancheur spectrale qui a mangé toute couleur, pourrait faire de ces hommes des héros si elle avait un sens. Seulement voilà, ils ne sont que de pauvres hères, envoyés par le Parti comme porte-drapeaux soviétiques en ces confins sans vie, avec pour seule responsabilité l’entretien de la statue de Lénine confiée à leurs bons soins. Autonomes avec leur immense stock de nourriture, ils vivent un temps indéfiniment suspendu puisque leur engagement ne comporte aucun terme, dans un huis clos d’autant plus hermétique que l’inaction conjuguée aux températures insupportables les confine dans les quelques mètres carrés de leur seul baraquement à peu près chauffé. Tous diluent leur ennui dans les brumes de la vodka, qui, à défaut de toujours agir en assommoir, favorise parfois quelques échauffements, des corps comme des esprits. Alors il suffit un jour d’une broutille pour qu’un geste irréparable les fasse glisser dans un infernal engrenage.
Que faire d’un meurtrier quand votre quotidien n’est que promiscuité et que vous ne pouvez compter sur aucun recours extérieur ? La défiance qui s’est subitement invitée au sein du groupe est un poison qui rend tout à coup la cohabitation impossible. Les tensions montent, faisant craindre de nouveaux drames dans ce contexte ubuesque, mais malheureusement implacable. Bien décidé à défendre sa peau condamnée par sa mise à l’isolement, le fruste Vadim va se révéler indomptable. Désormais, « Si quelqu’un rentrait vivant de ce séjour au pôle, ce ne serait pas le plus malin, le plus savant ou le plus équipé, mais celui qui aurait l’instinct de survie le plus fort. »
Avec une malice de tous les instants qui transforme ce huis clos angoissant, mâtiné d’aventure extrême, en une sorte de fable, noire et acide, sur la nature humaine, la plume toujours aussi splendide d’Olivier Bleys nous propose une échappée hallucinante aux confins de la civilisation, dans une fiction aux convaincants accents de vérité. Après le viscéral et tout aussi recommandable Solak de Caroline Hinault, une nouvelle occasion, peut-être plus subtile, de frisson polaire, dans un environnement où se révèle la vraie nature de l’homme. Coup de coeur.
Humour noir teinté d’absurde et de grotesque, telle est l’ambiance de ce roman noir singulier. On y fait la connaissance de cinq russes qui tiennent la base soviétique de Daleko, dans ce qu’on nomme le pôle d’inaccessibilité de l’Antarctique, donc au bout du bout du monde, voire encore plus loin. De cinq on passe à quatre dans ce huis-clos pesant à l’ambiance glaciale lorsqu’il arrive un drame, le meurtre d’un ingénieur par le tractoriste Vadim. C’est la triste conséquence d’une dispute aux échecs à laquelle se rajoutent des litres de vodka. Car ces hommes s’abrutissent d’alcool pour oublier le froid hostile et l’inaction. Il faut dire que rien ne fonctionne dans cette base loin de toute civilisation et qu’ils sont sans nouvelles de leurs supérieurs.
Après ce meurtre, quelle sera la décision du chef Anton ? Tout d’abord écrire un rapport, ce qui permet de gagner du temps. Mais comment isoler un criminel dans une base aussi restreinte ?
Les évènements vont se succéder, tous plus saugrenus et grotesques les uns que les autres. Le rythme est soutenu, on passe de l’effroi au rire et on s’amuse bien au dépend de ces personnages aussi glaçants que le climat et qui brillent par leur animosité et leur indifférence. Leur inclination pour la bouffe et l’alcool les rend pitoyables. On nage dans l’absurde avec des situations burlesques comme la corvée obligatoire qui consiste à faire « la toilette du buste en plastique de Vladimir Ilitch Lénine qui coiffait la station » et d’en prendre une photo chaque mois.
C’est délicieusement immoral et on se laisse cueillir par une fin déconcertante.
Un très bon roman noir.
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