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Le 13 avril 1912, dernière année de l'ère Meiji, Takuboku rend le dernier souffle.
Il est âgé de 26 ans et son premier grand recueil, Ichiaku no suna (une poignée de sable), dont L'Amour de moi est la première partie, a paru deux années auparavant. Il y a inventé une sorte de " journal du mental " où il note, avec une curiosité inquiète et bien souvent ironique - mais aussi un souci aigu de la forme qu'il s'est choisie, le tanka classique -, toutes les perceptions et les pensées les plus ténues, comme pour y retrouver un moi en perdition, écrasé par un système social et politique qu'il déteste.
Sous l'oppression de la fin de l'ère Meiji, au lendemain de la guerre russo-japonaise, Takuboku, avec ce mélange de provocation et d'autodérision qui marque toute son oeuvre, affiche l'Amour de moi comme un véritable manifeste de résistance de l'individu face au système. Attitude de révolte, certes, qui s'est affirmée dès d'adolescence, mais aussi refus d'une société féodale et capitaliste dont il a médité les rouages.
Car il a lu les anarchistes russes et se revendique du socialisme. Admirateur de Dostoïevski, il est sensible à la misère matérielle et morale de toutes les victimes de cette société, oppresseurs comme opprimés, et s'inscrit lui-même dans la foule immense des déclassés : Mon ami, ne sois pas dégoûté par les mendiants, j'étais comme eux quand j'avais faim. Avec Takuboku, c'est une tout autre voix de la poésie japonaise que l'on découvre.
Et ce n'est pas un hasard s'il est cher au coeur des Japonais comme peut l'être non seulement un grand poète, mais un frère. Comme le serait dans notre langue un Rimbaud avec qui il partage une pareille intensité d'écriture et un même destin de météore.
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