Après Les fantômes de Belfast qui flirtait avec le fantastique, puis Collusion dans lequel on voyait apparaître un tueur à gages particulièrement sinistre, Âmes volées achève de s’éloigner des pistes ouvertes par Stuart Neville dans ses deux premiers romans pour nous offrir là un thriller pur et...
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Après Les fantômes de Belfast qui flirtait avec le fantastique, puis Collusion dans lequel on voyait apparaître un tueur à gages particulièrement sinistre, Âmes volées achève de s’éloigner des pistes ouvertes par Stuart Neville dans ses deux premiers romans pour nous offrir là un thriller pur et dur, toujours aussi violent, mais qui s’appuie principalement sur le personnage de Jack Lennon, le flic catholique irlandais alors que les deux premiers reposaient principalement sur le personnage de Gerry Fegan, un ex-tueur de l’IRA.
Alors que Lennon n’était intervenu précédemment que pour protéger sa famille, il se trouve cette fois aux prises avec une enquête dans laquelle il n’est pas directement concerné. Ce qui ne l’empêche pas de s’y impliquer comme si sa famille en dépendait.
L’histoire débute sur la tentative de viol d’une jeune émigrée ukrainienne. Elle est enfermée dans une chambre, et celui qui veut la transformer en prostituée essaye de lui inculquer les règles de base selon lesquelles elle devra fonctionner à l’avenir. Malheureusement pour lui, il se retrouve avec un morceau de verre dans la gorge et son espérance de vie s’en trouve sérieusement diminuée. Ses deux complices interviennent alors et maîtrisent rapidement la pauvre fille, mais ils réalisent vite que ce ne sera pas suffisant. Le mort a un frère et ce frère les a chargés de veiller sur le petit dernier, un peu trop stupide pour le métier qu’il a choisi. Compte tenu du mauvais caractère du frangin, il paraît difficile de lui annoncer que benjamin vient de se faire égorger tandis qu’ils attendaient dans la pièce à côté. Ils décident donc de se débarrasser du cadavre, et de la fille.
Sauf que la fille a la peau dure et leur échappe. Et que le grand frère découvre vite la vérité. Mauvais moment pour les deux gars qui n’ont que le temps de parler de la fille avant de rejoindre leur défunt collègue.
Partant de là, le roman se développe sur trois axes principaux : l’enquête de Jack Lennon qui devine qu’il y a une femme en fuite quelque part, la traque menée par le chef du gang des proxénètes qui veut retrouver cette femme pour lui faire comprendre qu’elle a commis une grave erreur en tuant son frère, et la fuite en avant de cette pauvre fille qui, croyant échapper à ses bourreaux, tombe de Charybde en Scylla et se retrouve bientôt entre les mains d’un psychopathe dont le rôle sur terre, croit-il, est de « purifier » les filles perdues en les aidant à rejoindre leur créateur.
J’en ai déjà trop dit, vous avez les bases de ce roman, et de quoi saliver à l’idée de ce qui va se passer ensuite. Certains ont regretté que Stuart Neville ne se soit pas davantage appesanti sur les relations familiales de Jack comme dans les deux précédents romans, même si on trouve ça et là quelques allusions qui maintiennent le suspens sur ce qui va advenir de celles qu’il a laissées derrière lui, mais je crois que ce roman est en fait le véritable départ de la saga Jack Lennon. Après avoir posé les bases du personnage grâce à deux ouvrages solides, Stuart Neville fait là sa première incursion dans une enquête policière pure et dure (ce qui est tout de même la raison d’être et la fonction première de son héros) et le lecteur n’en sort pas déçu.
Au passage on découvre un Lennon capable d’aller bien plus loin que ce que la loi lui autorise, ce qui laisse présager de bien d’autres développements futurs.
Située dans Belfast et ses environs, cette histoire démontre une fois de plus que les auteurs irlandais sont là, et qu’ils tiennent le haut du pavé, avec notamment Ken Bruen et Declan Hugues pour n’en nommer que deux.
Comme eux, Stuart Neville vient nous démontrer que l’Irlande est un pays où la violence demeure sous-jacente après des années de guerre civile et qu’il existe des écrivains de talent pour nous en parler. Stuart Neville est de ceux-là. Il s’est déjà imposé avec ses deux premiers romans, ce troisième dans le genre vient confirmer qu’il se place parmi les leaders dans son domaine. Gageons qu’il n’a pas fini de nous étonner.