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Trois ans après En route pour Haida Gwaii, où l'auteur parcourait les terres indiennes de l'Amérique du Nord, Jean-Claude Caër a décidé «de ressortir le l / de reprendre le ruban de la route». Ce sixième recueil est d'abord un très beau récit-journal de voyage, avant même d'être un recueil de poèmes, Caër administrant la preuve que le poème est une forme parfaitement appropriée à un tel récit. Rappelons que Nicolas Bouvier déclarait:«La poésie m'est plus nécessaire que la prose, parce qu'elle est extrêmement directe, brutale, c'est du full-contact.» De fait, Jean-Claude Caër nous transporte immédiatement - après un poème du départ retardé - dans cet Alaska où «le chaos nous entoure»; ses poèmes sont parfois amples et lyriques, à la Whitman («Écrire un hymne à la vie / Comme le chant du chardonneret / [.] / Prêt à prendre feu»), parfois concis à la manière du haïku (et l'on pense alors au merveilleux Chemins étroits vers les contrées du Nord du japonais Basho que Bouvier a traduit). Le voyage est bien sûr une image de la vie, une manière de l'appréhender plus intensément, en raccourci: naissance et départ, n du voyage et mort. Comme Perceval, le poète doit laisser sa mère malade au seuil de la maison d'enfance. D'ailleurs, le goût même du voyage est né des lectures d'enfance (mais aussi du souvenir de la Bretagne natale, de «la Corbinière, près de la forêt où l'on choisissaitles mâts royaux»:
Ses premiers totems).Le poète part à leur recherche alors même - ou d'autant plus - que «l'idée de la mort» ne le quitte pas. Partir est aussi une manière de tisser aussi un autre lien avec ceux qui sont restés au pays et pour lesquels on écrit. Ce sont là des émotions très anciennes, mais Jean-Claude Caër nous les restitue avec force, par le biais d'une diction très simple, toujours d'une grande justesse. Les poèmes sont écrits à la première personne, le «moi» lyrique est très présent, certes, mais comme allégé, rendu transparent par l'attention portée aux choses et aux êtres. Et l'inscription dans le poème des noms propres des personnes rencontrées (si rare en français, mais pratiquée par certains poètes américains comme Gary Snyder) permet d'éviter tout égocentrisme, restituant aux autres leur singularité.
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