"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J’ai toujours aimé courir le risque (très mesuré, je n’ai rien d’une aventurière…), de me lancer, grâce aux Masses Critiques Babelio, dans des lectures un peu hors cadre, hors appétits habituels, bref, hors de mes sentiers battus, mais cette fois, je l’avoue, je me suis fait rattraper par mon étourderie : « Mourir en été », de Zsuzsa Bank, paru chez Rivages, ça sonnait comme un bon polar...non ? J’avais cependant omis quelques détails : ces Rivages-là n’étaient pas noirs et, s’il y avait bien un mort, il n’y avait pas de mystère, le coupable, multi récidiviste, était fort bien connu, « cancer » était son nom. Car « Mourir en été » est ce que l’on a coutume d’appeler pudiquement un « récit de deuil ». Zsuzsa Bank nous y fait partager son cheminement lent et douloureux vers un statut que l’on souhaiterait atteindre, lorsque l’on a, comme elle, une relation douce et chaleureuse avec l’auteur de ses jours, le plus tard possible, celui d’orpheline de père.
« Ça n'a rien de particulier et ça arrive à tous. Nous venons au monde, nous mourons, nous perdons quelqu'un emporté par la mort, et un jour quelqu'un nous perd emporté par la mort. Pourquoi est-ce que j'en fait quelque chose d'exceptionnel? Comme si ça n'arrivait qu'à moi? »…Sans doute parce que, lorsqu’arrive ce moment auquel rien ne prépare jamais vraiment, on se sent tellement démuni que toute tentative de donner sens, de donner forme à cette douleur, chacun avec ses aptitudes, chacun avec ses moyens, ne peut qu’être accueillie avec soulagement. Les sportifs décrochent des médailles qu’ils dédient au parent disparu, les comédiens font de même avec leur César, les peintres peignent, les écrivains écrivent, on a les exorcismes que l’on s’est choisis. Reste l’art délicat du partage…Car il en faut du talent pour donner à cette expérience intime un caractère suffisamment universel pour que d’autres acceptent de la revivre à vos côtés, entre vos lignes, à travers vos souvenirs, pour que d’autres acceptent de se confronter à l’inexorable. Il faut avoir la douceur obstinée d’une Zsuzsa Bank, le phrasé souple et fluide de ses évocations pleines de tendresse, il faut savoir, comme elle, faire ressurgir les paysages de l’enfance, l’histoire d’un exil, la lumière sans pareil des étés aux joies disparues, il faut pouvoir, comme elle, trouver le courage de repasser par sa peine, d’en questionner la mémoire, d’en accepter les nouveaux contours, à la lueur d’une nostalgie enfin supportable, depuis une distance enfin « partageable ». Et je ne cache pas qu’il vaut mieux ne pas s’attendre à un polar avant d’attaquer sa lecture…on en sort un peu moins indemne !
A Kirchblüt, Anja et Seri sont inséparables, attirées l’un par l’autre comme des aimants cherchant toujours en l’autre une forme de complétion. Car chacune d’elle possède sa part manquante. Seri a perdu son père brutalement. Anja passe des mois à attendre que le sien revienne, jamais longtemps, mettre des sauts périlleux dans sa vie. Il en profite aussi bon an mal an pour consolider la maisonnette de guingois où Anja vit avec sa mère, Evi. Evi qui ne fait rien comme les autres, Evi dont l’accent annonce qu’elle n’est pas d’ici. Evi chez qui on gèle l’hiver. Evi qui ouvre jardin et maison aux amis d’Anja, leur offrant un espace de liberté joyeuse. Avec l’arrivée de Karl à Kirchblüt, le duo Anja-Seri devient « triangle ». Le jeune garçon est le frère de l’enfant qui a disparu, laissant leurs parents dans une attente infinie. Ben, le frère absent, occupe toute la place dans la famille alors, entre Anja et Seri, Karl va se faire la sienne.
Seri, narratrice du roman, se rappelle « les jours clairs », ceux où l’insouciance dominait. Les jours lumineux de l’enfance, ceux de l’adolescence et de la vie de jeune adulte aussi : trente ans à grandir côte à côte, ou jamais bien loin les uns des autres. Auprès des trois enfants, comme les ricochets de leur indéfectible amitié se croisent les vies empreintes de larmes de leurs parents : Evi, la mère d’Anja, toujours en attente portant le quotidien à bout de bras, Maria, la mère trop vite veuve de Seri, Ellen, l’inconsolable mère de Karl mais aussi le père du garçon qui semble avoir perdu et les mots et le goût de la lumière. Toute cette communauté un peu bancale va s’entraider – bien plus qu’elle n’en a conscience – telles des béquilles pas toujours bien ajustées mais solides et sûres. Et entre ses membres se tisse un fil qui se resserre et retient des chutes.
Un roman qui dit la force des liens que l’on forge dès lors que l’on accepte de baisser les armes et de laisser affleurer les faiblesses. Un livre dans lequel on plonge comme dans un retour à l’enfance, attiré.e par la luminosité des jours heureux. Car toujours la lumière semble poindre, quelque part, au bout des trop rigoureux hivers de Kirchblüt. Histoire d’enfance, histoire de deuil(s), histoire de renoncement, Les jours clairs est le récit de la recomposition des mondes une fois les blessures acceptées.
Première impression très favorable : une jolie couverture et des pages douces au toucher et agréables à tourner.
En Allemagne, dans une petite ville, trois enfants se lient d’une amitié qui les mènera à leur vie d’adulte. Parallèlement, leurs mères respectives tisseront les mêmes liens au fil des années.
Légère déception en début de lecture. Les phrases sont très très longues. Il n’y a pas de dialogues. L’histoire avance lentement, se répète.
Tout est étrange
-l’ambiance : temps et lieux sont indéfinissables
-les personnages semblent irréels
-la construction du récit est déroutante.
Et puis, à partir du chapitre relatant la vie de Zigi et d’Evy, ça y est. On est dans l’histoire, il n’y a plus qu’à se laisser porter.
-les phrases, bien que toujours aussi longues, filent toutes seules
-les lieux et les personnages se précisent
-la construction intéresse, avec ses rappels en leitmotiv.
Tout se dévoile par petites touches. Ce qui m’avait déroutée au début m’a envoûtée par la suite.
Le rythme est excellent. Cette succession de vagues de longues phrases qui semblent se répéter à l’infini, rappelant les mêmes évènements, mais déposant à nos pieds de nouveaux éléments est d’une incroyable musicalité.
C’est un magnifique roman dont j’ai du mal à sortir.
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