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"Chacun a son histoire de maladie et de mort, chacun a ses pertes, ses images aux noires ramifications et qui ne pâlissent pas. Les morts ne sont jamais morts, ils ont leur place dans les premières phrases d'une rencontre, d'une discussion, ils sont assis dans les jardins, aux tables, devant les soupières, les corbeilles de pain blanc tranché, ils ordonnent, allons, parlez de moi à présent, ne baissez pas les bras, n'arrêtez pas de parler de moi." Zsuzsa Bánk passe un dernier été auprès de son père qui va mourir. Histoires intime et politique se mêlent. À la fois infiniment pudique et très cru, d'une grande tendresse et d'une violence inouïe, un texte lumineux et bouleversant dont les effets rappellent ceux de "L'Année de la pensée magique" de Joan Didion.
J’ai toujours aimé courir le risque (très mesuré, je n’ai rien d’une aventurière…), de me lancer, grâce aux Masses Critiques Babelio, dans des lectures un peu hors cadre, hors appétits habituels, bref, hors de mes sentiers battus, mais cette fois, je l’avoue, je me suis fait rattraper par mon étourderie : « Mourir en été », de Zsuzsa Bank, paru chez Rivages, ça sonnait comme un bon polar...non ? J’avais cependant omis quelques détails : ces Rivages-là n’étaient pas noirs et, s’il y avait bien un mort, il n’y avait pas de mystère, le coupable, multi récidiviste, était fort bien connu, « cancer » était son nom. Car « Mourir en été » est ce que l’on a coutume d’appeler pudiquement un « récit de deuil ». Zsuzsa Bank nous y fait partager son cheminement lent et douloureux vers un statut que l’on souhaiterait atteindre, lorsque l’on a, comme elle, une relation douce et chaleureuse avec l’auteur de ses jours, le plus tard possible, celui d’orpheline de père.
« Ça n'a rien de particulier et ça arrive à tous. Nous venons au monde, nous mourons, nous perdons quelqu'un emporté par la mort, et un jour quelqu'un nous perd emporté par la mort. Pourquoi est-ce que j'en fait quelque chose d'exceptionnel? Comme si ça n'arrivait qu'à moi? »…Sans doute parce que, lorsqu’arrive ce moment auquel rien ne prépare jamais vraiment, on se sent tellement démuni que toute tentative de donner sens, de donner forme à cette douleur, chacun avec ses aptitudes, chacun avec ses moyens, ne peut qu’être accueillie avec soulagement. Les sportifs décrochent des médailles qu’ils dédient au parent disparu, les comédiens font de même avec leur César, les peintres peignent, les écrivains écrivent, on a les exorcismes que l’on s’est choisis. Reste l’art délicat du partage…Car il en faut du talent pour donner à cette expérience intime un caractère suffisamment universel pour que d’autres acceptent de la revivre à vos côtés, entre vos lignes, à travers vos souvenirs, pour que d’autres acceptent de se confronter à l’inexorable. Il faut avoir la douceur obstinée d’une Zsuzsa Bank, le phrasé souple et fluide de ses évocations pleines de tendresse, il faut savoir, comme elle, faire ressurgir les paysages de l’enfance, l’histoire d’un exil, la lumière sans pareil des étés aux joies disparues, il faut pouvoir, comme elle, trouver le courage de repasser par sa peine, d’en questionner la mémoire, d’en accepter les nouveaux contours, à la lueur d’une nostalgie enfin supportable, depuis une distance enfin « partageable ». Et je ne cache pas qu’il vaut mieux ne pas s’attendre à un polar avant d’attaquer sa lecture…on en sort un peu moins indemne !
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