"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
si vous voulsez comprendre ce que vivre dans un pays en guerre peut signifier...je vous conseille
Abdallah Kamanja, l’arrière-grand-père de l’autrice, était un homme joyeux. Son coeur battait au rythme de l’allegro et sa tête résonnait de musique orientale.
Jeune homme dans les années 60, il avait un rêve : pouvoir jouer au piano les mélodies qu’il affectionne tant. Or sur le piano, l’intervalle entre deux touches correspond à un demi-ton alors que le plus petit écart entre deux notes dans la musique orientale est le quart de ton.
Cela lui prit des années pour arriver à réaliser son rêve de rapprochement entre musique d’orient et d’occident. Mais il ne réussit jamais à commercialiser son piano.
Dans le même temps du récit, Zeïna Abirached raconte son enfance à Beyrouth, son exil en France dans les années 80.
Elle fait un parallèle entre ses difficultés à naviguer enfant entre la langue française et la langue arabe et la volonté de son ancêtre de relier les musique orientale et occidentale.
Au delà de l’histoire qui m’a intéressée, j’ai trouvé la construction de cet album originale et dépaysante.
Un avis en demi-teinte qui friserait le « j’ai pas aimé » si l’univers graphique de Zeïna Abiracheb n’était pas aussi singulier.
Tout de noir blanc, dans un style naïf aux traits épais, les dessins sont magnifiques.
Jouant à la fois sur l’épure et l’ornementation, ils paraissent, au premier regard, d'une simplicité extrême mais se révèle complexes quand on les examine attentivement.
La variété des formats ( vignettes, pages simples, double page) ne laissent pas de place à l’ennui.
Mais niveau scénario….
Mêlant deux histoires d’amour impossible à des époques et dans des lieux différents (reliées par le ciel étoilé et la constellation d'Orion associée à la guerre), j’ai trouvé que l’histoire manquait cruellement de fluidité et de clarté. A certains moments, je n’arrivais pas à me situer dans le temps. Les deux récits se mélangent et j’ai eu l’impression de n’avoir que des petits bouts, des bribes d’un grand tout. Alors même si ces moments fugaces qui nous sont donnés à lire sont très beaux, ça ne fait pas selon moi un scénario abouti.
Il aura suffit d’une rencontre au Salon du Livre de Beyrouth en 2015, pour que les auteurs du roman « Boussole » et de la bande dessinée « Le piano oriental » nous offre le fruit de leur riche collaboration. En effet, sous la plume de Mathias Enard et les illustrations de Zeina Abirached, sort en 2018 le splendide album » Prendre refuge « aux éditions Casterman. Ce livre tout à fait atypique par sa forme, questionne sur la notion de refuge. A la fois poétique, symbolique mais aussi historique, entre Berlin et l’Afghanistan, hier et aujourd’hui, il révèle l’amour comme la plus belle des aventures.
A travers » Prendre refuge « , un livre emprunté à son amie Elke, un jeune berlinois se plonge dans l’histoire de la rencontre de deux femmes en 1939, sur un terrain de fouilles archéologiques, en Afghanistan. En parallèle, tel un effet de miroir, Karsten rencontre une jeune syrienne lors d’une kermesse.
» Dans Berlin, ciel immense, ville détruite, comme la mienne. J’ai voulu prendre refuge en toi. Mais mon pays perdu bat en moi. «
Deux pays. L’Allemagne et l’Afghanistan. Deux espaces géographiques. Berlin d’une part, ville chargée de la mémoire, de la destruction et du souvenir, et d’autre part Bâmiyân, espace d’immensité complètement ouvert. Deux époques. 1939 et aujourd’hui. Deux histoires d’amour. Celle d’un jeune berlinois passionné d’Orient prénommé Karsten et d’une jeune femme d’origine syrienne Neyla, et celle entre l’écrivain et archéologue suisse Anne-Marie Schwarzenbach et Ria Hackin, une archéologue présente sur le site incroyable de Bâmiyân aux pieds des Bouddhas. Deux histoires d’amour impossible, que l’époque sépare.
» Karsten, j’ai mal et j’ai peur. J’ai peur de ce nouveau pays et de cette ville où mes yeux ne peuvent attraper les yeux des autres. «
Des destins croisés et entremêlés au cœur des conflits et bouleversements mondiaux. C’est ainsi que la notion de » prendre refuge » prend tout son sens. Lorsque l’on a perdu un pays, une patrie, une langue ou bien encore un amour, l’être humain prend refuge de diverses manières. Le refuge prend ainsi différentes formes : dans le bouddhisme, dans l’amour de l’autre, en échappant à la guerre, mais aussi dans l’immensité du ciel.
» Regardons encore une fois ces bouddhas, éternels gardiens du temps, le temps que l’orage passe. On y prendrait bien refuge. «
La place qu’accorde Mathias Enard à l’astronomie dans cet album, confère aux entités d’intemporalité et d’immensité universelles d’un ciel étoilé, le moyen d’y prendre refuge. Admiré et étudié depuis la nuit des temps, il est encore et toujours objet de contemplation et d’inspiration, partout et par tous.
Le trait inimitable et talentueux de Zeina Abirached se retrouve dans cet album, telle une encre de charbon, avec des illustrations très géométriques, essentiellement en noir et blanc, avec une nette inspiration orientale, dans une puissante osmose graphique.
Déjà charmée par son précédent roman « Boussole » qui avait reçu la distinction ô combien méritée du Prix Goncourt en 2015, j’ai retrouvé ici la plume érudite et poétique de l’auteur. Mathias Enard est d’abord un homme de ponts, ceux qui peuvent et doivent relier l’Orient et l’Occident, ceux qui permettent d’accéder à l’autre et à l’étranger d’être accueilli, par le biais de la littérature.
Les extraits du poète syrien Nizar Qabbani qui s’immiscent au centre de l’album sont une ode à l’Orient, et enchantent le lecteur.
Le minimalisme et la sobriété de cet ouvrage n’enlèvent rien à l’intensité de la lecture, bien au contraire ! L’essentiel est presque subjectif… Un petit bijou d’humanisme, un livre qui marque !
» On ne se convertit pas au bouddhisme. On y prend refuge. «
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