Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Depuis 2005, des filles et des femmes de la colonie mennonite de Molotschna ont été violées, y compris une petite fille de 3 ans - par des fantômes ou par Satan d'après les hommes - après avoir été rendues inconscientes par des substances, et cela à cause de péchés qu'elles auraient commis. Évidemment, quand les femmes sont violées, c'est toujours de leur faute. Mais bien sûr, les agresseurs étaient des proches. Et pendant que les agresseurs sont en prison, et avant qu'ils ne soient libérés sous caution, les femmes se réunissent pour décider de ce qu'elles doivent faire pour se protéger, elles et leurs filles, puisque les hommes sont LE danger.
C'est une histoire violente, pourtant August Epp, le narrateur ne manque pas d'humour dans son récit, ou plutôt de dérision envers lui-même. Il nous parle d'abord de lui, et ce qu'il dit est très étrange. Il vient de ce monde en dehors du monde : les mennonites. Il avait été banni, il est revenu. Il est là pour retranscrire les témoignages de ces femmes qui ne savent ni lire ni écrire. Celles-ci ont trois options quant à ce qui leur est arrivé :
1. Ne rien faire
2. Rester et se battre
3. Partir
La première option consiste à pardonner à leurs agresseurs, ce qui leur assurera leur place au paradis. Si elles refusent, elles devront partir. Décidément, les religions n'aiment vraiment pas les femmes…
On assiste à un débat philosophique entre ces femmes, sur le pardon et Dieu, le salut de l'âme et le désir de vengeance, l'amour et la compassion, la peur de l'excommunication. Elles se questionnent sur ce qu'est la liberté, ce qu'elles sont réellement, la position qu'elles occupent dans leur micro société coupée du monde moderne, le respect qu'on leur refuse, la domination des hommes.
C'est choquant de penser que dans une toute petite communauté où la religion et la crainte de Dieu sont prédominantes, où tout le monde se connait, une chose pareille ait pu se produire. Pourtant l'autrice, elle-même issue d'une communauté mennonite, s'est inspirée d'une histoire vraie, d'un événement arrivé dans une colonie mennonite de Bolivie.
Le débat des sans-voix, celles qu'on laisse dans l'ignorance du monde dans lequel elles vivent une vie sans joie, qui ne parlent pas sa langue puisqu'elles pratiquent un allemand médiéval, éternellement sous le joug des hommes, ces femmes veulent que leur vie change. Elles veulent changer la société. Elles y veulent une vraie place. Elles décident d'établir un manifeste où elles seront libres de leurs choix, de leur vie. Pourtant il semble toujours y avoir un mur quasi-infranchissable, c'est la crainte de Dieu.
J'ai trouvé ce roman très intéressant. Il nous parle d'un sujet intemporel : il faut éduquer les garçons à respecter les femmes et non pas éduquer les filles à faire attention. Il nous montre que, hélas, les combats des femmes sont à peu près les mêmes partout, dans toutes les sociétés, à différents degrés, mais qu'ils sont bien réels et essentiels pour se faire une place au soleil. Car ce qu'on ne prendra pas, personne ne nous le donnera.
J'ai néanmoins trouvé ces débats un peu longs, car bien que la condition féminine soit primordiale à mes yeux, et que les religions m'intéressent car elles ont forgé les sociétés, sur ce point j'ai trouvé le temps long, car la foi je ne l'ai pas et je n'arrive pas à comprendre cette vénération emplie de crainte qui sert de chemin de vie. C'était cependant passionnant, les débats de ces femmes, avec l'avis masculin (silencieux) d'August, considéré comme un demi-homme par ses semblables, sans doute, entre autre, parce qu'il ne se sert pas de ses poings sur les femmes pour leur imposer le respect.
Ce que l’on nomme bien maladroitement scandales sexuels font peu à peu jour au gré de la parole des victimes qui se libère face à cette illusion de gloire et ce panache difficilement contestables qui auréolent certains hommes de renom. Mais ce genre de crime n’inclut pas uniquement ces personnalités publiques mais si leur notoriété leur confère un ascendant certain. Les hommes les plus anonymes ne se privent pas d’exercer leur tyrannie sur leur pendant féminin, Miriam Toews, elle, s’attache à redonner la parole à ces femmes privées de parole et d’existence dans ce roman essentiel Ce qu’elles disent.
L’auteure évoque un milieu qui lui est bien connu puisqu’elle appartient elle-même au groupe religieux des mennonites, fondé au XVIe siècle lors du schisme protestant-chrétien, mot qui désignait à la base les anabaptistes (baptême des adultes seulement) des Pays-Bas. C’est un groupe religieux très traditionaliste qui repose sur l’idée du christianisme primitif et de la vie en communauté. La Molotschna était une colonie mennonite russe, provenant d’un Oblast d’Ukraine d’un village nommé Molochansk. Nous voilà ici en Bolivie dans la colonie de Manitoba : l’isolement de la communauté est tel que cela aurait bien pu se passer dans un coin perdu d’Europe ou d’Amérique du Nord. Autant vous dire que ce récit n’a ni la forme, ni le fond d’un roman classique. Il est présenté sous la forme d’un le procès-verbal de réunions des femmes la colonie, abusées et martyrisées, résolues à prendre leur avenir en main et soulevant toutes les possibilités s’offrant à elles.
L’une des premières choses qui m’ait frappée, qui en dit long sur l’état de soumission de ces femmes mennonites, c’est que le compte rendu soit tenu par un homme, l’enseignant de la communauté. Pourquoi un homme alors qu’ils sont le nœud du problème même ? Tout simplement, parce que sous couvert de traditionalisme, elles n’ont pas droit à être instruites et par conséquent ne savent pas lire. C’est exactement dans un moment comme celui-ci, lorsqu’il s’agit de se libérer de l’entrave patriarcale, que l’on se rend compte à quel point l’instruction est essentielle, ne serait-ce que pour lire une carte. Ce roman est important, et nous confronte à toutes les réactions, dont principalement les craintes de ces femmes face à leur oppresseur et de cette plongée dans l’inconnu : c’est le principe de l’emprise. Alors que certaines souhaitent s’enfuir le plus loin possible, d’autres n’envisagent même pas la solution. Devant l’agression, chacune réagit différemment, et toutes ne sont pas équipées des mêmes forces pour se lancer à l’aveugle dans une vie inconnue : en ce sens, Miriam Toews a très bien su décrypter et retranscrire sur le mode de la fiction les mécanismes et dynamiques psychologiques en jeu, isolement, domination, asservissement, privation d’instruction et donc de liberté, de penser, jusqu’à la dépendance, l’invisibilisation et annihilation totale de la femme, qui permettent à ces maris de maintenir leur épouse sous leur joug sans aucune remise en question, jamais.
J’ai trouvé très instructif de suivre ces échanges entre ces femmes, abusées et mutilées, et confrontées à des débats de conscience, entre leur rôle de mère, d’épouse, et de femme, qui essaient de s’extraire de la domination dans laquelle elles sont nées enfermées. S’affranchir des lois religieuses – ou pseudo-religieuses puisqu’elles ne sont que bâties sur la simple bonne volonté de leur chef religieux, l’évêque Peters – qui régissent leur non-existence, s’affranchir d’une infériorité qui allait de soi depuis leur naissance. Ce récit de cette prise conscience progressive de l’affirmation d’elles-mêmes s’accompagne d’une prise de conscience du dysfonctionnement fondamental de la société dans laquelle elles sont enfermées et du rôle qui est le leur d’éduquer leur garçon à être respectueux de leur épouse et de ne pas finir en brutes épaisses ou violeurs patentés, qui résolvent leur conflit à coups de poings ou de relations sexuelles imposées comme instrument d’asservissement.
C’est un débat qui s’apparente fortement à un procès, où tient lieu de greffier, le seul homme du fait de sa marginalisation de la communauté, ne porte pas la figure de l’agresseur potentiel. Puisque la justice n’a pas été rendue à ces femmes – forcément lorsqu’on évoque Satan pour excuser les uns, culpabiliser les autres – c’est une forme de sécession, une forme de renaissance sous l’aspect d’un être entier et indépendant. Une tentative ultime de se sauver soi-même, un ultime instinct de survie qui s’empare d’elle, mais encore une fois, sous diverses formes : les unes qui souhaitent rester, les autres qui s’émancipent.
Les mennonites sont une communauté religieuse plutôt extrémiste, il faut se rappeler que l’on trouve encore d’autres communautés religieuses tout aussi fondamentalistes plus ou moins proches de nous : je me rappelle d’ailleurs à ce sujet deux romans qui traitent de cet asservissement chez une faction extrémiste du catholicisme, Bénie soit Sixtine, ou dans cet islam ultra-conservateur d’Iran, Et ces êtres sans pénis ! Ce roman, intriguant autant par son fond que par sa forme, entre en écho avec ce que l’on observe en ce moment, la libération de la parole de ces femmes, longtemps empêchées par ces systèmes de protection – ces apparences idéalisées, la représentation de l’écologiste parfait, du journaliste cultivé et irréprochable, du cinéaste talentueux, aimé, vénéré, du champion sportif, en bref d’une possession de pouvoir, efficacement entretenu par ces abuseurs, pour prévenir toute velléité d’expression.
Un soir, huit femmes mennonites montent dans un grenier à foin pour tenir une réunion secrète. Depuis deux ans, ces huit femmes, et d'autres de leur colonie, ont été à plusieurs reprises violée dans la nuit par des démons venant les punir de leurs péchés. Maintenant que les femmes ont appris qu'elles avaient en fait été droguées et attaquées par un groupe d'hommes de leur propre communauté, elles sont déterminées à se protéger, ainsi que leurs filles, de futurs préjudices. Alors que les hommes sont partis en ville, ces femmes - toutes analphabètes, sans aucune connaissance du monde extérieur et incapables même de parler la langue de le pays dans lequel elles vivent – ont très peu de temps pour faire un choix : doivent-elles rester dans le seul monde qu'elles ont jamais connu ou doivent-elles oser s'échapper ? Pour traduire et écrire le procès-verbal de leurs réunions secrètes, c’est August, le jeune instituteur de la colonie qui est choisi.
Le roman de Miriam Toews est un roman au sujet fort, montrant la soumission des femmes dans une secte patriarcale du XXIème siècle et inspiré de faits réels. J’aurais dû être chamboulée par ce qu'ont vécu ces femmes mais la narration m’a perdue et a empêché toute émotion. En choisissant August comme porte-parole, l’autrice a sans doute essayer de ne pas tomber dans le pathos, mais ses digressions font retomber l’intérêt à chaque fois et tiennent le lecteur à distance. Impossible pour moi de m’investir, d’entrer en empathie avec les personnages que l’on peine à différencier. C’est en plus très dialogué, un peu redondant, avec une certaine monotonie dans les échanges. Indéniablement il y a une ambiance singulière dans ce livre que j’aurais vraiment voulu aimer notamment parce qu’il m’a été conseillé par une lectrice que j’apprécie particulièrement et aux goûts très sûrs. Malheureusement je suis passée à côté.
Traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Ce livre est extrêmement déroutant : il questionne la société, les hommes, les femmes, la foi des uns, la violence des autres…
C'est en quelque sorte l'Oeuvre de femmes (analphabètes) retranscrite par le seul homme présent (le seul à pouvoir comprendre?), instituteur de la communauté mennonite de Manitoba.
Car aujourd'hui, les femmes se sont réunies pour trancher : on a voulu faire passer les violences dont elles ont été victimes pour des faits du diable qui n'ont rien à voir avec le groupe d'hommes qui les ont droguées puis violées, frappées…
Cette réunion secrète dit l'incertitude, le non-sens, la folie, la haine, l'amour, la détresse…
Les hommes coupables sont sur le point de revenir dans la colonie, il faut faire vite, décider, enfin, pour sceller son destin : partir ? rester et se battre ? Que faire des enfants ? Que vont devenir les hommes ?
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