Des idées de lecture pour ce début d'année !
En acceptant de raconter l’histoire de son ancêtre (Louis Tassin de Montaigu) hussard de la Grande Guerre, pour faire plaisir à son propre père (Emmanuel Tassin de Montaigu) – un vieil homme pratiquement aveugle, dont le coeur est arrivé au bout du chemin – l’auteur ne savait pas très bien où il allait … Et quand son père lui « confie » (attention, il ne la lui donne pas !) la chevalière reçue de son propre père (Hubert Tassin de Montaigu) il va se trouver soudainement embarqué dans toutes sortes de souvenirs (plus ou moins agréables …) Qui – finalement – donneront naissance à une « (auto)biographie », historique et on ne peut plus actuelle …
Un père qu’il aime et qui l’agace à la fois. Un père absent, volage, hâbleur, sans le sou, qui fut parfois un peu cruel avec ses femmes, mais très fier de ses origines aristocratiques. Très fier également des faits d’armes de son aïeul. Un père affaibli, pensionnaire dans un petit appartement médicalisé (l’auteur et son frère Alexis n’ont pas eu le courage de l’envoyer finir sa vie dans un sinistre Ehpad de la région) Et qui – contre toute attente – rencontrera Nancy (à l’hiver de son existence) qui veillera sur lui jusqu’au dernier jour …
Thibault Tassin de Montaigu exprime avec pudeur son amour pour les siens. Fils ainé d’une grande fratrie, issue de plusieurs mariages (Alexis, Augustin, Lene) mais aussi de ses deux jeunes enfants, Paloma et Tadzio (sa femme Sofia est d’origine argentine …) L’auteur aborde tout ce a qui fait de lui cet être un peu mélancolique et fragile, attaché comme son père à ses racines, désireux de ne pas vivre dans la « médiocrité » … C’est touchant, curieusement ambigu … Un récit qui se lit comme un roman, sans déplaisir – mais sans gros coup de coeur non plus – en ce qui me concerne.
Alors qu’il est âgé et malade, Emmanuel de Montaigu demande à son fils Thibault, qui est romancier, d’écrire sur les hauts faits d’armes de cet aïeul, Louis de Montaigu, mort au début de la guerre de 14-18.
« Il aurait lancé une charge héroïque contre l’artillerie allemande pour sauver un bataillon d’infanterie pris au piège. Tu te rends compte : une charge à cheval, sabre au clair, contre des mitraillettes et des canons. Il faut en avoir quand même ! »
Tout d’abord réticent, le narrateur (et auteur) va, peu à peu, dévider le fil de cet écheveau familial plutôt emmêlé et complexe. Que se cache-t-il derrière cette charge héroïque ? Acte de bravoure ou suicide ?
Emmanuel, petit fils de Louis, ce hussard qui portait le dolmen à brandebourgs, se projette dans cette vie pleine d’éclat. La sienne, certes, n’a pas manqué de panache. Après avoir collectionné les conquêtes féminines, accumulé les projets industriels, entrepris de nombreux voyage, il n’est plus qu’un vieil homme ruiné, aveugle et souffrant d’insuffisance cardiaque. Il ne peut même plus payer le loyer de son studio minuscule et dépend de ses fils.
Alors, cette biographie d’un aïeul dont on ne connait pas grand-chose, est-ce un moyen dérisoire, le dernier, pour retrouver un semblant de gloire et redorer le blason bien terne de la famille ?
« Je reconnaissais dans ses yeux aveugles le mal qui l’avait rongé toute sa vie, cette fièvre de grandeur, cette maladie d’orgueil, ce désir démentiel de s’élever au-dessus du commun des mortels. »
Au cours de sa recherche sur Louis le hussard, l’auteur, tout en continuant à s’occuper de son père de plus en plus affaibli, va faire le parallèle entre les deux hommes, tous deux dévorés d’orgueil et en proie à de grosses difficultés financières.
Une façon aussi pour le fils de prolonger la vie de ce père qu’il ne peut arriver à détester malgré l’inconséquence, les frasques et les mensonges de toute une vie. Il revient sur son enfance et sa jeunesse, tente de comprendre ce père feu follet qu’il ne peut s’empêcher d’admirer.
Et lui, aîné de la fratrie, de quoi a-t-il hérité de ce géniteur insaisissable ?
« A sa mort, je ne garderai rien de lui. Sauf ce livre où en me penchant peut-être j’entendrai son cœur battre encore un peu… »
Sous couvert d’histoire familiale, « Cœur » est une biographie sincère et pudique. A travers le récit de l’acte héroïque de son aïeul, on découvre l’amour d’un fils pour son père malgré tous les désastres de sa vie et c’est émouvant.
D’un intérêt indéniable sur le plan littéraire, ce texte n’a rien d’un roman. C’est une autobiographie familiale, un déroulé d’une filiation avec ses accidents et ses secrets, dont la révélation apporte un éclairage nouveau sur des comportement parfois étranges .
Le narrateur, c’est à dire Thibault de Montaigu, vient en aide à son père, usé par l’âge et tente d’adoucir la rudesse des maux de la vieillesse. Si le corps l’abandonne, la réflexion et les souvenirs sont intacts. Une obsession pour cet homme qui multiplia les conquêtes et eut mille projets, comprendre ce qui s’est passé sur le champ de bataille où son grand-père trouva la mort, alors qu’il lançait une offensive à cheval pendant la guerre de 14-18.
Thibault se lance donc dans un enquête complexe, tant les témoignages sont rares et parfois contradictoires.
Nul besoin de romancer un tel récit, les personnes réelles qui font l’histoire sont suffisamment originaux pour alimenter une saga familiale étonnante.
Le talent d’écrivain de l’auteur fait le reste. Un texte très apprécié, donc, avec cette réserve qu’il ne s’agit pas d’un roman.
336 pages Albin Michel 21 août 2024
Alors qu’après une vie de flambe et de séduction menée grand train, de femme en femme et de châteaux en Espagne en concrétisations miteuses, le père de l’auteur désormais très diminué termine ses jours dans la dèche et aux crochets de son fils, il lui demande de consacrer son prochain livre à leur aïeul Louis – leur grand-père et arrière-grand-père –, capitaine de hussards tué en 1914 dans une charge suicidaire, aussi vaine qu’héroïque, cheval et sabre contre batterie d’artillerie.
Très réticent à s’engager dans ce projet d’écriture, mais malgré tout soucieux de cette dernière chance de complaire à ce père autrefois si peu présent que les moindres signes de son affection lui sont inestimables, le fils finit par se lancer sur les traces du héros familial et de sa gloire couronnée à titre posthume de la croix de guerre. Alternant entre, d’un côté, le parcours de l’aïeul et bientôt d’autres ancêtres tout aussi incroyablement flamboyants – tel ce Montaigu qui, ayant refusé de fuir la Terreur, est monté à l’échafaud, comme s’il ne s’agissait là que d’un intermède inconséquent, en cornant la page du livre qu’il était en train de lire – et, de l’autre, la description sans fard de la décrépitude de l’âge et de la maladie, même si obstinément cramponnée à ses restes de panache – aveugle, grabataire et littéralement à bout de souffle, l’incorrigible joue encore les Don Juan –, la narration devient en définitive le prétexte extraordinaire d’un rapprochement entre les deux hommes, le père et le fils.
A mesure que la découverte des constantes de l’histoire familiale suggère de plus en plus nettement des circonstances atténuantes aux défaillances paternelles, le fils réalise qu’en lui proposant de s’intéresser à leur aïeul, c’est en vérité une perche que lui a pudiquement tendue son père, manière sans le dire de lui demander pardon et de lui témoigner son attachement. Ainsi se produit l’inattendu : plus se creusent les ombres et plus pèse dans le récit la conscience des tares et des héritages familiaux, plus l’auteur et son père prennent la mesure de leur amour, d’autant plus beau et précieux que fragile et malmené. Sous la gangue des frustrations, des regrets et des ressentiments cimentés par les silences, le coeur palpite toujours et il n’était que temps de s’en apercevoir.
Un livre profondément juste et touchant, dont la trame autobiographique n’empêchera pas chacun d’y trouver un écho universel et personnel : au-delà des pudeurs, des non-dits et des incompréhensions, il est une quête qu’il faut mener avant qu’il ne soit trop tard, celle des enfants vers leurs parents et vice versa.
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