Rentrée littéraire 2017, merci à Nath Bertrand de nous faire découvrir ce roman paru le 3 janvier 2017 éditions de Minuit
Rentrée littéraire 2017, merci à Nath Bertrand de nous faire découvrir ce roman paru le 3 janvier 2017 éditions de Minuit
Tanguy Viel transpose à la littérature des tableaux de la Bible et des Évangiles en animant la légende de réalité humaine et historique.
Teinté d’humour, ces courts chapitres retracent la vie de Jésus sans déroger à ce que l’Histoire nous en a livré.
Ainsi dans le premier chapitre, ‘l’Annonce’, Marie se demande bien pourquoi c’est sur elle qu’est tombé l’ange Gabriel pour lui annoncer que toujours vierge, elle avait été choisie pour porter cet enfant et forcément elle s’est inquiétée d’annoncer ça à son fiancé Joseph chez qui elle devait bientôt emménager. Joseph forcément, lui, il n’a pas dû sauter de joie et dut en être fort indigné pensant qu’elle aurait pu trouver autre mensonge jusqu’à ce qu’un ange vint lui expliquer la situation et que si elle était enceinte, c’était bien par l’opération du Saint-Esprit.
« Ainsi commence cette histoire, dans le secret et l’abnégation d’un père, car dans tout ça il est fait peu cas de l’orgueil de Joseph, de son silence et de sa compassion masculine, le long de ce printemps où la rumeur allait bon train dans les rues du village, à mesure que son ventre à elle s’arrondissait sous sa tunique sombre. »
Le chapitre 2, ‘La naissance’ nous rappelle l’étendue du grand Empire romain et la soudaine décision de César d’opérer à un recensement.
C’est ainsi que Joseph, sujet de Rome, devait se rendre dans sa ville natale pour signer les registres. Joseph, fils de Jacob, lui-même fils d’une très longue lignée, partit à Bethléem, en Judée, sous la juridiction de Quirinus, proconsul de Syrie, accompagné de Marie.
Les chapitres suivant sont tous alimentés d’Histoire et rendent une forme de domestication au Christ, cet homme-là, et aux personnages l’entourant à cette époque.
L’auteur avec son don d’écriture remarquable va adhérer à l’histoire des Écrits Saints tout en y versant des faits de société qui eurent lieu en… En… Et bien on n’en est pas sur …Pour le peuple, on est en l’an 747 de la fondation de Rome mais à cause d’elle, Marie, tout ça va vite changer.
De l’Annonce’ au ‘Tombeau’, ce sont 83 pages d’écriture finement ciselée et délicieuse à lire.
Avec Vivarium, Tanguy Viel se démarque de ses histoires romanesques, structurées, prenantes, etc. pour privilégier une déambulation fragmentée sur l’écriture, la poésie, des souvenirs, réflexions, lieux, …, et d’une façon générale la pensée, le mot juste ... Ce n’est pas vraiment un essai ‘avec ses thèses et développements ; c’est une somme de fragments … de pensées et réflexions ; mais soutenues par de nombreuses lectures, auteurs et citations.
Il faut se laisser emporter et accepter de tirer les fils que propose TG, qui s’accompagne de quelques auteurs pour étayer, renforcer ses propos (ou qui sont à l’origine de sa pensée).
Ainsi, il relève le peu de moyen pour écrire (du papier et un crayon) qui peut se matérialiser n’importe où, avec l’écrivain comme son propre lecteur. Mais il identifie immédiatement la limite de cette autarcie et autonomie et cite … Paul Valéry (encore et toujours) : « Il m’a semblé, (note Valéry) que l'on n'écrit jamais que pour quelqu'un, et que l'on écrit avec art que pour plus d'un. Tant que quelqu'un nous importe encore, notre détresse est maniable encore ; elle nous peut servir encore. … Si je ressens que tout est vain, cette même pensée m'interdit de l'écrire. » (Citation reprise de « Variation sur une pensée »).
Et TV poursuit : « Cette phrase m'apparaît désormais comme un théorème. Il est toujours difficile de démontrer un théorème. Mais celui-là, non, car il suffit de l'éprouver. Or cela arrive : que l'autre s'absente et que se perde alors la nécessité de poursuivre. Il arrive que manque l'ami. En littérature, le destinataire est toujours un ami. Le manque d'adresse, le manque d'ami, c'est l'enfer autophage de la vie non écrite. » p 29
On est bien comme ami de Tanguy Viel !
Le nouveau livre de Tanguy Viel est un recueil méditatif et incarné. L’auteur y est narrateur et personnage, « regardeur » et sujet. On pourrait voir ce livre comme un recueil d’expériences – sensations et réflexions – pour capter le présent, celui d’un auteur, d’un lecteur et d’un observateur. Les morceaux de vie et d’écriture se croisent, s’entrechoquent. Tanguy Viel y parle de ce qui l’intéresse : des paysages, des villes, de la Loire, des livres lues. Ce livre est une quête, intime et sincère, pour trouver le mot juste, la phrase idéale, celle qui permet de transmettre l’expérience vécue, ce que le corps a traversé et ce qui en est resté.
J’ai lu ce livre comme un livre de voyage. Tanguy Viel nous embarque dans ses pensées et les endroits qui ont retenu son attention. C’est donc un voyage intérieur dans l’univers et la recherche d’un auteur, celle de capter le réel et le présent. Derrière Vivarium, ce titre qui définit une espace et un lieu d’observation, Tanguy Viel parle des territoires mais également de temps. Son livre n’a pas la chronologie d’un journal intime. On perçoit ici et là des bribes de son quotidien via les villes où il est passé. Mais le fil conducteur reste son admiration et son désir pour la beauté mystérieuse de la littérature. Cet art permet de saisir et de transmettre la réalité affective.
Peu importe les faits et les personnages, compte uniquement le pouvoir évocateur des mots et le monde contenu dans les interstices des phrases, dans leur rythme. Comment trouver le mot juste ? Par des citations sur cet art ou des extraits de livres marquants, Tanguy Viel partage ses réflexions sur le travail du langage.
En anglais ou en breton, il existe des mots qui n’ont pas de traduction parfaite en français. Choisir une formule revient à donner son point de vue et partager sa manière de voir le monde. On sent ainsi régulièrement la présence d’un auteur, d’un homme qui veut nous transmettre ses sensations et surtout sa sensibilité au monde. Le livre, en proposant un parcours aux multiples chemins, installe un jeu d’échos entre certains paragraphes. Peu à peu, le livre trouve son sens, sa cohérence et son rythme, passant du territoire à l’intime, d’un sujet observé aux secrets de l’écriture. Vivarium est un livre sur écrire et la possibilité de voir le monde par les mots.
Parce qu’au cours d’une partie de pêche au large de Brest, il a jeté et abandonné un homme à la mer, le narrateur Martial Kermeur a été déféré devant un juge. Il est auditionné, mais, dans le huis clos qui le place face à lui-même autant qu’au magistrat, sa confession se mue en implacable réquisitoire, et, sous les traits du meurtrier, se profile bientôt la victime d’une insupportable machination. L’on ne devient pas assassin du jour au lendemain. Victimes ou coupables, tout est parfois question de point de vue...
Son quasi monologue s’ouvre sur l’horizon modeste d’un ouvrier de l’arsenal de Brest, horizon encore raccourci par quelques vents contraires : opportunité manquée, divorce, chômage, et voilà notre homme seul avec son fils de onze ans et une prime de licenciement, de quoi investir dans un bateau de pêche et enfiler le ciré jaune, seule reconversion plausible dans cette région sans avenir économique. C’est dans cette grisaille que surgit une perspective inespérée, en la très avenante personne d’Antoine Lazenec, un promoteur immobilier vendeur de rêve et de standing, plein de projets dynamisants que plus personne ici n’aurait osé imaginer. Séduit comme beaucoup d’autres par la promesse d’un « Saint-Tropez du Finistère », Kermeur lui confie tout son argent. Le temps passe, mais aucun complexe immobilier ni touristique ne sort de cette terre fatiguée, usée jusqu’à la moelle par les vents et les flots.
Comme souvent les victimes de grosses arnaques, si bien prises à leurs espérances qu’elles préfèrent s’enfermer dans le déni malgré les évidences, les pigeons vont se laisser leurrer des années durant. Jusqu’à ce que les drames s’enchaînent, dans une cascade n’épargnant que l’escroc, plus que jamais plastronnant et occupé de son grand train, sans remords ni conscience dans son aplomb inoxydable et dans son intouchable toute-puissance. Enfin revenu de sa crédulité, dépouillé, trahi et humilié, mais surtout blessé au travers de son fils, victime collatérale, et désespérant d’une quelconque « justice naturelle qui ne tombera peut-être jamais », Kermeur décide, dans sa colère, d’entrer en révolution pour inverser, ne serait-ce qu’une fois, le sempiternel cours de l’histoire qui veut qu’une poignée de puissants menteurs et corrompus impose ses dés pipés à une majorité d’éternels perdants.
Se dévidant en longues phrases qui reflètent à merveille les efforts d’ordonnancement de la pensée, entre incrédulité, lassitude et sentiment de délivrance, d’un homme droit, mené au meurtre par les circonstances, le texte est d’une virtuosité confondante, chaque tournure renversante de justesse, d’originalité et de vraie beauté. Et c’est l’âme troublée, qu’à la fois dans la tête du prévenu et dans la peau de son juge, on l’observe tenter de tracer « la ligne droite des faits », en réalité « la somme des omissions et renoncements et choses inaccomplies » et « comme l’enchaînement de mauvaises réponses à un grand questionnaire » qui ont fait déraillé sa vie. A moins que le dénouement ne réserve quelque surprise… Coup de coeur.
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