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« Cent jours autour du monde, en 2018, cela relève presque de l'ordinaire (...) ; chacun ressent qu'on tourne autour de la terre comme aussi bien on prendrait une ligne de tram d'un bout à l'autre, en regardant le ciel défiler au-dessus des nuages. À ceci près que nous, Christian et moi, nous ne prenons pas l'avion. C'est même la seule règle établie, celle qui justifie qu'on mette tout ce temps pour seulement faire une boucle : en cargo, en train, en voiture, à cheval s'il le faut, mais pas en avion - quelque chose comme le voyage de Philéas Fogg en un peu plus long, volontairement plus long même, à l'opposé du pari qu'il fit quant à lui de la vitesse et de la performance. Et non pas parce qu'on se soutiendrait de l'idée absolument inverse d'une lenteur sans limites, mais enfin, il est vrai, en bons romantiques attardés, qu'à la performance on opposera volontiers la promenade, à la vitesse la flânerie, enfin, en bons bouddhistes zen, à l'oeuvre accomplie le trajet qui y mène. » L'un, Christian Garcin, est un grand voyageur, dont l'oeuvre se nourrit de ses pérégrinations ; l'autre, Tanguy Viel, un sédentaire qui croyait avoir signé la pétition de Beckett, « on est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir ». Ensemble, ils se sont lancé un défi : parcourir le monde, de l'Amérique à la Sibérie en passant par le Japon et la Chine, sans jamais prendre l'avion. Récit né de ce périple, enrichi d'inventaires facétieux et de « lettres à un ami » relatant des rencontres insolites, Travelling est surtout une méditation littéraire inoubliable sur le voyage, sur notre rapport à l'espace et au temps, sur la confrontation entre le réel et ce qu'on imagine.
Enchantement d’un récit de voyage écrit à quatre mains, absolument délicieux ! Original, érudit, captivant et attrayant.
En 2018 à l’époque du championnat du monde de football, Christian Garcin, écrivain voyageur de renom convainc Tanguy Viel, (Paris Brest ; Article 353 du code pénal, etc.), écrivain plutôt sédentaire, à le sortir de sa zone de confort pour faire un tour du monde ensemble au ras du globe, soit sans prendre l’avion.
Il ne s’agit pas d’une économie de Co2 car véhicules routiers et porte-containers restent de gros pollueurs, (7500 tonnes de fuel pour acheminer une moyenne de 10620 containers plein de Smartphones, de marchandises de grande consommation en tous genres) mais d’une formidable expérience dans l’espace-temps que les deux romanciers vont superbement bien traduire à l’aide de leurs plumes talentueuses.
Dans leur rapport au voyage, l’un sera plus attaché à l’écriture, la lecture, aux références littéraires et cinématographiques dans la découverte des pays quand l’autre saura nous parler d’une géographie, de l’Histoire mondiale, de traditions, et du goût du voyage à proprement dit.
« Nous avons voyagé en cargo, en train, en voiture, en bus, mais pas en avion. (…) d’est en ouest en partant de Marseille, traversant l’Atlantique puis les Etats-Unis, le pacifique et le Japon, la Chine et la Russie puis l’Europe jusqu’à Paris. (…) Ce voyage ne fut pas non plus celui de deux aventuriers. Il fut effectué dans des conditions très confortables (…) par quoi l’on peut réserver depuis chez soi une voiture à Chicago et une maison d’hôte en Sibérie, qu’une agence de voyage s’occupe de vos billets de cargo et une autre prendre vos visas. »
« … prix du voyage en cargo, à savoir : environ 120 euros par 24 heures, soit 1700 euros pour la traversée du Pacifique, logés nourris, s’entend, et même blanchis par la compagnie marseillaise qui possède le navire, la déjà nommée CMA-CGM— ce qui n’empêche pas le bateau d’appartenir à quelque société immatriculée dans une discrète île du Pacifique, ni de naviguer sous pavillon maltais, ni d’avoir à sa tête un capitaine bulgare. »
« (…) j’ai écrit des livres autour de mes voyages, mais je ne suis pas ce qu’on appelle un « écrivain voyageur ». Je n’ai rien contre ceux que l’on désigne sous ce terme, mais il me semble qu’il s’agit d’écrivains qui pour l’essentiel n’écriraient pas, ou n’auraient pas écrit, s’ils n’avaient pas voyagé. Ce qui n’est pas mon cas : mes livres sont nombreux qui n’entretiennent aucune espèce de relation avec le déplacement géographique. Je suis encore moins un « écrivain baroudeur » (forme supérieure de l’écrivain-voyageur) qui étalerait ici et là les rudes et viriles galères de ses expériences extrêmes. Mais je ne suis pas non plus un non-voyageur absolu, voire militant, une sorte de citadin (ou rural) sédentaire et fier de l’être qui sourit d’un air entendu à la fameuse phrase de Beckett : ‘On est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir.’ — au demeurant ce n’est pas Beckett qui a dit cela mais un de ses personnages dans Mercier et Camier, ce qui n’est pas exactement la même chose (sans compter que tout ce que dit Beckett n’est pas non plus parole d’Evangile.
Et puis après tout, pourquoi ne voyagerait-on pas pour le plaisir. Stevenson ne disait pas autre chose : ‘Je voyage pour le plaisir de voyager.’ »
« Traverser les neuf mille kilomètres qui séparent Pékin de Moscou en transsibérien, les sept mille de l’Atlantique et les neuf mille du Pacifique en bateau, voilà de quoi éprouver physiquement, intimement, l’étendue de ces vastitudes. (…) La grande affaire de ce voyage, notamment et surtout pendant le tiers consacré aux traversées transsibériennes et transocéaniques, sera double : l’espace qui nous pénétrera et que nous mesurerons du dedans, en arpenteurs amateurs, et le temps annihilé dans lequel nous nous engluerons, l’un s’éprouvant de manière accumulative, quand l’autre lentement se diluera dans le rituel des lectures, d’écriture, de repas, de siestes, de films du soir et de contemplation parfois béate du dehors (…) Déjà nous ne savons même plus quel jour nous sommes.
Ce matin l’océan s’est un peu calmé. Nous sommes enveloppés d’une ouate de coton grisâtre. »
« Ce soir dans le bus Cracovie-Paris, tandis que depuis plus de trois mois nous filons plein ouest, encore et toujours plein ouest, embrassant d’un regard mental la rotondité de la terre, la boucle en train de se boucler, toujours courant à faible allure, dans la certitude de son inaccessibilité, derrière ce soleil qui cent fois aura devant nous plongé dans les mers, les océans, derrière les montagnes, les lacs et les forêts, et cent fois sera réapparu dans notre dos, pour nous dépasser et nous entrainer à sa suite— ce soir, dans le bus Cracovie-Paris, pour peu qu’on ferme les yeux, quelques images finissent par ressurgir : la nageoire caudale d’une baleine qui s’enfonce dans les eaux atlantiques ; la terrasse chez Tom et Valérie qui ouvre sur Jersey City, Hoboken, le sud de Manhattan et l’embouchure de l’Hudson River ; nous deux à vélo dans Madison Avenue ; les canyons du Colorado avec Warren et Marie ; les roches spectaculaires de Monument Valley ; une scène du Sunchaser de Cimino vue sur un téléphone, ; une bière au soleil couchant sur le pont du Tigris, quelque part sur le pacifique ; l’arrivée à l’aube dans la baie de Yokohama aux collines ourlées de brume ; les dîners préparés à Tokyo par Akira et Michèle ; un cimetière perdu dans les Alpes japonaises ; le dur musée d’Hiroshima ; l’île fantôme de Gunkenshima ; les platanes de Shangaï, une vendeuse de souvenirs au point le plus haut de la Grande Muraille ; les fleuves, les lacs, les forêts, les belles immensités russes après la frontière chinoise ; la lumière sur les crêtes des vagues du Baïkal à Oust-Bargouzine ; le bateau sur le lac, l’eau que nous y avons bue et l’œil noir des nerpas ; les isbas enfoncées dans les rues d’Irkoutsk ; les bouleaux blanchâtres du transsibérien ; les escaliers et les collines de Nijni-Novgorod ; un arc-en-ciel sur la Volga et des familles en goguette ; les fresques du monastère Makarievski ; les soirées avec Christel et Natacha à Moscou, les églises de Cracovie, les barbelés d’Auschwitz ; le bus nommé Sinbad. (…) toute cette horizontalité qu’il nous fut donné d’éprouver, cette démocratie désormais des heures et des souvenirs, ne fut aussi rendue possible que par le mouvement continu et comme flottant, sur terre et sur mer, qui semble nous avoir porté cent jours durant, en cette sorte d’arpentage contemplatif, sans lieu ni frontière véritable, et qui a fini par nous rendre cette partie de la Terre presque familière. »
Le soleil, les nuits, les heures, le vent, la nourriture, les gens, les oiseaux, les baleines et dauphins, les cabines, les hébergements, les repas, les livres, le Haïku, Conrad et Proust, les immeubles, les villages, les champs, les forêts, les montagnes et collines, les déserts, les rivières, les fleuves, les lacs, les océans, les grandes villes, les autoroutes et les sentiers, les trains, les bus et porte-containers, les gares, les ports et leurs grues, l’agenda des matchs de foot vus sur écran dans des bistros accompagné de leur journal de bord, la liste de leurs proverbes et les circonstances dans lesquelles ils ont été cités, l’énumération des animaux rencontrés, mainates, hirondelles et pétrels, les photos souvenirs, leur regard sur leurs vies d’écrivains, leur ressenti du quotidien et du voyage, une note de fin nous invitant à garder en mémoire les erreurs du passé pour préserver la bonne entente humaine puisque nous habitons tous une même planète et sommes donc voisins les uns des autres, bon sang, je n’avais pas envie de voir ces deux-là rentrer au bercail de sitôt.
Les lire a été un pur régal. En ce qui me concerne, c’est un des meilleurs crus 2019.
Pour ceux qui me suivent, ils savent mon goût pour les récits de voyage mais à "photosynthèse", le dernier mot du livre, j’avais une envie grandissante de fermer les volets et les compteurs eau et EDF, faire un sac et me barrer!
« Travelling »..non ce n'est pas un livre sur le cinéma, ni un opuscule français-anglais, mais une superbe invitation au voyage, à UN voyage sortant de l'ordinaire !
Tout à voir et rien à voir avec « le tour du monde en quatre vingts jours » de Jules Verne.
La base de départ est la même : faire le tour de la terre, mais si Jules Verne souhaitait démontrer en son temps qu'il était possible de le faire en quatre vingts jours, record de vitesse à la clé, les deux auteurs du XXI eme siècle veulent prouver qu'ils peuvent y parvenir sans jamais emprunter le moyen de transport le plus utilisé de nos jours : l'avion !
Et donc ils montent à bord de porte conteneurs, pirogues, train, voitures et autres pour traverser les continents et réfléchir à leur vie, la notre et celle de la planète !
Les journées sont longues sur un transatlantique ou un transpacifique, les rencontres intéressantes et même passionnantes, la lecture omniprésente et l'écriture permanente.
Le temps pour nous aussi de découvrir à travers les yeux des auteurs les pays que nous avons vus, visités ou juste imaginés, au ras du sol, au plus près de la terre et de ses habitants
L’énumération des peuples indiens d’Amérique est troublante, leur disparition évidente et notre responsabilité, même si nous ne sommes pas américains, totale !
Je ne citerai pas tous les pays ni tous les moyens de transports mais prenez le temps de lire ce roman, qui n'en est pas tout à fait un, écrit à 4 mains, un chapitre chacun, et pensez, pensez à votre pays, à notre terre, prenez le train parfois au lieu de l'avion et le car au lieu du volant .. pour profiter au maximum des beautés terrestres et de la multiplicité de ses habitants.
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