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Je suis un peu partagé sur ce livre qui est une chronique drôle et enlevée sur des années encore insouciantes. Le chômage n'existait pas, les consommateurs consommaient, la croissance croissait et les étudiants étudiaient encore pour quelques semaines avant leur révolte. A l'usine de Flins, les travailleurs travaillent, mais certains moins que d'autres ; les trafics décrits par Richard Gangloff sont divers et très variés. Totalement incroyables et inimaginable de nos jours. Mais ces deux époques séparées de 45 ans ne sont comparables. La Régie embauchait et les parents voyaient d'un bon oeil y entrer leurs enfants : "Le père, il connaît tous les avantages de la Régie, "Quand t'es dedans, tu y restes, et si t'es pas con, tu en vis bien", et c'est vrai, beaucoup viennent de loin pour en profiter. Pour travailler à la Régie, tous les jours ils font la route en car ou en bagnole. Les salaires sont bons, mieux qu'ailleurs c'est sûr. En plus, si tu veux progresser, tu peux, tu suis les formations internes, tu gagnes tes "chèques Tintin" comme ils disent entre eux et tu grimpes, c'est simple et toujours gagnant." (p.17). Quand je vous disais que l'époque avait changé !
Les personnages de R. Gangloff sont pittoresques, ont de fortes personnalités, sont attachants et ne se prennent pas trop au sérieux. L'ensemble du bouquin est à l'avenant, ce qui est une bonne nouvelle en ces temps moroses. Quand j'écris plus haut que je suis partagé, c'est que passés ces bons moments, il y en a de plus longs, moins intéressants qui me font me poser la question de l'utilité d'un tel livre. Je passe vite certains paragraphes sans que cela ne nuise ni à ma bonne compréhension de l'histoire (ou alors, je suis doté de très grandes qualités et je comprends tout très vite ; c'est d'ailleurs sûrement cela, suis-je bête ? Ben, non, je le suis pas, je viens de dire le contraire !)
Malgré mes doutes, je reste sur l'impression d'un livre plaisant qui fait passer de bons moments. Richard Gangloff se perd parfois dans des considérations oiseuses, mais dans ses pages, se cachent des passages formidables, de vrais petits bijoux (choux, cailloux, hiboux, ... désolé, c'est l'habitude, je suis en plein dedans avec un des enfants qui me récite quotidiennement le pluriel des mots en "ou" en ce moment), comme par exemple ce portrait :
"Le tonton Claude, friqué et puant, se pointe avec dix ans de plus, dix ans qui comptent double, parce que Rungis ça fatigue. Surtout quand, à la caisse, t'as ta moitié qui compte double aussi et qui te maintient au boulot pour que tu crèves avec ton commerce en gros et en or. Sans héritier, parce que les enfants, quand on tient un commerce, c'est pas bon et ça détend le ventre... C'est vrai qu'il est bien tendu le ventre de la bourgeoise, elle est tellement gonflée du bas que t'as l'impression qu'elle a gardé sa caisse sous sa robe. [...] Avec la tête qu'il a, Claude, c'est pour dans peu son buffet froid, on va bientôt se retrouver derrière lui dans une allée bordée de granits calibrés." (p.155) Là, j'abrège, parce qu'il y a deux excellentes pages sur le tonton Claude et sa bourgeoise.
Rien que pour ces pages et d'autres qui valent le détour, je suis heureux (mais pas à Flins) d'avoir lu ce roman qui, pour un premier est prometteur.
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