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https://evabouquine.wordpress.com/2017/01/09/pierre-feillet-quel-futur-pour-notre-alimentation/
Le livre de Pierre Feillet fait partie d’une série de livres de la collection « Enjeux sciences » proposée par les Editions Quae. De format poche, assez court (160 pages), dense, elle se propose de « mettre à la portée de tout citoyen curieux les nouveaux enjeux de la science ». On y retrouvera des thématiques comme la chimie verte, la biomasse, les plantes génétiquement modifiées…
L’auteur s’intéresse tout d’abord aux grandes évolutions auxquelles la planète fait face : la hausse de la population, l’explosion des classes moyennes, le réchauffement climatique, l’impact négatif des pratiques agricoles sur l’environnement, et la limitation des ressources. Si ces thèmes sont souvent évoqués et sont maîtrisés par quiconque s’intéresse à ces questions, j’ai trouvé qu’en peu de pages, le décor était très bien planté. Par exemple, en évoquant la croissance démographique qui touchera la Chine et l’Asie, il précise :
"Pour ces deux seuls continents, le nombre de nouveaux humains sera donc égal à la population vivant sur la Terre en 1950.(…) Dans de nombreux pays africains, un kilomètre carré de terres agricoles devra nourrir entre 400 et 800 habitants, deux à quatre fois plus qu’en France en 2012."
Pierre Feillet revient ensuite sur les pratiques agricoles actuelles. Il met de côté assez rapidement l’agriculture biologique : selon lui, elle ne couvre que 0,9% de la surface agricole actuelle, surtout en Europe, et n’est pas en mesure de répondre aux défis de production qui se posent. L’agriculture intensive est victime de son empreinte environnementale trop importante, malgré d’indiscutables succès :
"En 2000, sous le double effet de l’accroissement des rendements et de l’utilisation de moissonneuses batteuses, il peut suffire de 80 secondes à un agriculteur pour récolter un quintal de blé (il fallait 5 heures en 1950). (…) Une autre manière de percevoir ces gains de productivité est de noter qu’un ouvrier devait travailler une à deux heures au cours du XIXe siècle pour acheter un kilo de blé, 8 minutes en 1960 et seulement une minute en 2005 !"
Il plaide pour une agriculture durablement intensive, qui pourra s’appuyer entre autres sur des outils comme l’agriculture de précision (permettant de réduire les doses de produits phytosanitaires et d’engrais apportés) et les OGM. Sur ce dernier point, il s’agirait d’OGM dotés de résistances nouvelles ou encore d’innovations comme celle qui permettrait aux céréales de fixer l’azote de l’air à l’image des légumineuses, résolvant ainsi le problème des engrais azotés émetteurs de gaz à effet de serre. Il préconise de plus de diminuer les pertes après récolte (incluant le gaspillage) et de maîtriser la spéculation sur l’alimentation.
Les parties dédiées aux voies « futuristes » de l’alimentation sont également très intéressantes. Le recours aux imprimantes 3D, l’alimentation par gélules (à raison de 6 calories / pilule, il faudrait en prendre 350 par jour, ce qui nécessiterait 40 minutes au minimum !), les steaks artificiels ne semble pas être des voies d’avenir. Par contre, la fabrication de protéines à partir de levures ou encore la culture d’algues (comme la spiruline) qui permettrait d’alimenter les piscicultures au lieu des farines de poissons semblent être prometteuses. « La consommation directe d’insectes et de larves, en remplacement de produits carnés, paraît sans avenir » ; leur utilisation est davantage à envisager en tant que farines pour animaux mais tout reste à faire pour les produire à grande échelle.
Dans la dernière partie, Pierre Feillet tente de répondre à la question « Mangerons-nous autrement ? ». Il y est question d’aspects très prospectifs comme la possibilité de faire la carte microbienne d’un individu et d’apporter le probiotique adapté, des nouveaux emballages anti-microbiens, ou encore du débat sur l’empreinte environnemental de l’alimentation. On pense bien sûr à la viande ; à cette occasion, on s’aperçoit que le bilan gaz à effet de serre est tout autre si on le ramène au poids brut, à la calorie produite ou encore au gramme de protéine. Cela élargit le débat !
En résumé, c’est un livre très riche qui permet de bien mesurer les enjeux qui nous attendent, d’entrevoir les solutions nouvelles qui peuvent y répondre. L’auteur y présente à mon sens une version équilibrée et large de la thématique, avec une nécessité revendiquée du recours aux technologies et à l’innovation, au service d’un objectif pour l’humanité : une eau et une nourriture en quantité suffisante et sans danger.
Quelques réflexions pêle-mêle me sont venues à la lecture du livre, je vous les fais partager – n’hésitez pas à réagir :
•Comment garantir une juste part de la valeur ajoutée pour l’agriculteur dans une chaîne complexifiée, rallongée, et destinée à nourrir une population toujours plus urbaine ?
•Les nouvelles technologies utilisées (comme les emballages anti-microbiens ou les nanotechnologies) sont-elles toutes durables ? Avons-nous les ressources en minéraux pour faire face à ces besoins d’utilisation ? Je vous conseille à ce titre le livre d’Ugo Bardi, Le grand pillage, pour le compte du Club de Rome, qui traite de ce sujet.
•Des céréales OGM capables d’exploiter l’azote de l’air ? Voilà une idée très séduisante, mais ne devrions-nous pas nous demander ce que deviennent les stocks d’azote (mais surtout de phosphore) que nous avons introduits dans les écosystèmes depuis plusieurs dizaines d’années ? Une approche plus circulaire (en premier lieu la récupération des déchets organiques) est également souhaitable.
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