"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un livre étonnant où le texte des chansons apparait clairement, dans leur sens ou leur non sens, la grammaire et l'orthographe aléatoires qui fait du bien à n'importe quel élève qui n'était pas premier de la classe.
Les commentaires courts mais sans fioriture de Nicola Sirkis, finalement seul survivant du 1er Indochine, et pivot de la pérennité de cet esprit encore aujourd'hui de ce groupe, éclairent le contexte, les références et la portée des textes qu'il veut être basé sur le sexe, la religion (ou a-religion) et le social (politico-social). Ce n'est pas ce qui nous marque forcément en tant qu'auditeurs d'Indochine : on serait plutôt sur une impression d'un univers onirique où les rêves et l'espoir sont possibles, la rébellion une vraie position, bref encore de cette énergie adolescente avec des mots et une réalité d'adulte.C'est tout ça mais ce sont aussi des chansons osées sans vulgarité, des chansons engagées, sans langue de bois, des chansons tristes sur la séparation, le doute, l'absence...
C'est au final un groupe mais surtout un homme mélancolique. C'est ce que je retiens de ce livre comme ce que je retenais de celui "Indochine" par Nicola Sirkis et Raphaëlle Dorangeon.
Agnès Michaux l'exprime aussi par ces mots " Aujourd'hui comme hier, la tristesse est poétique, l'amour fusionnel, le désir interdit, la provocation ludique, l'idéal mélancolique" (p. 256)
Il est quand même à noter que certains thèmes peuvent choquer si on ne se souvient pas qu'ils sont sublimés : le désir d'enfants ou de pré-ados de s'initier ensemble à l'amour, le désir d'un plus grand d'initier une jeune fille de 11 ans, le fantasme de pouvoir ressentir le désir et faire l'amour comme une fille, la violence physique pour provoquer le désir (très durassien), etc. Dans le fantasme et la sublimation, il y a l'idée mais pas de passage à l'acte (il n'est pas du tout envisagé puisque transformé par la sublimation).
L’écriture n’est pas transcendante. Les univers dépeints dans chacune des 13 nouvelles sont surprenants, parfois transgressifs, parfois drôles à l’image des « Nouvelles » de J.D. Salinger dont Nicola Sirkis est un admirateur. Les parents y sont désespérément absents ou défaillants et les hôtels sont essentiellement les lieux d’action. La référence incestuelle voire même incestueuse fait penser à l’œuvre de Duras que Nicola Sirkis apprécie beaucoup.
La sexualité
« La chambre n°9 » est constituée d’aléas entre flashback et présent. Elle aborde l’amour incestuel dans la fratrie et la solitude des enfants qui grandissent. « Peep-show » est pour moi une énigme entre onirisme et horreur des sexualités sous contrôle (proxénétisme). « Justine » est une sorte de croisement entre la Justine de Sade et la Lolita de Kubrick (pas de Nabokov), une pré-adolescente de 11 ans, paumée et abandonnée symboliquement, qui téléphone plusieurs fois à un homme qui la désire avec un discours entre appel au secours et provocation sexuelle pour faire comme maman. Sauf que cet homme est son père… « Psychdelic Furs » est assez triste et onirique, un peu comme « Thelma et Louise » où les trois protagonistes, difformes pour la société, complémentaires entre eux, vivent d’amour et d’eaux fraiche après avoir été exploités ou rejetés par la société. Seule la mort leur permet de continuer à être ensemble.
L’humour
« China Daily » est une petite épopée dans la ville de Pékin d’un homme dont la compagne l’a missionné pour aller lui trouver coûte que coûte des tampons hygiéniques. Cela pourrait sentir le vécu et, en tant que femme, c’est très drôle (beaucoup moins pour le protagoniste). Après « Ascenseur pour l’échafaud » de Louis Malle, voici « L’ascenseur sans retour » qui démarre par une acide vision de l’humanité avec les nationalités qui ne peuvent cohabiter dans un même hôtel, puis vrille sur le cauchemar d’un type bourré de tocs qui finit au sous-sol sans lumière alors qu’il devait devenir la nouvelle star littéraire en allant signer un contrat d’édition.
Politique et Psychiatrie
« Viêt-Nam Glam » est une dénonciation de la guerre et de la folie humaine, entre folie stratégique et folie psychiatrique et qui fait écho à la nouvelle de J. D. Salinger « Un jour rêver pour le poisson-banane » ou ‘Pour Esmé avec amour et abjection ». Sirkis avait déjàmis en scène cette nouvelle dans sa chanson "A l'est de Java". « Le Président Total Killer » est une dystopie d’un monde asservi par les médias avec un mix entre « 1984 » de George Orwell et le film « Docteur Folamour » où, pour l’argent, le président de la XXe République Française désintègre tous ses sujets lobotomisés par la tv pour vendre le spectacle de ce massacre aux télévisions étrangères. « Je n’embrasse pas » est d’une tristesse et d’un glauque absolu sur l’exploitation des rêves des migrants, d’une grande dignité, et de l’indifférence de leur mort après les avoir exploités.
Psychiatrie et désillusion
« Chet Baker » est un étrange dés-hommage à ce trompettiste de jazz américain dans une soirée bobo où tout le monde finit en transe par un pseudo gourou incestuel puis par sauter par la fenêtre pour finir en steak tartare sur le trottoir (sic) avec la chaine hi-fi et les CD de ce musicien. « Suicidal tendencies » est une référence direct à l’Attrape-cœurs de Salinger avec un incipit de ce dernier. Julien a décidé de se suicider de manière trash puisqu’il n’y a pas d’avenir pour la jeunesse. Finalement, passera-t-il à l’acte ou pas, mystère puisqu’il change à chaque fois son mode opératoire. « Touch Bang ! » est le récit d’un enfant qui ne voit pas où est le problème pour commettre une agression sexuelle sur une jeune femme, tout ça parce qu'il en a envie, qu’elle est belle et en jupe. Sauf que cet enfant est un adulte et qu’il ne relève pas de la vie sociale mais de la psychiatrie. Joli message à ceux qui pensent être des hommes et des femmes en agissant ainsi. La nouvelle du « Train » m’a fait penser au manga Galaxy Express 999, ce train qui va vers la mort, mais aussi au film « 6e sens ». La mort ressemble à la vie quand on ne l’accepte pas…
Des nouvelles diverses, pas toujours bien écrites, assez trash dans l'ensemble, avec une vision désillusionnée.
Sublime et intime, tout en pudeur cependant.
Construit par périodes par une fan à qui Nicola Sirkis dit "tiens, voilà les clés de chez moi, fouille dans mes souvenirs et mon histoire", elle déconstruit tout pour établir un fil a la fois simple au regard de la complexité de la vie du groupe et a la fois intense sur lequel nous cheminons aux côtés d'Indochine : solitude, échec scolaire, succès, pressions, défections, mort, choix artistiques, fanbase (sic), tout est abordé sans voyeurisme.
J'ai été saisie par ce livre, son écriture, ses choix photographies, le style où chaque mot pose une réalité et non une explication ou une justification. C'est intime, pudique, fort et contextualisé sans revendication.
La question de l'identification Nicola Sirkis-Indochine reste là, en filigrane même s'il s'agit tout le long du groupe Indochine. Il est le seul à avoir traversé toutes les périodes du groupe, et à continuer à l'incarner.
Une plongée dans l'univers d'un artiste souvent décrié, bien à tort. Ce livre d'entretien avec la poétesse Agnès Michaux nous montre un Nicola Sirkis avide d'art et de culture, toujours dans un joyeux éclectisme. C'est ce livre qui m'a incitée à me plonger dans l'oeuvre de M. Duras, merci Nicola!
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !