Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Deux Filles nues de Luz Fauve d'or au FIBD 2025 d'Angoulême, un roman graphique et historique, une mise en garde des formes de censures politiques et culturelles, où l'auteur nous raconte un siècle d'histoire à travers un tableau d'Otto Mueller. Un point de vue profond sur la question de la représentation et l'expressionisme. Une oeuvre de Luz avec un regard déprimant, pessimiste et d’optimisme à la fin mettant surtout en avant la montée de l’extrême. Un album époustouflant.
Nous sommes en 1919 et Otto Muller crée le tableau « Deux filles nues » dans une forêt. Nous allons suivre la vie de ce tableau au cours du XXéme siècle, comme un témoin historique.
Quelle œuvre originale ! Toute la bande dessinée est conçue à partir de la vision du tableau. Nous allons donc découvrir tous les événements du XXéme siècle que ce tableau va connaître, en fonction des différents endroits où ce tableau va être déplacé.
Cette bande dessinée est l’occasion ne pas oublier certains événements comme la seconde guerre mondiale, la montée du nazisme et l’art considéré comme « dégénéré ».
C’est une bande dessinée d’hommage à l’Art et à sa puissance ainsi qu’une dénonciation de la censure. J’imagine le travail d’enquête qu’a dû mener Luz pour retracer le parcours de ce tableau et les différents événements auxquels il a assisté.
Je comprends totalement les prix gagnés par "Deux filles nues" avec notamment le Fauve d’or au festival d’Angoulême.
Un périple historique passionnant et un superbe hommage à l’Art ! A découvrir absolument, c’est une œuvre d’utilité publique !
Le roman graphique de Luz célèbre la puissance de l’art, sa capacité à révéler la beauté au-delà du temps et des modes. Le dessinateur choisit de conter l’histoire mouvementée d’un tableau d’Otto Mueller, Deux filles nues, survivant comme lui d’une époque tourmentée.
L’histoire commence au moment où le peintre est installé avec sa femme, Maschka Meyerhofer, à Berlin en 1919, marié depuis quatorze ans. Luz dévoile la création du tableau : en pleine nature avec sa femme comme muse. Seulement, sa vie n’est que misère. Un jour, on lui propose un poste de professeur d’Académie de l’Ecole d’Art de Breslau au fin fond de la Silésie.
Maschka refuse de le suivre. Otto Mueller conserve son tableau quelques années comme un talisman du temps révolu et de son amour pour elle, jusqu’au moment où un collectionneur juif lui demandera de l’acheter. D’un tableau admiré, il deviendra art dégénéré, spolié et très longtemps après restituer. Les bouleversements majeurs de l’Art, durant les décennies 1930 et 1940, Luz les raconte pour décrire les périodes de condamnation, d’oubli, de redécouverte et finalement de réhabilitation.
À travers l’histoire de ce tableau, Luz raconte la liberté de l’art, sa puissance évocatrice et son message universel, malgré tous les dires des nazis.
Difficile de ne pas faire le lien entre les événements du 7 janvier 2015, où des terroristes ont cru supprimer les artistes pour supprimer leurs œuvres.
Mais, au-delà du sujet, le roman graphique, Deux Filles nues, est une merveille de création graphique. Le début, avec la scène de la conception du tableau, est présentée façon puzzle. De plus, plusieurs scènes seront vues du tableau, que l’on ne découvrira qu’à la fin, transformé par le dessin de Luz. Même les T ont des allures de salut de l’époque !
Roman graphique à découvrir, vraiment !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/02/20/luz-deux-filles-nues/
Les premières pages suscitent immédiatement la curiosité et l’intérêt : quelques traits esquissés dont on ne comprend pas trop la signification, une image fragmentée… Puis, on distingue des yeux scrutateurs, un pinceau, un arbre, un homme qui peint, un bonhomme dans la forêt qui s’exprime.
C’est un tableau, et le lecteur comprend que la suite du récit sera perçue par les yeux et l’âme du tableau d’Otto Mueller de 1919 : « Deux filles nues ». Ainsi, quand le tableau est emballé, tout devient gris puis noir.
Luz : « Je propose ainsi d’expérimenter ce que c’est que d’être à l’intérieur d’une toile, de se trouver aussi impuissant qu’un objet ballotté de main en main ou accroché au mur. Cela donne une image assez fragmentée et mouvante. »
Puis, l’auteur nous embarque immédiatement dans les heures sombres du nazisme, et par extension, de n’importe quel mouvement d’extrême droite vers le pouvoir.
« On peut y lire un parallèle avec mon obsession pour la montée actuelle de l’extrême droite en Europe, et son arrivée à la porte du pouvoir en France…
C’est un bouquin nourri d’histoire, mais aussi clairement d’actualité ! Même sans le vouloir, il semble que je reste un dessinateur de presse. »
A l'arrivée de Trump à la Maison Blanche, les inquiétudes de l'auteur résonnent sombrement...
« Deux filles nues » fait partie de la collection de l’avocat juif Littmann, un passionné de peinture. Quand les biens des juifs sont spoliés, le tableau est confisqué par la Gestapo.
Pour le régime nazi, l’art moderne, c’est de « l’art dégénéré ». Donc il faut le montrer aux populations sous ce dénominatif, pour en faire un repoussoir et une honte absolue.
L’exposition : « Art Dégénéré » est organisée par Hitler en 1937.
Il ne suffit pas d’opprimer les populations, d’occuper les territoires, il faut aussi asservir la culture.
« A partir de maintenant, nous mènerons une guerre implacable contre les derniers éléments de la subversion culturelle, une guerre implacable de purification. »
Une vente aux enchères des « Dégénérés » s’organise sous l’égide nazie. Chagall, Van Gogh, Matisse, Laurencin, Otto Mueller en font partie. Certains ne trouvent aucun acquéreur…
En 1942, pour une bouchée de pain, le collectionneur allemand Josef Haubrich les rachète, dont « Deux filles nues »
« On ne collectionne plus désormais, on sauve »
On retrouvera le tableau jusqu’à son retour au musée Ludwig à Cologne, en 2000.
Un graphisme dépouillé qui contribue à la force du récit :
« J’ai travaillé essentiellement à l’encre gris sépia, avec un peu de sanguine, au lavis et même avec du café quand je n’avais plus d’encre, ce qui adoucit le dessin. J’ai cherché la douceur pour contraster avec le fond de ce que je raconte. Comme le tableau n’est pas propre au mouvement, il fallait que ça danse un peu dans la page, que le regard puisse valser dans les cases. Bizarrement, alors que le récit est très oppressant, je crois que c’est mon livre le plus fluide et aéré. »
En 1999, l’image des enfants Littmann retrouvant le tableau de leur père, est saisissante de simplicité et d’émotion.
Un parti pris original et très réussi !
BD lue dans le cadre du Prix Public France TV d’Angoulême 2025.
Merci aux éditions Albin Michel pour cette belle découverte.
https://commelaplume.blogspot.com/
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Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
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