"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cette BD est basé sur le livre "La Douleur" de Marguerite DURAS. Présentée hors format, sur un papier épais avec une impression de grande qualité qui rend hommage aux gris et noirs des dessins, ainsi que du texte, il se dégage une atmosphère étrange et triste. Habituée aux codes du manga, il m'a fallu oublié tout ça pour plonger dans les codes modernes du roman graphique (c'est un roman graphique plus qu'une BD).
Le texte est dépouillé, le dessin est très travaillé et les deux sont indissociables. L'émotion ne naît pas de la reconnaissance automatique par l'image mais bien par l'association mot-image. Il y a peu de texte, mais celui-ci est juste, clair, sans ambiguïté. Certains codes sont connus ou à apprendre (ce que j'ai fait) comme la case en traits droits (temps présent) ou légèrement ondulés (temps passé).
On ne comprend pas au début pourquoi "Pénélope". Dans la première partie, on suit Marguerite face au silence obstiné de celui qui est revenu des camps : son mari déporté pour Résistance. On croise Fabienne dont son fils n'en est pas revenu. On "entend" le récit d'un déporté qui trouve l'énergie de raconter les autres pour que la mémoire des "copains" (sic) ne disparaisse pas. On comprend pourquoi M. RAMIER ne veut plus entendre le récit des déportés qui reviennent des camps et juste consigner les noms de ceux qui sont morts ou potentiellement vivants (les déportés racontent si untel ou untel a été vu vivant ou s'il a été tué dans une chambre à gaz, de maladie, au travail, lors des longues marches au sortir des camps...). Marguerite, Fabienne et Ramier sont des bénévoles. Il y a aussi le troublant soldat Mathieu et Etienne, l'aide-soignant du mari de Marguerite (Robert Anthelme n'est jamais nommé par son nom). On se demande si Marguerite éteinte est vraiment éteinte ou s'il elle maintient sa tristesse ? Les cafés parisiens ré-ouvrent, la vie reprend.
La deuxième partie est explicite : on joue au théâtre "Le retour d'Ulysse en sa partie" et tout prend sens : le silence de ceux qui reviennent, leur envie de ne plus être là, de ne plus être reconnu, l'envie de se cacher, la culpabilité d'être vivant alors que les autres sont morts, la culpabilité de ceux qui n'ont pas été déportés de ne pas pouvoir comprendre ni être utile, l'attente pour certains de revoir ceux qui ont été déportés, le deuil à faire pour les autres. Ce qui est innommable. Dans le Retour d'Ulysse, Pénélope a été fidèle et pourtant Ulysse refuse d'être reconnu, il refuse son trône, il refuse sa femme, il refuse son fils, il refuse sa victoire : il refuse de parler. Et tout prend sens...
Un très beau roman graphique, un peu froid dans son dessin, mais l'association image-mot y pallie bien. Et la précision historique, l'air de rien, est terrible (l'hôtel le Lutetia, pourquoi les camps n'ont pas été libérés rapidement, etc.).
Italie du nord, une nuit de l'hiver 1256... un bébé pleure dans la forêt, au loin un petit homme est pris entrain de voler des oeufs. Il s'appelle Corfino et c'est son histoire que l'on va écouter.
Giuseppe Zironi s'inspire d'un conte italien pour faire le récit d'une troupe de saltimbanques, d'artistes qui sillonnent les villes, produisant chants et danses et montrant une créature, une bête que personne ne peut approcher. Voyageant entre deux villes, Corfino va faire une rencontre qui va changer sa vie...
Une calèche, un chevalier qui lui donne un calice et le somme d'apporter de l'eau de la source à une femme enceinte qu'il reconnait instantanément... Corfino raconte tout, suscitant le doute et la surprise chez ses interlocuteurs. Un récit à tiroirs qui vient fermer la boucle sur une fin qui fait sens avec le début. Les nombreux personnages secondaires rendent parfois la compréhension difficile, j'ai d'ailleurs eu besoin d'une relecture pour mieux appréhender le récit.
J'ai par contre été charmé et impressionné par le dessin de Lorenzo Chiavini. Un trait sûr, épais et noir, beaucoup de dynamisme dans les personnages (de magnifiques extraits de planches cloturent l'album en beauté). Impossible de ne pas évoquer les couleurs sublimes de Valentina Grassini. Elles offrent des nuances de nuit d'hiver superbes, des ambiances ocres impactées par la lumière, le feu... C'est vraiment très beau !
L'objet livre, une réédition retravaillée des éditions Paquet, est, qui plus est, très réussi. Ce conte médiéval est l'occasion de lire une très belle bande dessinée et de découvrir un récit obscure, mystérieux et original.
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