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On est évidemment loin très loin du Los Angeles du rêve américain, loin d'Hollywood. Larry Fondation, depuis Sur les nerfs et Criminels ordinaires parle des gens de la rue, de ceux qu'il a côtoyés en étant médiateur de quartier. Il montre très bien en peu de mots de manière tragi-comique la difficulté de vivre dans un pays qui ne voit ni ne pense à ses pauvres : "Angie pète les plombs et se précipite dans la rue, où elle se fait percuter par une voiture. On l'emmène à l'hôpital, où les docteurs collent la grosse facture pour soigner sa jambe cassée sur le dos du gouvernement fédéral. Le Sénat, qui crie au déficit, réduit les budgets sociaux, ce qui fait que lorsque Angie sort de l'hôpital, le foyer où elle vivait a fermé par manque de fonds. Entre-temps, il est apparu que le chauffeur qui a renversé Angie avait un peu picolé -même s'il n'aurait jamais pu s'arrêter, bien sûr, parce qu'elle avait déboulé comme ça, devant lui. Le juge n'a pas vu les choses sous cet angle et l'a envoyé en taule, en lui retirant le permis. Raison pour laquelle il a perdu son boulot, parce qu'il ne pouvait plus s'y rendre, donc, plus d'argent. Sa femme l'a quitté pour le comptable chez qui elle travaillait comme responsable administrative. Raison pour laquelle le chauffeur, qui s’appelle Fred, aujourd'hui sans abri, entre au Black Rock et, sans se douter de quoi que ce soit, s'assied à côté d'Angie, qui l'aime tout de suite beaucoup, alors ils picolent ensemble, s'embrassent, etc." (p.20/21)
Construit en tout petits chapitres dans une langue qui alterne les niveaux : parfois argotique voire ordurier, parfois plus classique, beaucoup de dialogues, c'est un livre qui demande un peu de temps pour s'habituer à son rythme, à un certain sens de l'ellipse. Et puis, une fois dedans, on se prend au jeu... jusqu'à un certain point. Parce que finalement, le contenu n'est pas à hauteur des espérances ; Larry Fondation tourne en rond. J'avais bien aimé ces deux premiers bouquins, mais celui-ci me déçoit. Trop long. Trop banal si je puis dire. Mais pourquoi a-t-il adopté un style plus classique de roman de 200 pages, alors qu'il était incisif, marquant et très original dans un format plus court ? Dans mon billet pour Sur les nerfs, j'écris : "certaines nouvelles m'ont laissé dubitatif, parce que parfois trop déstructurées, trop elliptiques, mais dans l'ensemble je suis plutôt positif et curieux de ce que pourrait faire Larry Fondation en musclant un peu ses personnages, en les développant et en les mettant dans un roman." (autocitation entièrement narcissique et assumée comme telle) ; je reste en partie sur ma position (non relue avant d'écrire le début de ce billet) notamment pour ce qui concerne la musculature des personnages et l'ellipse trop présente. Par contre, Larry Fondation, n'est finalement jamais aussi bon que lorsqu'il écrit de courts textes, comme dans Criminels ordinaires. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis dit-on. Je confirme.
Recueil de textes plus ou moins longs ou plus ou moins courts selon qu'on aime ou pas, dans la même veine que Sur les nerfs du même auteur. Larry Fondation place ses personnages dans des situations difficiles, dans des quartiers dangereux et chauds de Los Angeles. Il décrit des faits de la vie quotidienne qui tournent au tragique ou des actes moins courants comme des agressions, des vols, voire des meurtres mais qui deviennent quasi naturels dans ces quartiers. C'est un peu la version moderne de sexe, drogue and rock'n'roll qui se traduirait par sexe, drogue, rap and guns. Il suffit d'un regard parfois pour que ça tourne mal :
"Je regardais juste dans le vide, je rêvassais, si vous voulez, sans rien mater de particulier. Il ne voyait pas les choses de la même manière ; il pensait clairement que je l'observais.
- Qu'est-ce que tu mates, là, enculé ? il m'a demandé en me foutant un coup de matraque sur la tronche." (p.78)
Parfois entre deux histoires noires, violentes une pause survient et la chance ou la bonne fortune sourit à l'un des héros. Ce ne sont pas les nouvelles les plus répandues dans le livre, mais elles donnent une note d'espoir malgré tout.
Comme dans Sur les nerfs, les textes de Larry Fondation sont courts, très courts ou un peu plus développés. Il excelle dans les versions ramassées sachant raconter des petites histoires percutantes avec des personnages à la dérive, menés par l'alcool, la drogue ou le sexe et parfois les trois en même temps. Phrases courtes qui claquent. Efficaces. Il est une expression qui dit livre-coup-de-poing qui siérait parfaitement à cette oeuvre. Les héros de Larry Fondation sont de pauvres types, des filles paumées travaillant peu ou pas ou dans des jobs peu enviables :
"C'était un boulot de merde, man. Nettoyer par terre, les chiottes, tous ces putains de bureaux de luxe, la nuit. Plus personne, pas âme qui vive. Mais de tonnes de gens comme nous ; de partout. Impossible de faire la différence entre les chefs et nous. Tout le monde se ressemblait." (p.130)
Un bouquin dur mais intéressant. Prudes et puritains s'abstenir car la violence et le sexe sont présents mais jamais gratuitement ; à chaque fois que L. Fondation décrit une scène terrible ou sexuée (voire les deux ensemble) elle est justifiée. Très actuel, sans doute très états-unien, mais croyez un non-amateur -mais point primaire- de la littérature de ce pays en particulier et sa culture en général (ah, ils en ont une ???), c'est un bouquin qui mérite un instant d'arrêt sur ses pages.
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