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Ils sont trois : Fish, Soap et Bonds. Deux hommes, une femme. Deux blancs, un noir. Trois clochards. L'un cherche dans les journaux abandonnés sur les trottoirs des nouvelles atroces du vaste monde qui le font se sentir moins misérable, l'autre se souvient d'une guerre à laquelle il a survécu, la troisième préfère voler du rouge à lèvres plutôt que de la nourriture pour se rappeler le temps où elle était jolie.
On est à Los Angeles, en 1994.
Des promoteurs immobiliers rachètent à bas prix des taudis du côté de Hollywood.
La radio sur laquelle Fish, Soap et Bonds écoutent des vieux tubes a été fabriquée en Chine.
Et puis après tout il fait beau : c'est la Californie !
Dans l'Amérique du soleil et des palmiers, mais loin du Walk of Fame, les tribulations tragi-comiques de trois laissés pour compte qui ont raté le train - ou le jet privé - du libéralisme.
On est évidemment loin très loin du Los Angeles du rêve américain, loin d'Hollywood. Larry Fondation, depuis Sur les nerfs et Criminels ordinaires parle des gens de la rue, de ceux qu'il a côtoyés en étant médiateur de quartier. Il montre très bien en peu de mots de manière tragi-comique la difficulté de vivre dans un pays qui ne voit ni ne pense à ses pauvres : "Angie pète les plombs et se précipite dans la rue, où elle se fait percuter par une voiture. On l'emmène à l'hôpital, où les docteurs collent la grosse facture pour soigner sa jambe cassée sur le dos du gouvernement fédéral. Le Sénat, qui crie au déficit, réduit les budgets sociaux, ce qui fait que lorsque Angie sort de l'hôpital, le foyer où elle vivait a fermé par manque de fonds. Entre-temps, il est apparu que le chauffeur qui a renversé Angie avait un peu picolé -même s'il n'aurait jamais pu s'arrêter, bien sûr, parce qu'elle avait déboulé comme ça, devant lui. Le juge n'a pas vu les choses sous cet angle et l'a envoyé en taule, en lui retirant le permis. Raison pour laquelle il a perdu son boulot, parce qu'il ne pouvait plus s'y rendre, donc, plus d'argent. Sa femme l'a quitté pour le comptable chez qui elle travaillait comme responsable administrative. Raison pour laquelle le chauffeur, qui s’appelle Fred, aujourd'hui sans abri, entre au Black Rock et, sans se douter de quoi que ce soit, s'assied à côté d'Angie, qui l'aime tout de suite beaucoup, alors ils picolent ensemble, s'embrassent, etc." (p.20/21)
Construit en tout petits chapitres dans une langue qui alterne les niveaux : parfois argotique voire ordurier, parfois plus classique, beaucoup de dialogues, c'est un livre qui demande un peu de temps pour s'habituer à son rythme, à un certain sens de l'ellipse. Et puis, une fois dedans, on se prend au jeu... jusqu'à un certain point. Parce que finalement, le contenu n'est pas à hauteur des espérances ; Larry Fondation tourne en rond. J'avais bien aimé ces deux premiers bouquins, mais celui-ci me déçoit. Trop long. Trop banal si je puis dire. Mais pourquoi a-t-il adopté un style plus classique de roman de 200 pages, alors qu'il était incisif, marquant et très original dans un format plus court ? Dans mon billet pour Sur les nerfs, j'écris : "certaines nouvelles m'ont laissé dubitatif, parce que parfois trop déstructurées, trop elliptiques, mais dans l'ensemble je suis plutôt positif et curieux de ce que pourrait faire Larry Fondation en musclant un peu ses personnages, en les développant et en les mettant dans un roman." (autocitation entièrement narcissique et assumée comme telle) ; je reste en partie sur ma position (non relue avant d'écrire le début de ce billet) notamment pour ce qui concerne la musculature des personnages et l'ellipse trop présente. Par contre, Larry Fondation, n'est finalement jamais aussi bon que lorsqu'il écrit de courts textes, comme dans Criminels ordinaires. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis dit-on. Je confirme.
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