"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce roman SF fait partie d'une série en trois volets. C'est excellent, c'est noir, c'est inquiétant voire flippant mais c'est ce qui retient le lecteur jusqu'au bout.
Derrière le nom de James S. A. Corey se trouvent deux hommes loin d’être étrangers au monde de l’écriture : Daniel Abraham, auteur de romans de fantasy et de science-fiction, et Ty Franck, l’assistant d’un certain George R. R. Martin. Ensemble, fort de leurs expériences, ils nous livrent une saga de science-fiction intitulée The Expanse, dont six tomes sont déjà parus sur les neufs de prévus. L’Éveil du Léviathan, paru aux États-Unis en 2011, édité en France par les éditions Actes Sud en 2014 et nommé pour le Prix Hugo du meilleur roman 2012, est le premier volume de cette série qui mélange les genres et crée un univers à part entière et passionnant.
Situé dans un futur où l’être humain a réussi à coloniser le système solaire, L’Éveil du Léviathan raconte l’histoire de deux points de vue narratifs, rapportés à la troisième personne et qui permutent à chaque chapitre. Le lecteur fait alors connaissance avec Jim Holden, commandant en second d’un vaisseau transporteur de glace qui alimente en eau les stations spatiales installées dans la Ceinture principale d’astéroïdes. Recevant un signal de détresse et selon la loi en vigueur dans le Système solaire, il décide d’intervenir avec son équipage pour opérer une tentative de sauvetage des membres du vaisseau en perdition, le Scopuli. Arrivés sur place, ils découvrent un vaisseau à l’abandon tandis que de mystérieux visiteurs équipés d’armes de pointe et d’un vaisseau furtif les prennent en chasse.
Dans la Ceinture d’astéroïdes, sur la station Cérès, l’inspecteur Miller est chargé de retrouver Juliette Mao, la fille d’un riche entrepreneur tandis que la situation sur la station est troublée par l’Alliance des Planètes Extérieures (ou APE), un mouvement politique à tendance extrémiste, voire même terroriste, dont le but est de permettre à la Ceinture de retrouver une sorte d’autonomie face à la Terre et à Mars. Quand son enquête sur Juliette Mao le conduit à un vaisseau nommé Scopuli, la guerre menace d’éclater dans le système solaire.
Roman écrit à quatre mains (Daniel Abraham écrivant les chapitres du point de vue de Miller et Ty Franck ceux du point de vue de Holden), L’Éveil du Léviathan est une excellente introduction à l’univers créé par les deux compères. S’inspirant fortement de notre Histoire (les tensions entre la Terre et Mars faisant penser à celles entre les États-Unis et l’URSS pendant la Guerre froide) et de cette course à l’armement de pointe qui régit les relations entre pays, The Expanse est une saga qui mêle habilement les genres. D’abord thriller avec la recherche de Juliette Mao par un inspecteur tout droit sorti des films noirs hollywoodiens, l’intrigue esquisse des lignes politiques qui, à coup sûr, seront développées dans les prochains tome, avant d’entrer de plain-pied dans une science-fiction qui se veut toutefois réaliste (pas de saut en vitesse-lumière, les personnages mettent plusieurs semaines pour parvenir à leur destination, …) et dans le fantastique horrifique et ce, sans temps mort.
Car le roman se déroule à un rythme effréné qui rappelle beaucoup celui des feuilletons littéraires comme Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas ou Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, à savoir de courts chapitres, des rebondissements à foison, des personnages lancés dans l’histoire et qui n’ont pas de recul nécessaire pour mieux apprécier la situation.
De quoi, finalement, tenir le lecteur en haleine qui ne voit pas les 600 pages défiler tandis que les auteurs mettent leurs personnages à rude épreuve, dans un style d’écriture fluide et prenant mais auquel il manque ce je-ne-sais-quoi qui ferait de l’ouvrage non plus un très bon roman de science-fiction mais un excellent.
https://unepauselitteraire.com/2016/01/27/leveil-du-leviathan-de-james-s-a-corey/
L’Éveil du Léviathan, premier volume de The Expanse, avait esquissé les contours d’un univers extrêmement travaillé et réaliste, un très bon prologue qui laissait le lecteur sur sa faim, dans lequel l’humanité avait échappé à une menace sans précédent. Pour les deux acolytes qui se cachent derrière le pseudonyme de James S. A. Corey, le deuxième volume de leur saga, La Guerre de Caliban, est l’occasion d’explorer un peu plus l’aspect politique, en développant les différentes relations entre planètes et en multipliant les points de vues des personnages, sans toutefois gommer certains défauts évidents qui desservaient à la lecture du premier ouvrage.
Les évènements tragiques sur lesquels s’achevait L’Éveil du Léviathan ont changé la donne politique, notamment avec l’émergence de l’Alliance des Planètes extérieures (APE), tandis que l’humanité a, sous ses yeux, cette protomolécule qui prolifère à la surface de Vénus, cachée par des nuages qui rend son observation quasi impossible. La dualité entre Mars et la Terre est plus que palpable et il ne manque plus qu’une étincelle pour mettre le feu à la poudrière et faire éclater une guerre qui embraserait l’univers entier. C’est dans ce climat extrêmement tendu que s’ouvre La Guerre de Caliban.
Tandis que James Holden et son équipage, toujours à bord du Rossinante, s’occupent à assurer la sécurité des vaisseaux appartenant à l’APE, Roberta Draper, dite Bobbie, sergent dans le corps des Marines de Mars, assiste, sur Ganymède, la lune de Jupiter qui fait aussi office de grenier à blé, à un massacre d’un contingent de soldats des Nations-Unies et de Mars par une créature inconnue, provoquant alors les premiers échanges de tirs entre des vaisseaux de Mars et de la Terre alors que, au même instant, Prax, un scientifique travaillant sur Ganymède, voit sa fille être enlevée, tout comme d’autres enfants de la station. Chrisjen Avasarala, une politicienne de haut rang officiant pour les Nations-Unies, décide de s’intéresser d’un peu plus près aux évènements qui secouent Ganymède et aux bouleversements qui agitent Vénus, dans l’espoir d’éviter un conflit interplanétaire.
Un grand changement majeur par rapport au premier tome, il s’agit de la multiplicité des points de vue qui apporte un meilleur rythme à l’ouvrage : de deux points de vue, les auteurs passent à quatre, ce qui leur donne une plus grande liberté d’action, promenant le lecteur de Ganymède à la station de l’APE sur Tycho, en passant par la Terre où nous découvrons une société avec un fonctionnement différent de la nôtre. Néanmoins, ce découpage a ses limites, des limites que l’on découvre vers la fin de l’ouvrage, où une bataille d’envergue est engagée et dont on reste à l’écart, faisant malencontreusement retomber la tension.
Reprenant les éléments développés dans le premier roman, La Guerre de Caliban continue de décrire le traumatisme causé par la protomolécule : Jim Holden, profondément marqué par son aventure sur la station Éros et par le départ de l’inspecteur Miller, développe un côté assez borderline, jouant, dans un premier temps, du revolver avant de se mettre à parler, tandis que le personnage de Prax récupère cette maladresse qui était caractéristique de Holden dans le premier volume et deviendra un véritable poids, chacune de ses interventions étant particulièrement pénible. Geignard et obstiné, Prax est la véritable faiblesse de l’ouvrage.
Chrisjen Avasarala est, quant à elle, l’exact inverse de Prax et la plus grande réussite du roman : vulgaire et intelligente, elle nous entraîne dans les hauts rangs de la politique terrienne, ce qui donne à l’ouvrage une nouvelle tonalité. Là où L’Éveil du Léviathan empruntait les codes du roman noir et de l’horreur, La Guerre de Caliban, grâce à Avasarala, devient un roman purement politique, fait de coups bas et de stratégie, ce qui étoffe l’univers de The Expanse.
Toujours écrit avec un rythme effréné, La Guerre de Caliban est un excellent roman, plus sombre que son premier tome. Corrigeant quelques défauts inhérents à chaque début de saga, les auteurs continuent de développer leur univers avec brio, tout en se permettant de conclure leur ouvrage avec une fin ouverte, tenant en haleine le lecteur qui, une fois l’ouvrage refermé, n’a qu’une seule hâte, celle de découvrir la suite.
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