"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Un fils peut-il devenir un autre, se peut-il qu'il ait toujours été un autre, un alien, un monstre ? Y a-t-il malentendu sur la filiation, méprise plus ou moins consciente, duperie plus ou moins consentie ? Qu'est-ce qu'un fils pour un père ? Une part de lui ? Sa continuation donc ou au contraire sa négation ?"
Attention sujet choc, et on ne peut plus actuel. Ce questionnement sur la filiation et la transmission, tout parent confronté à un acte horrible commis par son enfant y est confronté sans forcément trouver la réponse. Dans ce roman, Marc est soudainement projeté dans un gouffre d'incompréhension lorsqu'il apprend que son fils Bruno a tout laissé tomber pour partir en Syrie et rejoindre les djihadistes avec son copain Manu, fils du meilleur ami de Marc. Journaliste, Marc baigne dans l'actualité internationale, il est parfaitement documenté et connaît la réalité du terrain. Comment peut-il associer dans son esprit son fils (son bébé, son enfant, son ado...) avec les actes barbares qui sont commis partout dans le monde et dont les images révoltantes s'affichent sur les réseaux sociaux ? En inspectant son studio, en cherchant ce qu'il a pu manquer, Marc s'interroge bien au-delà de son propre cas sur la fascination qu'exerce la violence et sur la persistance de la barbarie au travers des années.
L'intelligence de ce roman est d'explorer à la fois ce qui a pu, dans la vie de Bruno l'inciter à chercher ailleurs des sensations fortes ou peut-être un sens à son existence, mais également ce qu'il a pu puiser dans ses gènes, dans l'héritage de ses ancêtres. Car Marc est d'origine française et allemande. Son grand-père, Helmut a connu la seconde guerre mondiale sans que son rôle n'ait été clairement expliqué dans la famille. Pour Marc, cela reste une interrogation, une marque invisible mais douloureuse. Impossible pour lui de ne pas associer tout allemand aux horreurs nazies, d'une façon ou d'une autre. Impossible non plus de ne pas faire le parallèle entre ces deux barbaries.
Marc est un homme intelligent, cultivé, documenté et raisonnable. Le départ de Bruno le renvoie à ses propres tâtonnements de jeunesse, ses engagements politiques parfois violents. Mais tout de même... rien de comparable avec ces horreurs, attentats et décapitations en séries. Pourtant, il a toujours préféré laisser son fils faire ses propres expériences. Celle-ci en est une. De quoi revenir sur ses principes d'éducation ?
L'auteur est lui-même journaliste et parfaitement renseigné ce qui nous vaut une plongée synthétique et percutante dans l'histoire récente du terrorisme islamiste. Mais surtout, la question de l'héritage est particulièrement convaincante, et la démonstration assez glaçante qui montre à quel point la barbarie est résistante.
"C'est pour cela qu'on devient journaliste d'ailleurs, pour mettre entre guillemets la férocité du monde."
Le moins que l'on puisse dire c'est que l'auteur ne se cache ni derrière des guillemets ni derrière des faux-semblants. Le propos est cash et interpelle tout le monde quant à sa responsabilité tant sur le terrain politique, social que familial. Ça secoue, et c'est tant mieux.
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